Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
C

carte de navigation (suite)

En fait, lorsqu’on utilise des cartes établies dans un système de projection conforme (Mercator, Lambert), la déformation élémentaire des longueurs est indépendante de la direction. Cette déformation définit l’échelle locale constante des longueurs. Mais cette échelle varie très notablement au fur et à mesure que l’on s’écarte de l’équateur (Mercator) ou du parallèle de contact du cône tangent (Lambert).

P. T.

➙ Compas / Coordonnées (système de) / Projection.

 P. Tardi et G. Laclavère, Traité de géodésie (Gauthier-Villars, 1951-1954 ; 3 vol.). / J. J. Levallois, Géodésie générale (Eyrolles, 1969-70 ; 2 vol. parus).

Cartel des gauches (1924-1926)

Coalition qui se forma aux élections législatives françaises du 11 mai 1924 entre les adversaires du Bloc national — la gauche radicale, le groupe radical, le groupe radical-socialiste, les républicains socialistes et les socialistes S. F. I. O. —, qui présentèrent souvent des listes communes.


En 1924, le Bloc national, majorité de droite au pouvoir depuis 1919, pratique une politique cléricale et nationaliste. Raymond Poincaré, président du Conseil, a fait occuper la Ruhr (1923) pour obliger l’Allemagne à payer les réparations, ce qui a brouillé la France avec l’Angleterre. D’autre part, Alexandre Millerand, président de la République (depuis sept. 1920), dans un discours prononcé à Évreux, a préconisé le renforcement de l’exécutif (14 oct. 1923).

Ce discours, à l’approche des élections, a soudé les partis de gauche contre le gouvernement. Édouard Herriot*, président du parti radical, a fait une tournée triomphale dans le pays contre la « dictature présidentielle ».

Vainqueur aux élections (11 mai 1924), le Cartel contraint Alexandre Millerand à démissionner (11 juin). Mais le Congrès, méfiant, préfère (13 juin), pour lui succéder, le modéré Gaston Doumergue, anticartelliste, au candidat de la gauche Paul Painlevé. Le 14 juin, Doumergue confie la présidence du Conseil à Édouard Herriot, qui constitue, sans les socialistes, le premier de ses trois ministères.


La politique anticléricale du Cartel

Annoncée dès le discours d’investiture, la politique anticléricale du Cartel rallume les passions éteintes pendant la guerre. Il s’agit d’appliquer à l’Alsace-Lorraine les lois scolaires de la République, et le statut de la séparation de l’Église et de l’État de 1905. L’Alsace s’enflamme, si bien qu’il faudra confirmer le « statu quo » concordataire en Alsace.

Du côté des congrégations, la politique du Cartel n’a pas plus de succès (expulsion des quinze clarisses d’Alençon). Mais elle déchaîne la riposte du cardinal Andrieu, et une véritable croisade contre le Cartel. Naît alors la Fédération nationale catholique (près de 2 millions d’adhérents en 1925), présidée par le général de Castelnau* ; avec son journal l’Écho de Paris elle fera campagne contre les emprunts lancés par Herriot et contribuera à sa chute.

À la Chambre, le 20 mars 1925, la droite attaque la politique religieuse du Cartel. Édouard Herriot déclenche le tumulte en évoquant le christianisme des premiers siècles, qui n’était pas « le christianisme des banquiers ».


« arbitrage, sécurité, désarmement »

À l’égard de l’Allemagne, Herriot abandonne la politique de force et de « gages territoriaux » du Bloc national pour une politique de conciliation. Lorsqu’il arrive au pouvoir, une commission d’experts vient de soumettre à la France un « plan révisé » pour les réparations allemandes, le « plan Dawes ».

Herriot se rend au château des Chequers, rencontre le travailliste J. Ramsay MacDonald et renoue avec l’Angleterre. C’est la détente. Du 16 juillet au 16 août 1924, la conférence de Londres confirme le plan Dawes. Herriot accepte l’évacuation de la Ruhr.

La France, cependant, ne parvient pas à obtenir de l’Angleterre une garantie d’entraide en cas de revanche allemande. À Genève, Édouard Herriot va vainement tenter d’obtenir cette garantie dans le cadre de la S. D. N. : « arbitrage, sécurité, désarmement » sont pour lui les conditions d’une paix durable en Europe. Avec beaucoup de lyrisme, il parle de règlement pacifique des conflits, de sanctions contre les agresseurs éventuels. Peine perdue, le « protocole de Genève » (2 oct. 1924) n’est pas ratifié par l’Angleterre, et, le 12 mars 1925, le conseil de la S. D. N. abandonne le projet.

Du côté de l’Est, un succès : Édouard Herriot fait reconnaître l’U. R. S. S. par la France.

Les échecs de Genève et la reconnaissance de l’U. R. S. S. renforcent l’opposition de la droite à l’égard du Cartel. On accuse Herriot de faire le jeu de l’Allemagne et des communistes.


« Les Français ont le cœur à gauche, mais le portefeuille à droite »
(E. Herriot)

L’arrivée de la gauche au pouvoir avait suscité une grande méfiance dans les milieux d’affaires. Le socialiste Pierre Renaudel parlait de « prendre l’argent où il est », et l’on savait qu’il était dans l’intention d’Herriot d’instituer l’impôt sur le capital. En attendant, il maintient les anciens impôts et aggrave les dépenses (projet d’assurances sociales, extension de la loi de 8 heures). La reconnaissance des Soviets, le transfert des cendres de Jaurès au Panthéon (23 nov. 1924), qualifiés de « saturnale révolutionnaire », alarment les porteurs de bons du Trésor, auxquels une propagande insidieuse fait craindre l’inflation, mécanisme alors mal connu, qui suscitait l’horreur chez les épargnants.

Le gouvernement vit donc d’expédients, d’emprunts souscrits au compte-gouttes par les banques. Au début de 1925, le « plafond » des avances de la Banque de France à l’État est « crevé ». Devant les commissions des Finances des Assemblées, Herriot s’emporte, lance le mot d’ « impôt sur le capital » (27 févr. 1925). C’est la panique. Tandis que le franc baisse sur le marché international, les banques retirent leur concours, les porteurs de bons s’empressent de se faire rembourser. Anatole de Monzie succède à Étienne Clémentel au ministère des Finances (3 avr. 1925) ; il propose un emprunt forcé de 10 p. 100 sur la fortune acquise et le relèvement à 45 milliards de la limite de circulation des billets. Le gouverneur de la Banque de France s’y oppose. Mis en minorité par le Sénat (10 avr. 1925), Herriot se retire. Affronté au « mur d’argent », à la première crise financière de la France d’après guerre, le Cartel, soucieux de ne pas toucher au dogme de la parité du franc et de l’or, n’a pas su juguler l’inflation et la crise de confiance naissantes. Il a échoué là où, deux ans plus tard, Poincaré réussira en appliquant les solutions (dévaluation du franc, Caisse d’amortissement de la dette) qui auraient cabré l’opinion si elles avaient été présentées par la gauche.

Tandis qu’Édouard Herriot accède à la présidence de la Chambre, son successeur Paul Painlevé, chef de deux cabinets de « cartel apaisé » (avr.-nov. 1925), aidé aux Finances par Joseph Caillaux*, ne résout pas mieux la crise, et, lorsque Herriot forme son second cabinet (19 juill. 1926), qui ne dure que 48 heures, on est aux portes de la banqueroute.

Peu à peu, la majorité du Cartel se désagrège. Les élections de 1928 lui porteront le coup décisif (retour à l’Union nationale avec Poincaré).

P. M.

➙ Herriot (Édouard) / République (IIIe).

 E. Bonnefous, Histoire politique de la IIIe République, t. IV (Hachette, 1962).