Quoi qu'il en soit, les entretiens réguliers qu'ont, à Varsovie, les ambassadeurs des Américains et des Chinois laissent supposer que la question, si elle est à l'ordre du jour, ne se pose pas encore de façon urgente.

Viêt-nam du Nord

Dévasté par la première guerre du Viêt-nam, reconstruit progressivement à partir de 1954 sous la direction d'Ho Chi Minh, le pays se trouve aujourd'hui de nouveau touché dans ses œuvres vives par les raids américains.

Son agriculture, ses centrales électriques, ses quelques industries qu'il avait peu à peu remises sur pied ont été durement atteintes par les bombardements. Mais cela ne signifie pas qu'Hanoi soit prêt à céder. Au contraire, en avril dernier, la revue de doctrine du parti, Études, définissait les principes d'une véritable économie de guerre longue : priorité aux combattants, à la population active, mais les besoins fondamentaux de la vie du peuple tout entier doivent être assurés.

Cette économie de guerre ne peut toutefois être mise en œuvre qu'avec l'aide de la Chine et de l'URSS, plaçant ainsi Hanoi — du fait du conflit entre les deux capitales du communisme — dans une situation difficile.

Le Viêt-nam du Nord est entre Moscou et Pékin à la fois pomme de discorde et obligation d'unité. Jusqu'à présent, Ho Chi Minh s'est bien gardé de choisir. Ignorant, ou plutôt surmontant les divisions du monde communiste, il fait appel aussi bien à Moscou qu'à Pékin, maintenant entre eux un savant équilibre.

Au moment de la grande négociation Kossyguine-Wilson de février 1967, on a pensé que le refus d'Hanoi constituait une victoire des durs sur les partisans sinon avec la paix, tout au moins des conversations avec les Américains, une victoire des pro-Chinois contre les pro-Soviétiques.

Peut-être certaines divergences ont-elles pu se manifester, mais aucune preuve certaine n'en a été fournie. Il apparaît en tout cas que la recrudescence de l'activité militaire américaine a renforcé l'unité du pays.

Viêt-nam du Sud

La série de coups d'État et la valse des généraux qui ont suivi la mort de Diem ont fait place, avec le gouvernement du général Nguyen Cao Ky, à une nouvelle stabilité.

Une fois réprimée la révolte des bouddhistes (au cours du premier semestre 1966), le gouvernement du général Ky n'a connu aucune crise grave. Plus dur et plus intransigeant que les Américains — il souhaite, entre autres, une invasion pure et simple du Nord —, le chef du gouvernement de Saigon leur est cependant docile. Il sait qu'il ne peut rien faire sans eux et que c'est grâce à eux qu'il se maintient à la tête du pays (il ne peut pratiquement prendre aucune initiative sans leurs conseils, sinon leur permission).

L'actuelle stabilité pourrait cependant être remise en cause par les élections présidentielles de septembre. Déjà, des dissensions sérieuses sont apparues entre les deux candidats probables : Thieu, l'actuel président, et le Premier Ky.

Comme le Viêt-nam du Nord, mais d'une autre manière, le Viêt-nam du Sud est marqué des stigmates de la guerre : les grandes opérations de l'année ont amené des regroupements de population, le long des côtes notamment, et les problèmes tant économiques que sociaux causés par ces regroupements sont loin d'être résolus.

Les paysans restés chez eux sont soumis à la double pression du Viêt-cong et des forces légales. Les efforts de pacification tentés par le gouvernement de Ky se sont soldés par un échec.

« La guerre du Viêt-nam débouche sur une guerre mondiale », déclarait en mai 1967 Thant, en constatant une fois de plus l'impossibilité de trouver une solution acceptable à la fois par les Nord-Vietnamiens et les Américains. Ceux-ci répliquaient en dénonçant le pessimisme du secrétaire général de l'ONU. Il apparaît certain, toutefois, qu'en se prolongeant cette guerre compromet chaque jour un peu plus l'équilibre politique mondial.

L'utilisation de l'aide américaine

Un rapport publié par l'Agence pour le développement international, organisme qui gère les programmes d'assistance américains, indique qu'avec 455 millions de dollars l'aide économique des États-Unis a augmenté de près de 200 millions de dollars par rapport à 1965 (266 millions).