Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Louis XV

(Versailles 1710 - id. 1774), roi de France de 1715 à 1774.



La Régence (1715-1723)

Le 1er septembre 1715, Louis XIV meurt. Son arrière-petit-fils lui succède, c’est un enfant de cinq ans. Son aïeul a tout prévu pour que l’interrègne ne soit pas une période de troubles. Philippe, duc d’Orléans, neveu du feu roi, devient régent. Mais ce bel homme de quarante et un ans est un indolent et un débauché ; Louis XIV le savait intelligent, il se méfiait suffisamment de lui pour limiter son pouvoir à la présidence d’un conseil dont il ne choisira pas les membres. À côté de lui, il y aura Louis Auguste de Bourbon, duc du Maine (1670-1736). Ce bâtard royal, dont Mme de Montespan est la mère, vient d’être légitimé quelques mois auparavant. Le testament de Louis XIV lui confie la garde du jeune roi et la direction de la maison militaire.

Mais le Régent veut gouverner comme il l’entend. Il fait casser l’acte royal par le parlement. Le roi mort ne peut lier le vif, c’est coutume admise en France depuis des siècles. Mais le faire dire par une cour de justice aux prétentions politiques, c’est permettre dans l’avenir une opposition dont le roi défunt avait su se débarrasser (V. Régence).

En février 1723, Louis XV est majeur ; en août, le cardinal Dubois meurt, suivi peu de temps après par le duc d’Orléans (déc. 1723).

Le Régent a défait une partie de l’œuvre de Louis XIV. Mais n’a-t-il pas abandonné des miettes de l’héritage pour conserver l’essentiel : le renforcement de l’unité française et le sens de l’État ?


Le gouvernement du cardinal Fleury (1726-1743)

Pendant trois ans, de 1723 à 1726, le gouvernement est aux mains d’un Condé, que le système a enrichi. C’est Louis Henri de Condé, duc de Bourbon (1692-1740), que le cardinal Fleury (1653-1743) a conseillé au roi. Mais derrière le duc, c’est la finance qui règne avec Étienne Berthelot de Pléneuf, père de la maîtresse du Premier ministre, la marquise de Prie (1698-1727), et le banquier Joseph Pâris-Duverney (1684-1770).

Des mutations monétaires, un impôt nouveau (le cinquantième) sur les biens-fonds que l’on ne peut lever, des hausses de prix que l’on s’efforce de juguler à coups de taxations, et une milice qui, ressuscitée en vue d’une guerre éventuelle, mécontente le paysan, autant de malencontreuses mesures.

Avant de disparaître dans la trappe ouverte par Fleury, le duc de Bourbon et sa maîtresse marient le roi (1725). L’épousée est Marie Leszczyńska (1703-1768). Elle a sept ans de plus que le roi, elle est humble et pauvre ; son père est un roi détrôné de Pologne. Mais le Premier ministre est opposé à l’Espagne, vers laquelle il renvoie l’infante Marie-Anne Victoire, un moment la fiancée du jeune roi ; quant à la maîtresse, elle espère par la jeune mariée manœuvrer l’époux royal. Fleury intervient, fait renvoyer le duc, exiler la marquise de Prie et humilier la jeune reine qui les soutient.

En 1726, le roi n’a que seize ans ; le cardinal prend en main les affaires du royaume ; il a soixante-treize ans. Ce fils de receveur de décimes qui a su par sa complaisance capter et retenir l’amitié de son royal élève va jusqu’à sa mort, en 1743, diriger l’État. Deux mots définissent sa politique : ordre et paix. Il sera, dans sa tâche, secondé par une équipe gouvernementale excellente. Constituée par des nobles de robe plus que par des nobles d’épée, elle comprend Henri François d’Aguesseau (1668-1751), chancelier de France, Michel Le Peletier des Forts (1675-1740), contrôleur général des Finances (1726-1730), ou Philibert Orry (1689-1747), qui lui succède (1730-1745), les ministres de la Guerre Le Blanc (1726-1728), Angervilliers (1728-1740) et Breteuil (1741-1743). Le compte de Maurepas (1701-1781) tient la Marine et la Maison du roi. En province, un groupe de brillants intendants seconde l’action gouvernementale ; parmi eux se détache la figure d’un Trudaine (1703-1769).

Ce gouvernement « réparateur » sous un « ministre modérateur » (H. Méthivier) s’inscrit dans une période économique particulièrement favorable. Avec la découverte de nouvelles mines de métaux précieux en Amérique, c’est, dans tous les domaines, les prix qui montent de nouveau et les affaires qui reprennent. L’État aide et gêne tout à la fois cette reprise ; il n’en bénéficie pas, et le spectacle commence d’un État pauvre dans une France riche. Pourtant, grâce aux efforts d’Orry, le budget sera, en 1738, en équilibre. Cette prouesse est réalisée en augmentant le bail de la Ferme générale (v. fermiers généraux) reconstituée en 1726 et en haussant le « don gratuit » de l’Église ; mais l’instauration d’un impôt égalitaire sur les revenus se heurte à l’opposition toujours victorieuse des privilégiés.

Si l’État contribue à la prospérité qui s’amorce, c’est d’abord par la stabilité monétaire que réalise en 1726 Le Peletier des Forts. La rénovation du système routier, sensible dans le paysage, est le second concours de l’État. Le corps des Ponts et Chaussées encadre la main-d’œuvre fournie par chaque paroisse et contrôlée par l’intendant. La France aura ainsi le meilleur réseau routier d’Europe.

Enfin, Orry et le Bureau du commerce soutiennent le grand commerce maritime. La France peut de nouveau rivaliser avec l’Angleterre, elle arme 5 300 bateaux que montent 42 000 marins. Ces navires partent surtout en direction de l’Afrique et de l’Amérique : verroterie et quincaillerie s’échangent contre le « bois d’ébène » ; l’esclave, vêtu de toiles normandes, sortira du sol de Saint-Domingue la canne qui, transformée en sucre et en rhum, enrichira les ports atlantiques.

Mais l’État, en même temps, freine l’expansion. La tradition colbertiste se perpétue. Toutes les fabrications sont jusque dans le moindre détail objets de réglementation. Si les compagnons ou les maîtres artisans sont maintenus dans la dure sujétion du marchand fabricant qui, grâce au pouvoir royal, brise les grèves insurrectionnelles (Lyon, 1744), les innovations industrielles sont paralysées.