Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Afrique noire (suite)

Les Bidyogos de l’archipel des Bissagos et les Bagas, Nalous et Landoumans du littoral guinéen s’expriment par une production plastique dans laquelle la peinture joue un rôle prééminent. La ronde-bosse, de tendance architecturale, s’oriente tantôt vers une stylisation, tantôt vers la caricature. La représentation du bœuf sauvage, image de la force et de la beauté, gravée sur les calebasses et peinte sur les murs de case, est reprise dans les masques des Bidyogos. Des Bagas et des Nalous, on connaît surtout la nimba, énorme buste creux taillé dans le bois, figurant la déesse de la Maternité. C’est dans l’ouest de la forêt atlantique, en Guinée, en Sierra Leone, au Liberia et en Côte-d’Ivoire, que s’épanouit l’aire des masques, qui assurent les différents modes de contrôle social. Les masques dans, représentant des visages féminins, ovales, purs, dans lesquels le dessin des lèvres et du nez est toujours finement indiqué, s’opposent aux masques des Guérés, des Wobés et des Bétés, qui exaspèrent les éléments du visage par leur traitement en cylindres, en tubes, en cônes et en demi-lunes.

La civilisation akan, qui comprend, entre autres, les Achantis du Ghāna, les Agnis et les Baoulés de la Côte-d’Ivoire, a pris son essor dans la première moitié du xviiie s. Les traditions de la royauté achanti ont trouvé leur expression plastique en maints objets d’or et de bronze coulés à cire perdue ; les orfèvres façonnèrent des bijoux d’applique, des pendentifs et de petits masques en or. Comme les Achantis, les Agnis et les Baoulés ont coulé en bronze des poids à peser la poudre d’or ; la figuration de certains évoque des proverbes familiers. Les Baoulés sont aussi des sculpteurs sur bois : masques en forme de tête de bovidé ou en forme de disque, statues figurant des ancêtres, des chefs ou encore des singes porteurs de coupe sont parmi leurs réalisations les plus remarquables. Plus à l’est, les arts du royaume d’Abomey, au Dahomey, se sont épanouis autour du palais royal, dont les murs étaient ornés de bas-reliefs polychromes. À un art plus populaire est due la création des bochios, statues en bois, gardiens de la maison. En pays yorouba, dans l’ouest du Nigeria, fleurit un ensemble homogène d’arts s enracinant dans la tradition née à Ife. Les masques de la société gelede offrent des visages dont le modelé charnel rappelle les meilleurs bronzes du Bénin. La sculpture sur ivoire provient surtout de la cité d’Owo.

L’imagination plastique des Ibos et des Ibibios du sud du Nigeria a donné naissance à des créations multiples ; la peinture, art très important chez les Ibos, rivalise avec la sculpture en bois, en fer, en terre cuite et en boue séchée. Chez les Ibos, les « héros » des mondes anciens et modernes s’incarnent dans des sculptures de grandeur nature en terre crue séchée, peintes et habillées. Les Ibibios sculptent pour leurs sociétés secrètes, ekpo et idiong, des statuettes à bras articulés et des masques à mâchoire inférieure mobile. Près de la Cross River, des têtes aux traits expressifs recouvertes de peau d’antilope sont portées par les Ekois, appartenant à la société ekkpe. De l’autre côté de la frontière, au Cameroun, les Bamoums et les Bamilékés ont créé des artisanats spécialisés. Les formes boursouflées qui caractérisent la statuaire bamoum s’atténuent lorsqu’elles sont recouvertes de perles multicolores, de graines et de cauris. La statuaire et les nombreux objets usuels des Bamilékés semblent n’être créés que pour satisfaire leurs projets architecturaux, concernant par exemple les cases de chefs ou de sociétés secrètes. Les Mambilas des hauts plateaux harmonisent dans leurs œuvres les tendances stylistiques bamilékés et certains traits du style soudanais.

Au Congo occidental, chez les Pounous, les Loumbous, les Njabis, les Sangos, les Mpongwés et les Tsogos, la peinture blanche des masques figurant un visage de femme aux yeux étirés est liée aux rites de la mort. La cloche en fer sans battant, à manche surmonté d’une tête simple ou double, constitue un insigne d’autorité des avocats tsogos. Les masques des Kwélés, dont les fonctions sont très mal connues, s’affirment par un traitement en creux de visages humains en forme de cœur ; ces masques sont souvent prolongés par de longues cornes en lignes courbes ou angulaires. Fils ou plaques de cuivre recouvrent les reliquaires en bois, bidimensionnels, des Kotas ; le visage humain, plus ou moins schématique et muni d’un manche terminé en losange, s’élève au-dessus du panier contenant les ossements des ancêtres. La statuaire rituelle du groupe pahouin, et notamment celle des Fangs du Gabon, privilégie un rythme d’étranglement des articulations du corps humain, en relation avec la force particulière donnée à sa musculature. Parmi les nombreuses créations des Kongos (ou Bakongos), il faudrait noter la statuaire dite « magique », à clous ou à reliquaires ventraux. Chez les Tékés, la statue au visage strié peut comporter un reliquaire recouvert de terre résineuse qui enveloppe complètement le corps.

L’art des Koubas (ou Bakoubas) et des Loubas (ou Baloubas) domine la littérature consacrée aux œuvres du Congo central. Les statues des rois bushongos évoquent l’histoire de l’organisation du royaume kouba ; la diversité des ustensiles décorés témoigne de l’importance de l’esthétique dans la vie de ce peuple. Chez les Loubas, une sculpture sur bois très raffinée s’exerce surtout dans la représentation de la femme. Dans la région du Kwango, le nez légèrement relevé des masques d’initiation des Pendés devient exagérément retroussé chez les Soukous et les Yakas ; dans cette région, la polychromie règne. Outre leurs masques, les artistes tchokwés ont sculpté des statues, dont une à l’image de leur ancêtre, le chasseur Iouba Tchibinda Ilounga. Dans les zones orientales du Congo, ce sont surtout les petits masques et statuettes en ivoire et en bois des Légas qui ont retenu l’attention. Bembés et Bouyous figurent leurs ancêtres en de puissantes statues. Plus au nord, l’œuvre des Ngbandis et des Ngbakas rejoint la tendance soudanaise. Les poteries des Mangbetous et les harpes des Zandés font appel à une figuration humaine harmonieuse.