Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Adam (Henri Georges) (suite)

Participant à diverses expositions à l’étranger, en particulier à la XXVe Biennale de Venise en 1950, lauréat, en 1953, du Concours international organisé par l’Institute of Contempory Arts de Londres pour le monument du Prisonnier politique inconnu, Adam obtient, en novembre de la même année, le prix de la gravure à la Biennale de São Paulo, puis, en 1957, le grand prix du Japon pour la gravure, à Tōkyō. En 1958, une de ses tapisseries, Méridien, vient orner la salle française de l’Unesco.

Nommé en 1959 professeur de gravure, puis professeur-chef d’atelier de sculpture monumentale à l’École nationale des beaux-arts, Adam se voit consacrer de nombreux reportages, notamment dans la revue XXe Siècle et dans les Lettres françaises (1960).

En 1961, après avoir inauguré la sculpture Signal pour le musée du Havre, œuvre accompagnée de la tapisserie le Ciel et la mer, Adam reçoit le Grand Prix international du Petit Bronze à Padoue (Italie). En 1962-1963 il réalise, pour le Grand Théâtre de Genève, les décors et costumes du ballet de Janine Charrat Tu auras nom... Tristan. En octobre 1965, il exécute son Mur de 35 m en blocs de marbre gravés et la sculpture la Feuille, pour le lycée de Chantilly.

Remontant aux sources de la création, Adam ressuscite les formes élémentaires enfouies dans la mémoire de l’homme. Sous sa main, la pierre devient rocher travaillé par l’érosion, signe des temps, auquel son art confère la magie secrète des monuments mégalithiques. Sculpteur, graveur et lissier, il s’est plu à recueillir une lumière proche de celle de l’art cistercien, dont il retrouve l’accent dans le camaïeu de ses tapisseries.

H. N.

 Catalogues d’expositions : palais des Beaux-Arts, Bruxelles (1962) ; cabinet des Estampes, Genève (1963) ; musée national d’Art moderne, Paris (1966) ; hôtel des Monnaies, Paris (1968-1969).

Adam le Bossu ou Adam de la Halle

Trouvère picard (Arras v. 1240 - Naples v. 1285).


« On m’appelle « Bochu », mès je ne le sui mie... » : fils d’un petit bourgeois d’Arras, Adam mena une vie pittoresque mais mal connue, dont le déroulement n’est plus pour nous que celui de ses chansons. Sans fortune — son père n’était que commis à l’échevinat, c’est-à-dire employé de mairie —, il dut à la bienfaisance de deux frères (« Seigneur Bande et Seigneur Robert / Le Normand ; ils m’ont dès l’enfance / nourri et fait maint bien-fait ») d’entreprendre de solides études. Clerc « net et soustieu », il semble avoir étudié la grammaire et la philosophie en une abbaye cistercienne, mais il sentit fléchir sa vocation monastique le jour où « emmi les bois, lès une fontenelle » il rencontra Maroie. Il l’épousa. Des conflits municipaux (peut-être une affaire de fraude fiscale, la disgrâce de ses protecteurs) l’obligèrent, vers 1270, à quitter Arras pour Douai. Il adressa alors un Congé amer à sa ville natale, « Arras, ville de chicane et de haine et de perfidie ». On sait encore qu’il suivit le comte d’Artois dans le royaume de Naples, lorsque, après le massacre des Vêpres siciliennes, ce prince fut envoyé par le roi de France au secours de Charles d’Anjou, pour qui Adam composa probablement un panégyrique conventionnel et inachevé en alexandrins rimes (Chanson du roi de Sicile). Adam mourut sans avoir atteint la cinquantaine et fut très tôt reconnu et célébré par ses concitoyens. Le Jeu du Pèlerin, dû probablement au neveu d’Adam de la Halle, Jean Madot, et qui servit de prologue à la première représentation à Arras du Jeu de Robin et Marion, peu après la mort du poète, vante les talents
de Maître Adam, le clerc d’honneur,
le gai, le large donneur
qui était plein de toutes les vertus.
De tout le monde, il doit être plaint
car il avait mainte belle grâce
et surtout, il savait faire de beaux dits ;
et il était parfait pour chanter.

À deux reprises, Adam fit œuvre de dramaturge : vers 1276, il composa une suite de scènes burlesques et féeriques, le Jeu de la feuillée, ancêtre des « sotties » du xve s. et des revues satiriques modernes ; vers 1282, il donna une transposition scénique de deux sortes de chansons, la pastourelle et la bergerie, dans une manière d’opérette rustique qui débute par le couplet célèbre « Robin m’aime, Robin m’a... » (Jeu de Robin et Marion).

Si ces deux pièces forment, dans le répertoire français, la première manifestation d’un théâtre profane, elles témoignent cependant d’inspirations toutes différentes. Le Jeu de la feuillée porte dans tous les manuscrits le titre de Jeu d’Adam ; mais, pour éviter une confusion avec un célèbre drame liturgique, on a pris l’habitude de le nommer d’après la notation finale, explicit li jus de la fuellie, « fin du jeu de la feuillée ». La graphie picarde fuellie pour fuelliée permet un jeu de son et de sens entre le terme qui désigne l’abri de branchage qui protégeait les estrades arrageoises des fêtes de la Pentecôte et de la Saint-Jean et celui qui désigne la folie, la démence. Le Jeu de la feuillée mêle en effet le thème cher au Moyen Âge de la déraison humaine à une réception des fées Morgue, Maglore et Arsile (thème également traditionnel de l’enchantement) par le bon peuple d’Arras, mais surtout à une satire impitoyable de la société patricienne et du clergé. Au contraire, le Jeu de Robin et Marion peint les tentatives de séduction d’un beau chevalier à l’égard d’une bergère sur le rythme des danses champêtres et dans l’esprit des divertissements de cour.

Adam unissait à son talent de poète celui de musicien. Ce n’était point là situation d’exception : jusqu’au xive s. — Guillaume de Machaut en sera le dernier exemple — auteur du poème et auteur de la mélodie ne font qu’un. Nous lui devons 36 chansons à une voix et 16 partures ou jeux-partis. Les thèmes poétiques en sont peu originaux ; Adam y disserte de manière souvent fort abstraite sur le sentiment d’amour :
On demande mout souvent qu’est Amours
Dont mains hom est du respondre abaubis,
Mais ki a droit sent les douces doulours,
Par soi meisme en puet estre garnis
Ou pas n’aime, ce m’est vis !