Nancy

Nancy
Nancy

Chef-lieu du département de Meurthe-et-Moselle, sur la Meurthe et le canal de la Marne au Rhin.

  • Population : 106 330 hab. (recensement de 2018)
  • Nom des habitants : Nancéiens
  • Population pour l'agglomération : 285 977 hab. (recensement de 2009)

GÉOGRAPHIE

L'annexion de l'« Alsace-Moselle » (1871-1918) avait fait affluer des milliers de personnes, apportant leur savoir et leurs capitaux dans la métallurgie, la cristallerie, l'imprimerie, la minoterie, et s'y développer aussi l'enseignement supérieur. C'est l'époque où la ville éclata de tous côtés. La vie culturelle est, elle, un héritage plus ancien de la vie de cour. Nancy compte deux universités (Académie Nancy-Metz) et un Institut national polytechnique qui réunit différentes écoles (mines, chimie, génie des matériaux, électricité et mécanique, géologie, agronomie, systèmes industriels et architecture), un opéra national ainsi qu'un Festival théâtral, et est présente dans l'édition. Divers services régionaux sont implantés dans la ville (évêché, cour d'appel). Trois sièges de banques et une Bourse des valeurs lui donnent un certain pouvoir de décision. L'industrie est installée à la périphérie (sidérurgie, métallurgie, mécanique, textile, chaussures, biscuiterie, confiserie, pâtes alimentaires). Deux nouvelles zones industrielles ont été installées au Sud, à Ludres et à Heillecourt. Toutefois, l'ensemble de l'agglomération à se désindustrialiser. La reconversion dans la recherche de pointe s'est faite autour notamment du technopôle de Brabois (au Sud-Ouest). Le déclin démographique communal (133 500 habitants en 1962) s'explique par l'étroitesse du territoire urbain (14 km2) et l'expansion de la périphérie. Après 1945, des lotissements nouveaux ont été construits au Nord, le Haut-du-Lièvre, Maxéville et Malzéville, mais surtout au Sud (Vandœuvre-lès-Nancy est devenue la deuxième commune du département). L'intérieur de la ville a connu un certain nombre d'opérations de rénovation : quartier Saint-Sébastien (avec centre commercial du même nom), quartier de la gare. Nancy est desservie par l'autoroute Lorraine-Bourgogne et par l'aéroport de Metz-Nancy-Lorraine. La gare Lorraine T.G.V., qui a été inaugurée en 2007, est située à 37 km au nord de Nancy, à Louvigny. Nancy est le centre d'une communauté urbaine qui groupe 20 communes.

L'HISTOIRE DE NANCY

Introduction

Nancy est née autour d'un château ducal, établi au xie s. entre la forêt de Haye et les bords marécageux de la Meurthe. Elle est, plus que d'autres villes, le fruit de la volonté des hommes et plus spécialement des princes. Résidence ducale, bourgade d'artisans et de bourgeois, elle était à l'écart des grandes voies naturelles de circulation et n'a grandi que par impulsions brusques, chacune d'elles lui apportant un influx nouveau.

La résidence ducale

Les premiers sites habités autour de Nancy sont ceux de Vandœuvre-lès-Nancy et de l'éperon de Sainte-Geneviève. Plus tard, le fond de la vallée est occupé à son tour. Le duc de Haute-Lorraine Gérard Ier (de 1048 à 1070) établit un château près de la paroisse de Saint-Dizier. L'arrivée des moines de Solesmes vers 1075 donne corps à la fondation. Au xiie s., Nancy sert de plus en plus souvent de résidence aux ducs, et c'est pour cette raison qu'elle est incendiée en 1218 par les troupes champenoises. À la fin du xiiie s., Ferry (ou Ferri) III (de 1250 à 1303) bâtit un nouveau château et jette les bases de la vieille ville fortifiée, dont la porte de la Craffe est le plus ancien vestige. Nancy n'est pas alors une ville importante ; c'est le centre du bailliage, mais Toul, sa voisine est le chef du diocèse. Elle a un atelier monétaire, une halle et quelques corporations, mais le grand trafic se fait à Saint-Nicolas-de-Port, à douze kilomètres en amont. Le duc Raoul (de 1329 à 1346) crée la collégiale Saint-Georges (1340) et accorde la foire de mai. Mais la cour ducale vivote, car son prince manque de puissance et de ressources. L'union avec le duché de Bar lui assure enfin, au xve s., une plus fière allure, et Charles le Téméraire, qui prend la ville en 1475, y voit un centre de ses futurs États. La bataille au cours de laquelle meurt le grand duc d'Occident (5 janvier 1477) en tentant de reprendre la ville au duc René II (qui l'a réoccupée en octobre 1476) marque une étape : Nancy accède à l'âge adulte.

Nancy, capitale du duché

Le traité de Nuremberg fait de la Lorraine un État indépendant (1542) ; les Trois-Évêchés n'y seront pas incorporés de sitôt, et la véritable unité du pays ne peut se faire. Nancy grandit donc en concurrente de la cité mosellane ancienne. Déjà avec René II (de 1473 à 1508) et Antoine Ier le Bon (de 1508 à 1544), une politique de travaux traduit la nécessité d'un agrandissement. Les bases du nouveau palais ducal, encore visible aujourd'hui, sont alors jetées. Mais c'est Charles III (de 1545 à 1608) qui donne soudain à l'ensemble une nouvelle dimension : le duc crée la « Ville neuve », triplant la surface initiale, absorbant les faubourgs, élevant une longue enceinte trouée de trois portes, adoptant un plan régulier de colonisateur. L'ancien quartier demeure résidentiel et marchand. Les bourgeois, les artisans, les commerçants, de nombreuses maisons religieuses peuplent l'espace nouveau.

Charles III aurait voulu faire de Nancy le centre d'un évêché : on lui accorda seulement un chapitre primatial (1602). Le xviie s. représente un temps faible dans l'histoire de la ville : les Français l'occupent de 1633 à 1659 et de 1670 à 1698. C'est le prélude à une annexion définitive, dont le temps de Léopold (de 1697 à 1729) et de Stanislas Leszczyń ;ski (de 1738 à 1766) marque l'attente. Le duc Léopold fait beaucoup pour animer un État délaissé et malmené. Nancy bénéficie de l'élan économique : la draperie, le commerce d'exportation lui donnent de l'activité. Le réseau de circulation s'améliore nettement. La Ville neuve de Charles III achève de se peupler, et Léopold fait élever la cathédrale. Mais c'est surtout Stanislas qui contribue à donner à Nancy un nouveau visage. Le roi-duc habite Lunéville, mais il n'entend pas délaisser la capitale des duchés. L'ensemble grandiose qu'il fait édifier pour effacer la séparation des deux villes révèle ses intentions. Il installe en 1762 un collège de médecine (auquel s'adjoindra en 1768 l'université transférée de Pont-à-Mousson) et obtient grâce à sa constance la création d'une bibliothèque et surtout d'une académie. Nancy s'élève enfin au rang de grande ville de province ; l'activité économique s'y double du prestige intellectuel. Un évêché lui est encore donné en 1777 par démantèlement de celui de Toul.

L'essor contemporain

La Révolution et l'Empire marquent peu la ville, où cependant se conserve longtemps le souvenir d'un incident sanglant entre officiers royalistes et soldats républicains (1790). Nancy devient chef-lieu d'un département de la Meurthe. Bientôt, l'essor des faubourgs se fait plus actif. Les murailles sont débordées, puis abattues ; le peuplement commence à s'échelonner vers les villages voisins. L'essor commercial est plus dynamique ; le canal de la Marne au Rhin et le chemin de fer relient depuis 1852-1853 Nancy directement à Paris et à Strasbourg au prix d'un détour compliqué. À la suite de la défaite de 1871, l'établissement de la nouvelle frontière provoque un afflux de personnes et de capitaux venus d'Alsace-Lorraine et dont bénéficie particulièrement l'industrie (librairie, verrerie). La période de 1850 à 1914 est aussi marquée par l'activité intellectuelle et artistique. Catholicisme social et lotharingisme animent les hautes sphères. La ville atteint un niveau culturel satisfaisant, les facultés de sciences et de lettres sont rétablies en 1854 ; celle de droit s'y ajoute en 1865 ; les professeurs de médecine de Strasbourg se réfugient à Nancy, qui voit se créer en 1872 une faculté de médecine, ce qui donne à Nancy une université complète ; de nombreuses grandes écoles s'y adjoignent (Eaux et Forêts, Chimie, Électricité, etc.).

À la fin du siècle, deux écoles de Nancy d'un autre genre assurent la réputation internationale de la ville : celle de médecine avec le docteur Hippolyte Bernheim (1837-1919), spécialiste de l'hypnotisme, et celle de l'Art nouveau grâce à Émile Gallé. Presse, vie de salons, sociétés savantes, défilés militaires confirment l'orientation bourgeoise de l'agglomération. La nouvelle frontière fait gonfler la garnison et se multiplier les casernements (un gouvernement militaire est créé).

Nancy est touchée dès le début de la Première Guerre mondiale par la bataille du Grand-Couronné (5-12 septembre 1914), mais elle évitera l'occupation allemande grâce à la résistance des armées Castelnau et Dubail.

L'ART À NANCY

Nancy du Moyen Âge au xviiie s.

L'élégante capitale de l'ancien duché de Lorraine se compose de deux secteurs distincts, encore appelés Vieille Ville et Ville neuve. Le premier est celui du Moyen Âge, irrégulier et pittoresque, où s'élèvent les restes du palais ducal, maintes fois incendié, mais dont subsistent, du début du xvie s., l'élégante Porterie et la « galerie des cerfs », qui abrite aujourd'hui le Musée lorrain. Non loin de là s'élève l'église des Cordeliers, construite sous le duc René II : elle abrite le tombeau du duc (par Mansuy Gauvain) et celui de sa femme Philippa de Gueldre, un des chefs-d'œuvre de la Renaissance française dû à Ligier Richier. La Vieille Ville offre d'autres exemples de l'architecture nouvelle avec sa place des Dames (aujourd'hui Colonel-Fabien) bordée de façades de noble caractère, et des hôtels comme celui d'Haussonville (1550). À Germain Boffrand sont dus, au xviiie s., les hôtels des Loups (ou de Curel), Ferrari, de Vitrimont…

La Vieille Ville communique avec la Ville neuve par quatre portes monumentales dont l'une est décorée de sculptures d'Israël Sylvestre. La Ville neuve, créée par Charles III, est pratiquement l'œuvre de Stanislas Leszczyń ;ski, qui, attaché à préparer l'annexion de la Lorraine par la France, chercha à effacer, en y substituant de nouveaux bâtiments, les souvenirs de l'indépendance régionale. Le palais de la Malgrange, où les ducs avaient installé une manufacture de tapisseries (conservées au musée de Vienne), fut démantelé, ses matériaux servant à la construction en 1738, au sud-est de la ville, de l'église Notre-Dame-de-Bon-Secours, où sont les tombeaux de Stanislas et de son épouse, dus le premier à Louis Claude Vassé, le second à Nicolas Sébastien Adam. Le nouveau duc conçut de vastes projets urbanistiques, que réalisa son architecte nancéien Emmanuel Héré de Corny (1705-1763). La place Stanislas, aménagée de 1751 à 1755 pour relier la Vieille Ville à la Ville neuve, est bordée de bâtiments d'un classicisme gracieux dont l'un est occupé par l'hôtel de ville, un autre par le musée des Beaux-Arts. Délimitée par les célèbres grilles du ferronnier nancéien Jean Lamour (1698-1771), associées aux fontaines de Barthélemy Guibal, (1699-1757), la place Stanislas se relie par un arc de triomphe à la place de la Carrière, également aménagée par Héré. Les bâtiments de celle-ci sont d'un style plus sobre, au fond se trouve l'ancien palais du gouvernement, précédé d'une élégante colonnade ionique. La place Stanislas, la place de la Carrière et la place de l'Alliance sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1983.

L'école de Nancy

Le xixe s., tout créateur qu'il fût en Occident dans les arts d'expression, avait cessé de l'être dans l'architecture et les arts du décor sous l'influence des dogmatiques archaïsants de la suite de Louis David. Les esprits clairvoyants s'alarmaient de cette démission et exhortaient les artistes à renouveler un répertoire usé. C'est de Nancy que partit, pour la France, l'essor tant souhaité. À l'exposition internationale de 1889, à Paris, celle même où se manifesta brillamment l'architecture du fer, un artiste nancéien, Émile Gallé (1846-1904), céramiste, verrier, ébéniste, littérateur, présenta des vases de verre soufflé d'un goût inédit. Le succès en fut très vif (se répercutant, par exemple, sur la remarquable production de la verrerie Daum). À l'Exposition universelle de 1900, il confirmait avec non moins d'éclat sa conception dans l'art du meuble. Gallé croyait régénérer la menuiserie en retournant aux sources de la nature, en imitant, avec les grossissements nécessaires, la tige cannelée de l'ombellifère ou le corps fuselé de la libellule. Il construisit des meubles qui évoquaient un taillis de branches et de fruits. Les articles et conférences recueillis dans ses Écrits pour l'art développent la thèse du maître, à laquelle adhéra tout un groupe d'artistes lorrains. L'école de Nancy eut même sa revue, Art et industrie, dirigée par Gouttière-Vernolle. C'est moins par sa production, d'une rationalité contestable, que par le rejet des routines que l'école de Nancy et tout particulièrement Gallé, malgré sa disparition prématurée, ont une place considérable dans l'évolution de l'art français.

Il serait erroné d'imaginer le cénacle lorrain comme une assemblée d'élites travaillant sous la dictée du maître : aucun des disciples n'a pratiqué dans sa rigueur la formule de celui-ci. Georges Hoentschel lui-même (?-1913), exécutant le mobilier sculpté d'églantiers conservé au musée des Arts décoratifs, à Paris, a massé les jets végétaux que Gallé, audacieusement, disposait en tous sens. Victor Prouvé (1858-1943), architecte et ferronnier, l'un des théoriciens du groupe et qui le présidera quand s'éteindra son promoteur, est plus près d'Hoentschel que de Gallé. Si Louis Majorelle, né à Toul (1859-1926), a souvent combiné la sculpture et la marqueterie dans l'ornementation d'un meuble, il n'y a pas appliqué le principe initial de Gallé : les larges moulurations qui décorent ses meubles n'empruntent pas au végétal. À Majorelle s'apparente l'architecte et décorateur Eugène Vallin (1856-1922), ainsi que P. A. Dumas, qui produit en 1902 une de ces tables à piétement massif et compliqué caractéristiques du formulaire nancéien, qu'appliquent aussi Georges Nowak en 1903, puis Albert Angst.

Par contre, l'école de Nancy a ses dissidents. É. Collet construit des meubles sobres et logiques ; Abel Landry pareillement. Benouville, qui était ingénieur des Arts et Métiers, se montre dans ses créations plus ingénieur qu'esthéticien. Rupert Carabin, de Saverne, est d'abord sculpteur ; une table est, pour lui, un plateau soutenu par des figures nues. L'irrationalité de ces ouvrages, quelque intéressants qu'ils fussent en eux-mêmes, déconcertait le public. Dès 1905, une réaction se manifestait ; elle-même connaîtra maintes contradictions avant d'atteindre au pragmatisme, lointaine conséquence des initiatives de l'école de Nancy.

LES MUSÉES DE NANCY

Le musée des Beaux-arts, place Stanislas, conserve des peintures françaises (Aurore et Céphale, de Boucher ; la Bataille de Nancy, de Delacroix ; le Portrait de Zélie, de Courbet ; Coucher de soleil à Étretat, de Claude Monet ; l'Automne, de Manet) et des grandes écoles européennes (la Vierge, l'Enfant et saint Jean, du Pérugin ; le Baptême du Christ, de Ribera ; la Transfiguration, par Rubens), des dessins et des estampes de Callot et de Grandville.

Propriété de la Société d'archéologie lorraine, le Musée historique lorrain, dans le palais ducal, est riche d'importantes collections retraçant les divers aspects de l'histoire et de l'art de la Lorraine : archéologie ; sculptures du Moyen Âge et de la Renaissance ; portraits et souvenirs ; peintures par G. de La Tour et Deruet ; gravures ou dessins de Bellange, Callot, G. Lallemant, S. Le Clerc, 337 cuivres gravés de Callot ; tapisseries ; céramiques, mobilier ; pharmacie du xviiie s. ; etc.

Le musée de l'École de Nancy, groupe des meubles et des objets d'art de la fin du xixe et du début du xxe s.

Signalons enfin le musée de l'Histoire du fer, à Jarville-la-Malgrange.