Le général Yahya khan cède le pouvoir, le 20 décembre 1971, à Zulfikar Ali Bhutto, chef du PPP, le parti populaire pakistanais, majoritaire au Pakistan occidental. L'heure est enfin venue pour l'ambitieux rival de Mujibur Rahman de jouer le premier rôle. Il limoge 20 généraux et amiraux, des hauts fonctionnaires, rassure les militaires et, parlant au nom du « Pakistan uni », fouette l'orgueil national humilié.

Diplomatie réaliste

Pour compter ses alliés et trouver de nouveaux marchés après la perte du client et fournisseur principal du Pakistan, Ali Bhutto entreprend plusieurs tournées à l'étranger. L'Islam est le dénominateur commun des 21 pays (sauf l'Éthiopie) visités en janvier et mai 1972, de l'Afghanistan à la Guinée. Tous ont soutenu la cause de l'unité du Pakistan et refusé de reconnaître le Bangla Desh.

« S'agissant des grandes puissances, il faut être réaliste », déclare Ali Bhutto, succédant à Mujibur Rahman à Moscou en mars. Il passe avec l'URSS un accord commercial et technique et rétablit les relations diplomatiques rompues avec les pays socialistes qui ont aussi reconnu le Bangla Desh.

Pays musulmans, États-Unis et Chine : tels sont les points d'appui de Bhutto. Deux organismes, principalement financés par les Américains, interviennent en faveur d'Islamabad. Le Consortium international d'aide au Pakistan repousse l'échéance de la dette pakistanaise (1,2 milliard de F) à juin 1973 ; l'Association de développement international prête 900 millions pour l'achat de marchandises. Enfin, de nouveaux donateurs se manifestent, l'Arabie Saoudite (250 millions), la Libye.

L'aide la plus importante vient de Pékin. Quand il en revient, le 2 février, Ali Bhutto n'annonce pas seulement la livraison de 3 escadrilles de Mig-19 et de centaines de chars ; la Chine populaire reporte à 1993 le recouvrement de sa créance (1 milliard) et fait don de 550 millions au Pakistan.

Économie

Il était temps. En juillet 1971, l'endettement atteignait 15 milliards, le cinquième des recettes. Le Trésor, en mai 1972, dévalue la roupie. La perte du Bengale et de son jute a fait tomber le produit national brut de 77 à 52 milliards. Les usines tournent au ralenti. En juin, l'industrie est paralysée par des grèves ; 5 000 personnes manifestent à Karachi, où la police tire et tue 8 ouvriers.

Budget d'austérité ; taxation des gros revenus ; nationalisation de l'industrie lourde et de l'énergie ; développement des grands travaux : toutes ces mesures visent à redresser l'économie, promouvoir une société égalitaire, juguler l'agitation sociale.

Les possibilités économiques ne sont pourtant pas mauvaises. Réduit à sa partie occidentale, le Pakistan se suffit en blé. La progression industrielle, certes, marque le pas : 2,3 % contre 10 % en 1970. Mais, en 1971, les exportations de l'Ouest, malgré les événements, augmentent de 24 %. La difficulté désormais vient de ce que leur destinataire était pour moitié le Bengale Oriental.

Reconnaissance

Mujibur Rahman refuse toute discussion avec Ali Bhutto avant la reconnaissance du Bangla Desh par le Pakistan. Le procès à Dacca pour « génocide et crimes contre l'humanité » de 150 prisonniers de guerre pakistanais et le maintien au Pakistan de 400 000 Bengalis, un échange de ces derniers contre les Biharis du Bangla Desh (dont Bhutto ne veut pas car leur arrivée équivaudrait à l'afflux des 10 millions de réfugiés en Inde) constituent le contentieux banglo-pakistanais. Pour conserver son crédit, chacun est condamné à l'intransigeance. Les deux frères ennemis devront pourtant s'entendre s'ils ne veulent pas que leur contentieux soit réglé par leur voisine, l'Inde.

Plusieurs pays proposeront la candidature du Bangla Desh à l'Assemblée générale de l'ONU en septembre 1972. Bhutto ne peut courir le risque de se heurter aux Nations unies. Acquis au principe de la reconnaissance, il y prépare ses compatriotes : « Le Bangla Desh est une réalité » affirme-t-il. Ali Bhutto peut rencontrer alors Mme Gandhi le 28 juin à Simla.

Prudent, il a fait approuver la négociation par l'Assemblée nationale, qui avalisera les résultats éventuels. De plus, des personnalités du Baloutchistan et de la province du Nord-Ouest l'accompagnent en Inde.

Concessions

La sécession du Bengale-Oriental a réveillé les tendances autonomistes dans les deux provinces occidentales du Pakistan. Devant la réelle menace de soulèvement de Wali khan, le président du NAP, le parti national awami (4 des 6 millions de Pathans sont armés), le président pakistanais doit composer Gouverneurs et gouvernements provinciaux sont désormais issus des partis majoritaires, le PPP dans le Sind et le Penjab, le NAP dans les provinces baloutche et pathane. Dans leur pacte, Wali khan et Ali Bhutto ont aussi accepté, l'un une Constitution de type présidentiel, l'autre la levée de la loi martiale, en vigueur depuis mars 1969.