Ougarit
aujourd'hui Ras Shamra
Ville ancienne de la côte syrienne.
L'HISTOIRE D'OUGARIT
Le site exceptionnel d'Ougarit (une acropole au-dessus d'une riche plaine aux ports naturels) attira les étrangers tout au long de son histoire. Le village qui s'y établit et la ville qui lui succède, vers 3000 avant J.-C., sont victimes d'invasions dont la dernière est suivie de l'essor de la culture cananéenne (IIe millénaire). Capitale d'un royaume amorrite, Ougarit dépend, semble-t-il, de la XIIe dynastie égyptienne (xxe-xviii) s. Puis elle se libère et sa population, ouest-sémitique en majorité, est renforcée par l'arrivée des Hourrites. Ougarit dépend ensuite de la XVIIIe dynastie, jusqu'au moment où le Hittite Souppilouliouma Ier l'assujettit (vers 1366 avant J.-C.), mais elle réussit à garder des rapports privilégiés avec l'Égypte. Subordonné à l'État hittite, le royaume d'Ougarit bénéficie d'une prospérité accrue, qui se manifeste dans le décor raffiné de ses palais et dans l'afflux d'étrangers venus de toute l'Asie occidentale, de l'Égypte et de l'Égée. Cependant son caractère cosmopolite, qui justifie l'emploi d'écritures et de langues variées, reste superficiel par rapport au fond ouest-sémitique qui s'exprime dans les mythes écrits aux xive-xiiie s., constituant notre meilleure source pour la religion des Sémites occidentaux.
Vers 1200 avant J.-C., Ougarit est détruite, victime soit de séismes, soit d'une attaque des Peuples de la Mer.
Si la ville n'a jamais été relevée, la situation de son port sur la côte syrienne attire les marchands au Ier millénaire avant J.-C. ; les Grecs le connaissent sous le nom de Leukos Limen (vie-ive s. avant J.-C.) Puis c'est l'abandon jusqu'à la découverte fortuite par les indigènes, en 1928, d'un caveau à Minet el-Beida, le site du port d'Ougarit.
LES DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES
Menée depuis 1929 par C. Schaeffer et ses successeurs, l'exploration, sur le site actuel de Ras Shamra, est d'une importance capitale pour la compréhension de l'évolution de la Syrie ancienne, de l'époque néolithique à la fin du IIe millénaire L'emplacement du port d'Ougarit, Minet el-Beida, fut découvert le premier, par hasard, en 1928, et une exploration méthodique fut décidée dès 1929, bientôt étendue à Ras Shamra même. Dès 1931, l'identification de Ras Shamra avec l'ancienne Ougarit était assurée. La fondation de l'agglomération, qui semble avoir été vaste, correspond au niveau Ras Shamra VC (6500-6000 avant J.-C.) Durant toute l'époque néolithique (6500-5250 avant J.-C.), les habitations sont construites en brique crue sur fondations de pierre. La céramique fait son apparition à Ras Shamra VB (6000-5700 avant J.-C.), parallèlement à des récipients en chaux, dits vaisselle blanche, connus également à Byblos, Ramad, près de Damas, et el-Qown, au nord de Palmyre. À cette phase apparaissent également les premiers cachets en terre cuite. Au néolithique récent, l'architecture se développe et la céramique, monochrome, devient abondante, décorée d'incisions ou au lissoir. À l'époque chalcolithique (IV), entre 5250 avant J.-C. et 4300 avant J.-C., l'habitat semble moins étendu. Pendant un millénaire se superposent des niveaux appartenant à un village dont la superficie est estimée à 4 ou 5 ha au maximum. La production céramique est très variée, et l'on note la présence de céramiques peintes du type de tell Halaf (Djézireh syrienne). Aux phases IIIC et IIIB (4300-3000 avant J.-C.) apparaissent dans le matériel céramique des productions de type obéidien. L'architecture connue est toujours de type domestique, en pisé, brique crue et petits murets de pierre. L'outillage lithique est en silex et en obsidienne.
À la phase IIIA (3000-2100 avant J.-C.), Ougarit témoigne des cultures syriennes du bronze ancien. Une céramique caractéristique, rouge et noir, lissée, dite de Khirbet Kerak, d'origine transcaucasienne, apparaît (milieu du IIIe millénaire avant J.-C.). Parmi les objets recueillis, il faut noter des hachettes polies, des fusaïoles, des pendeloques en obsidienne et en jadéite, des armatures de faucille en silex, des pointes de flèche. L'outillage lithique est toujours prédominant, même si l'on remarque la présence d'outils en métal. À la fin du bronze ancien (parallèlement à l'époque d'Ebla, dans le dernier tiers du IIIe millénaire avant J.-C.), les productions céramiques sont très variées, et l'on assiste au développement de la métallurgie (armes, outils).
Durant le bronze moyen (2100-1650 avant J.-C.), ou époque Ras Shamra II, on connaît surtout des sépultures collectives, qui ont fourni un mobilier abondant (métal, outillage lithique). Au début de la période qui va de 2100 à 1900 avant J.-C. s'installèrent à Ougarit des populations que C. Schaeffer appela les « porteurs de torque », qui introduisirent l'usage de parures caractéristiques (torques en bronze aux extrémités enroulées, épingles à extrémité percée). On connaît également, pour cette période, deux statuettes en argent et or, l'une masculine et l'autre féminine, ornées de torques, et une grande stèle, dite « du Baal au foudre », dont l'iconographie est fortement marquée par l'influence égyptienne. Les objets, attribuables à l'Égypte, dont beaucoup sont inscrits, sont nombreux. Une perle en cornaline est gravée au nom du pharaon Sésostris Ier (1970-1936 avant J.-C.) et, à partir de cette date, les monuments égyptiens deviennent fréquents. Incontestablement, la période du site la mieux connue est celle du bronze récent (1600-1185 avant J.-C.) et surtout la phase finale de cette époque. Dès la première campagne, sur l'acropole du tell, on dégageait la maison et la bibliothèque religieuse du grand prêtre d'Ougarit, qui livrait un dépôt de 74 armes et outils en bronze inscrits qui ont permis le déchiffrement des textes écrits en ougaritique alphabétique. En effet, lors de cette première campagne, une cinquantaine de textes écrits en une langue inconnue, à l'aide de caractères cunéiformes, révélèrent l'existence d'une nouvelle variante du sémitique occidental, dite ougaritique, écrite alphabétiquement. D'autres textes, écrits en syllabique akkadien, furent bientôt découverts, auxquels il faut ajouter des textes hourrites, égyptiens, hittites, cyprominoens, sumériens ou akkadiens. On connaît deux grands sanctuaires (temple de Dagan et temple de Baal) sur l'acropole et de vastes quartiers d'habitation au pied de celle-ci. Dans la partie nord-ouest du tell, on a dégagé un grand palais royal, dont l'architecture est très élaborée, riche en textes diplomatiques couvrant la période entre 1395 avant J.-C. et 1236 avant J.-C., ainsi qu'un petit palais (ou palais sud) et un palais nord plus ancien. Les maisons privées, fouillées dans le quartier résidentiel à l'est du palais royal, sont de riches demeures souvent pourvues de belles tombes souterraines à dromos.