La participation du public ne pourrait-elle être suscitée que par les sculptures palpables et démontables de Paul Neagu que l'on découvre à Los Angeles dans une demi-obscurité et que l'on peut toucher et recomposer à sa fantaisie ? « Sorties du mur, de la salle, du socle, du piédestal, en plein vent, à la pluie, aux orages, à la merci du vol et de l'accident, les œuvres cessent d'être des joailleries pour parler le langage des éléments... » Les photographies champêtres de Baldessari forment une introduction à l'infinité des projets exploratoires de la nature, les kilomètres de rivage australien empaquetés par Christo évoquent la tentation de l'artiste, une tentation permanente, de ranger le monde sous l'arbitraire de ses désirs et la nécessité des règles de l'art.

C'est à la pensée technologique que l'on peut alors avoir recours pour concilier besoin de certitude et exigence de vérité. User de techniques pour percer à jour une civilisation technique, c'est là la démarche de César créant avec ses sculptures plastiques un nouveau matériau et de nouvelles formes, c'est la démarche aussi de Joël Stein étudiant les possibilités artistiques du laser.

Expositions, publications, photographies et films d'art, émissions radiophoniques et télévisées : l'œuvre est prisonnière d'un réseau culturel qui s'affine et se resserre. Mais le massage incessant auquel les moyens modernes d'information soumettent le public aboutit, à travers un système de références ponctuelles et spectaculaires né des hasards de l'actualité, non plus aux critères universels et définitifs du goût traditionnel, mais à une culture aléatoire. L'artiste se heurte non plus au mépris ou à l'ignorance, mais à une perception dévoyée.

L'inquiétant succès de l'exposition d'art tantrique à la galerie du Point-Cardinal témoigne moins d'un attrait pour la méditation et l'abstraction orientales que d'une fascination maladive pour le mystère, le code, l'œuvre à clé. Désir de l'au-delà du signe par incapacité de saisie du signe même, défaut de sensibilité vraie. Sclérose didactique et dynamisme commercial s'unissent pour imposer à notre société l'image des images, l'œuvre s'affadissant en sa reproduction sonore ou visuelle, l'objet utilitaire désignant un monde de formes originales diluées en vue de la plus grande consommation possible. L'objet essentiel de l'art actuel devrait être de réadapter, de réinventer des attitudes. Mais, jeu, révolte ou magie, son rôle est aujourd'hui plus que jamais incertain.

Le CNAC : Centre national d'art contemporain

Au cours des deux dernières années, on a vu se succéder, dans les salons et les jardins d'un hôtel particulier de la rue Berryer de Paris, les caissons précieux de Kalinowski, les structures actives de Viseux, les constructions dans l'espace de Jean Gorin, les pots de fleurs géants de Raynaud, les fœtus roses de Dado, le cabinet logologique de Dubuffet, les sculptures plastiques de César. Installé dans les locaux de la fondation Salomon de Rothschild, le Centre national d'art contemporain (CNAC) poursuit ainsi sa politique de promotion de l'art d'aujourd'hui et entreprend d'animer les études et les recherches graphiques et plastiques. Créé en 1967 par un arrêté ministériel d'André Malraux et soutenu dans son action par les membres de l'Association du CNAC, le Centre a pu mener à bien, au cours de l'année écoulée, les trois points principaux de son programme :
– information du public et des créateurs, par l'installation d'un centre de documentation rassemblant plusieurs milliers de dossiers consacrés aux artistes contemporains, d'une bibliothèque, de salles de travail pour les chercheurs ;
– constitution d'une collection destinée à combler les lacunes des musées nationaux en matière d'art contemporain : des œuvres d'Agam, Arman, Francis Bacon, Krasno, Soto, Pol Bury, Tapiès, Jorn, Courtin, Raysse, Ipousteguy, Klein, Lee Bontecou, Philip King, Rothko, Nevelson, George Segal, Sam Szafran, Tinguely ont été ainsi présentées au cours de deux accrochages, en septembre et mars 1970 ;
– organisation d'expositions à Paris (les rétrospectives Max Bill et Vieira da Silva), en province et à l'étranger : les peintures récentes de Jean Hélion parcourent depuis quelques mois les principales villes de France.