Journal de l'année Édition 1969 1969Éd. 1969

Les réactions sont vives au lendemain du discours du chef de l'État annonçant le maintien de la parité du franc et imputant la crise monétaire à « la secousse morale, économique et sociale » de mai-juin. La CFDT critique des mesures qui « signifient sacrifices pour les travailleurs et allégement pour le patronat ». La CGT dénonce « les tares d'un régime miné par ses contradictions », et exprime au Premier ministre son « opposition résolue ».

Craignant peut-être un débordement sur sa gauche, la CGT décide, au travers du double thème de l'échelle mobile et de l'anticipation du rendez-vous de mars 1969, de relancer les actions revendicatives et de prendre la tête des mécontents. Si à l'Assistance publique, la semaine d'action est menée conjointement par les trois grandes confédérations, chez Citroën, la CGT est seule à organiser des débrayages pour la protection des libertés syndicales.

Fin janvier 1969, c'est toujours seule que la CGT décide une « journée nationale d'action » pour le 12 février. Conjointement, FO et la CFDT annoncent leur opposition à cette décision unilatérale et, poursuivant leurs conversations, annoncent l'existence entre elles de « nombreuses convergences ».

Dans ce climat incertain, l'annonce par le gouvernement d'une hausse des salaires dans le secteur nationalisé limitée à deux fois 2 % raidit les positions : les syndicats sont conduits à estimer que, pour le rendez-vous de mars, les jeux sont déjà faits. L'accord sur la sécurité de l'emploi signé le 10 février 1969, après cinq mois de négociations et dix-sept réunions, incite, d'un autre côté, les états-majors à accentuer la pression pour que s'ouvre sans tarder une seconde négociation avec le CNPF sur la formation professionnelle.

L'échec de Tilsitt

Changement significatif : à la veille du rendez-vous de mars, le 3, la CFDT rencontre la CGT pour envisager les actions à mener en cas d'échec de la conférence de Tilsitt, qui s'ouvre le 4 mars, sous la présidence de Maurice Schumann.

D'emblée, le ministre annonce qu'il n'a pas pouvoir de négocier. La réunion, selon lui, ne peut avoir pour objet que de faciliter les négociations de salaires dans les diverses branches professionnelles en « fournissant une base et un cadre » de façon à les rattacher « à l'évolution du pouvoir d'achat et à l'évolution économique et financière ». Face aux organisations qui réclament un rattrapage de 6 % au moins (la CGT demande en plus l'échelle mobile), l'échec est certain.

Ni les concessions mineures du ministre des Affaires sociales (nouvelle réunion avec les ministres de tutelle dans le secteur public, étude des prestations familiales par une commission du plan, consultation sur la réforme de l'impôt et sur le revenu) ni les déclarations d'intention de P. Huvelin (qui se déclare favorable à une « stimulation » des conventions collectives) ne suffisent à empêcher l'échec.

Massivement suivi

Pêle-mêle, commerçants, cadres et salariés expriment leur amertume. Faisant écho à la grève des commerçants du 5 mars 1969 (elle est suivie à 95 %). les confédérations CGT, CFDT et FO décident une grève nationale de vingt-quatre heures pour le 11 mars. Les débrayages qui ont déjà eu lieu chez Renault à la veille du rendez-vous de Tilsitt et à la gare de Lyon (les roulants débrayent pendant trente-six heures les 8 et 9 mars) laissent penser que l'arrêt sera massivement suivi. Il l'est effectivement et la manifestation prévue place de la Bastille, à Paris — FO n'y participe pas —, connaît un succès honorable.

La proximité du référendum, toutefois, fausse la signification de la grève du 11. « Qu'à cela ne tienne, déclare un gaulliste, l'agitation réveillera aussi l'électeur moyen. Il y aura moins d'abstentions au référendum… » Certains observateurs parlent alors de provocation.

Ainsi, paradoxalement, pour donner davantage de poids électoral à leur « non » au référendum les syndicats sont-ils conduits à mettre provisoirement en veilleuse l'action revendicative.

Deux séries de débrayages seulement témoignent de la persistance du malaise dans le secteur public, où les syndicats en viennent à regretter la procédure Toutée (« en matière de négociations salariales, c'est pire qu'avant », déclare le secrétaire général de la fédération des cheminots CFDT) :