Bordeaux
Chef-lieu de la Région Aquitaine – Limousin – Poitou-Charentes et du département de la Gironde, sur la Garonne, à 557 km au S.-O. de Paris.
- Population : 260 352 hab. (recensement de 2018)
- Nom des habitants : Bordelais
- Population pour l'agglomération : 836 162 hab. (recensement de 2009)
GÉOGRAPHIE
Bien desservie par le rail, la route (autoroute Aquitaine) et l'air (aéroport de Mérignac), port de commerce actif (traditionnelles importations de produits tropicaux), Bordeaux est une véritable capitale régionale et, avec Toulouse, la métropole du Sud-Ouest. Septième agglomération française, c'est un centre administratif, commercial (au cœur du vignoble bordelais), universitaire, siège, en outre, d'une académie, d'une zone de défense, d'une cour d'appel et d'un archevêché. L'industrie, développée surtout en banlieue et partiellement liée au port, est dominée par la métallurgie de transformation (industrie aéronautique). La croissance démographique de l'agglomération est forte, environ le double de la moyenne nationale.
Bordeaux compte 33 % des habitants de la communauté urbaine (qui englobe 27 communes). La « vieille ville » s'identifie avec les quartiers compris entre la Garonne et les « cours » : anciens quartiers populaires en bordure du fleuve (Saint-Michel, Saint-Pierre, Chartrons), centre commercial et administratif, proche du quartier rénové Mériadeck. Une partie de la ville, dont le port de la Lune, est inscrite, depuis 2007, sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Entre les cours et les boulevards, les autres faubourgs sont peuplés de classes aisées (Tivoli, Saint-Genès) et surtout de classes moyennes : ils forment des ensembles monotones d'habitations individuelles, « les échoppes ». Des quartiers industriels ou anciennement industriels flanquent le fleuve en amont, aux confins de Bègles, en aval autour des bassins à flot et à Bacalan, ainsi que sur la rive droite à La Bastide, aujourd'hui en renouvellement. La physionomie de cette ville, édifiée aux xviiie s. et xixe s., a été quelque peu modifiée par les travaux d'urbanisme du dernier quart du xxe s. : outre Mériadeck (quartier de l'hôtel de ville), la cité de la Benauge sur la rive droite et, au N. de la ville, la cité du Grand-Parc et le quartier du Lac. La mise en service du pont Saint-Jean en 1965, suivie par celle du pont d'Aquitaine en 1967 et par celle du pont d'Arcins (ou François-Mitterrand) en 1993 (bouclant la rocade) ont amélioré les relations entre les deux rives du fleuve, assurées auparavant par le Pont de pierre, lui-même achevé en 1822. Un cinquième pont, le pont Chaban-Delmas, qui relie les quartiers de Bacalan et de Bastide, a été inauguré en 2013 ; il comporte une travée levante permettant de laisser passer les paquebots de croisière. L'ouverture d'une voie express sur la rive droite et son raccordement à la rocade, sur laquelle se branchent les autoroutes vers Paris/Bruxelles, Lyon/Genève, Toulouse/Barcelone et Bayonne/Bilbao, ont aussi contribué à faciliter les relations. La création d'un tramway en 2004 a permis d'améliorer les transports intra-urbains.
Avec un trafic de 8,7 Mt (en 2009), Bordeaux est le septième port maritime français. Le port autonome de Bordeaux gère toutes les installations entre Bordeaux et la mer : le trafic se concentre sur la Garonne à Bassens (phosphates, minerais, céréales, bois) et à Ambès (pétrole), sur la Gironde à Blaye (céréales), à Pauillac (pétrole) et au Verdon (pétrole, conteneurs), alors que les quais urbains, ainsi que les bassins à flot, ne servent plus. Les entrées ont longtemps été trois ou quatre fois plus importantes que les sorties : outre le pétrole et les minerais, arrivait une gamme très large de produits et de bois tropicaux ; partaient des produits raffinés, des céréales et des bois des Landes. Les relations se font surtout avec l'Europe du Nord-Ouest et avec la côte occidentale d'Afrique. La fermeture des raffineries de pétrole de l'estuaire a réduit le trafic.
Plus des deux tiers des actifs travaillent dans le secteur tertiaire : branches liées au port, commerce de gros et de détail, administration, enseignement (universités, école du Service de santé des armées), recherche, justice (cour d'appel). La ville est encore le siège d'une région militaire et d'un archevêché. La moitié environ des travailleurs de l'industrie de la communauté urbaine sont employés à Bordeaux même, et un bon tiers d'entre eux réside en banlieue ; ils sont dans quelques grandes usines (moins nombreuses cependant qu'en banlieue) et dans une foule de petits ateliers (meubles). Parmi ces industries émergent la cimenterie, les grands établissements alimentaires liés au port, la chimie minérale et surtout la métallurgie de transformation (industrie aéronautique).
L'HISTOIRE DE BORDEAUX
Fondé sur la rive gauche de la Garonne, à la jonction des navigations fluviales et maritimes avec les grandes voies terrestres, Bordeaux (Burdigala) est d'abord une agglomération ibéro-ligure, puis la capitale des Bituriges Vivisci, navigateurs et commerçants celtes. Ralliée facilement à Rome, la ville est exempte de tribut. Érigée en civitas, pourvue d'une curie, administrée par un collège de magistrats, elle devient en 28 avant J.-C. l'une des quatorze cités de l'Aquitaine Seconde.
Résidence des gouverneurs de cette province, Bordeaux est une ville ouverte, pourvue d'un forum et de nombreux monuments. Reconstruite au milieu du iiie s., elle est victime de la révolte de l'empereur des Gaules, Tetricus (271-273/274), puis des troubles des Bagaudes : aussi, au Bas-Empire, se replie-t-elle à l'intérieur d'une enceinte de 740 m sur 480. Capitale économique de l'Aquitaine Seconde grâce à son port implanté dans une anse de la Devèze (commerce actif des suifs, des cires, de la poix et du papyrus), elle en est aussi le principal foyer intellectuel grâce à ses écoles illustrées par Ausone et par saint Paulin de Nola. Christianisée au ive s. grâce à saint Hilaire et à saint Martin, elle devient la métropole de l'Aquitaine Seconde (370-508), mais elle connaît aussitôt des déviations hérétiques (priscillianisme au ive s.).
Incendiée par les Alains, les Suèves et les Vandales (408), prise par les Wisigoths d'Athaulf (413), résidence préférée de son successeur Wallia (419), elle est occupée par les Francs, après leur victoire de Vouillé, en 507. Après avoir suivi les destinées changeantes de l'Aquitaine mérovingienne, elle est saccagée par Abd al-Rahman al-Ghafiki (729). Participant alors aux révoltes des ducs d'Aquitaine, elle est soumise par Pépin le Bref (768), puis par Charlemagne (778), qui en fait la capitale du royaume d'Aquitaine et celle d'un comté rattaché d'abord au duché de Gascogne (852-1032), puis du duché d'Aquitaine sous les autorités successives des comtes de Poitiers (1032-1137), des Capétiens (1137-1152) et des Plantagenêts après le remariage, en 1152, d'Aliénor d'Aquitaine avec Henri II, roi d'Angleterre en 1154.
Étape importante sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle (xiie s.), foyer d'une riche région viticole, Bordeaux devient au xiiie s. le grand port d'exportation des vins gascons vers l'Espagne (négoce temporaire) et surtout vers l'Angleterre ; de plus, il assure le relais vers la Flandre à la faveur de la reconquête capétienne, qui prive les îles Britanniques de l'apport traditionnel des vignobles ligériens et poitevins (1202-1259).
Abandonnant aux marins basques, cantabres, rochelais, oléronais, bretons et anglais le transport de leurs vins, les marchands bordelais contrôlent pourtant leur commercialisation. De plus, ils interdisent, au moins dès 1241, l'apport des vins du haut pays (Agenais) à Bordeaux entre novembre et décembre, afin de faciliter l'écoulement de leur propre récolte ; grâce aux rois d'Angleterre, ils bénéficient d'une exemption totale de la grande coutume de Bordeaux (taxe frappant les vins exportés) ; au xiiie s., ils s'assurent la maîtrise de leur débouché anglais en acquérant la qualité de bourgeois de Londres (où leurs facteurs gascons résident dans le quartier des Vintners) et en obtenant de conserver dans cette ville leurs vins invendus au-delà des quarante jours traditionnels (privilèges confirmés par la carta mercatoria de 1303).
Obtenant individuellement de très hautes fonctions à la cour des Plantagenêts, les bourgeois de Bordeaux se font concéder collectivement par Jean sans Terre une charte dite « d'Etablissement » (sur le modèle de celle de Rouen), qui leur confère le monopole du pouvoir municipal. En effet, cette charte crée une commune dirigée par deux conseils (les cinquante et les cent trente) et par un maire élu par les cinquante jurats, « maîtres de maisons » nommés annuellement par leurs prédécesseurs et qui sont obligatoirement possesseurs d'une fortune d'au moins 1 000 livres.
Attachée par l'intérêt au maintien de la présence anglaise, cette oligarchie marchande ne se rallie pas à Philippe le Bel quand celui-ci occupe temporairement la ville (1295), mais elle profite des échecs anglais du temps de Charles V pour tenter de transformer Bordeaux en une véritable république urbaine.
Bénéficiant de la richesse de ses négociants, des dons de l'archevêque Bertrand de Got, devenu le pape Clément V (1305-1314), et de la présence de la cour du Prince Noir (1356-1370), Bordeaux achève la construction (xiiie-xve s.) de monuments qui illustrent sa prospérité (Saint-Seurin, la cathédrale Saint-André) à l'intérieur d'une enceinte de 5 250 m qui enserre une superficie de 275 hectares.
Mais le redressement de la France des Valois consacre son déclin. Partiellement incendiée par une escadre franco-espagnole (1403), puis occupée par les troupes de Charles VII (29 juin 1451), la ville accueille l'Anglais Talbot en libérateur (1452). La défaite et la mort de ce dernier à Castillon (17 juillet 1453) la contraignent à une nouvelle capitulation (octobre). Perdant au profit du roi de France le droit de nommer le maire et cinq jurats, placé sous l'étroite surveillance du fort du Hâ et du château Trompette, édifié, sur ordre de Charles VII, sur l'emplacement de l'actuelle place des Quinconces, Bordeaux perd toute indépendance politique, mais obtient de Charles VII et de Louis XI le droit de commercer librement avec l'Angleterre et le rétablissement des deux foires franches créées par Edouard III en 1341.
La remontée des exportations de vin (15 000 tonneaux par an en moyenne à la fin du xve s. contre 20 000 à la fin du xive s., et 60 000 au xvie s. et au xviie s.), la fondation de l'université (1441) et celle du parlement (1462), avec le concours duquel François Ier réforme les « coutumes » de la Jurade, la création d'une première imprimerie (1517) et celle, enfin, d'un collège de Guienne (1533), dont Michel de Montaigne et Joseph Scaliger sont les élèves avant qu'il devienne un foyer de propagande luthérienne, tous ces faits attestent le renouveau économique et intellectuel de la ville, bientôt atteinte par des troubles graves.
Montmorency brise par la force une insurrection contre la gabelle (1548) ; une Saint-Barthélemy locale (264 victimes, le 3 octobre 1572), l'hostilité du parlement à l'édit de Nantes, enfin l'œuvre du cardinal François de Sourdis, apôtre de la Contre-Réforme, étouffent la montée du protestantisme. La capitulation du 1er août 1653 prive Bordeaux de ses dernières libertés municipales pour avoir participé à la Fronde parlementaire et à la Fronde des princes sous l'impulsion du prince de Condé (septembre 1651), puis sous celle des hommes de loi et de métiers (gouvernement de l'armée).
Ruinée d'autre part par les combats qui ont détruit les vignobles de l'Entre-deux-Mers, la ville ne renaît réellement à la prospérité qu'au xviiie s. Les agents en sont : la chambre de commerce, créée en 1705 ; la reprise des exportations de vin vers l'Angleterre (125 000 tonneaux par an en moyenne au xviiie s.) ; surtout l'essor du trafic triangulaire sous l'impulsion des riches armateurs bordelais (Gradis) et grâce aux ordonnances de 1716 et de 1717, qui font de Bordeaux le point de départ du négoce avec les Antilles (vente de pacotilles au Sénégal et en Guinée en échange du « bois d'ébène » négocié sur le nord des Îles en contrepartie des produits tropicaux destinés au marché français).
L'enrichissement de la bourgeoisie bordelaise, l'action des trois grands intendants du xviiie s. (Boucher, Tourny et Dupré de Saint-Maur) de même que celle du duc de Richelieu, gouverneur de Guyenne, expliquent que la ville connaisse alors une nouvelle période d'essor monumental.
Siège de l'académie de Bordeaux, illustrée par Montesquieu, la capitale de l'Aquitaine se rallie à la Révolution, qui fait d'elle le chef-lieu de la Gironde (1790) et à laquelle elle donne quelques-uns de ses chefs les plus prestigieux : les Brissotins, dont Lamartine fera les Girondins en 1847. Mais, au lendemain du 2 juin 1793, journée dont ses députés sont les victimes immédiates, Bordeaux se soulève, en vain d'ailleurs, contre la Commune de Paris. Brisée par la Terreur, incarnée localement par le représentant en mission Tallien et par la « commission militaire » présidée par Lacombe (300 exécutions), l'opposition bordelaise à la Montagne renaît (après Thermidor).
Victime du Blocus continental, qui ruine son port, Bordeaux se dépeuple rapidement (60 000 habitants contre 110 000 en 1789). Aussi, son maire, Lynch, se rallie-t-il aux Bourbons dès le 12 mars 1814. Avec le nouveau régime et grâce à l'action de ses armateurs, tel Baguerie-Stuttemberg qui établit la Caisse d'épargne et achève le Pont de pierre (1809-1821), la ville connaît une nouvelle période de prospérité. Bien reliée à son arrière-pays grâce à la construction du canal latéral à la Garonne et aux voies ferrées qui l'unissent à La Teste (1841), à Paris (1853) et à Bayonne (1855), elle contrôle, depuis le traité franco-anglais de libre-échange (1860), les relations maritimes directes avec le Sénégal, les Antilles, le Brésil et les États de La Plata.
Capitale économique et même intellectuelle (reconstitution de l'université en 1896) du sud-ouest de la France, elle en devient temporairement la capitale politique lorsque les armées allemandes menacent d'occuper Paris. Tour à tour viennent y siéger la délégation gouvernementale de Léon Gambetta (9 décembre1870), l'Assemblée nationale (12 février-11 mars 1871), les gouvernements de René Viviani (3 septembre-9 décembre 1914), de Paul Reynaud (15-16 juin 1940) et du maréchal Pétain (16-30 juin 1940).
BORDEAUX, VILLE D'ART
La somptueuse ville romaine de 60 000 habitants est mise à feu et à sang par les invasions barbares de 276-277. Il n'en reste aujourd'hui que les ruines des arènes, qui étaient un peu moins grandes que celles de Saintes, mais pouvaient recevoir 15 000 spectateurs (« palais Gallien »). La cité se résorbe autour d'un réduit central sur la hauteur, l'ancien castrum rectangulaire, entouré de murailles, dont les rues Sainte-Catherine et Saint-Rémi ont gardé le tracé. Ce fut le noyau primitif d'où allait sortir l'éventail ouvert sur le fleuve.
Hors les murs, deux faubourgs, Saint-Seurin et Sainte-Croix, sont les points avancés de l'agglomération médiévale. La collégiale Saint-Seurin (vers 1175) conserve dans sa crypte du xie s. de beaux sarcophages mérovingiens. Située sur les Chemins de Saint-Jacques Compostelle en France, la collégiale est inscrite à ce titre sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1998. L'abbatiale bénédictine Sainte-Croix, construite au xiie s., revoûtée au xiiie s., est un des plus beaux spécimens du style roman saintongeais. Le portail, aux voussures sculptées, et la robuste tour sud, aux trois étages de baies décroissantes, sont remarquables.
La ville de Bordeaux est devenue tête de pont de la Grande-Bretagne depuis le second mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec Henri II Plantagenêt (1152). Elle le restera exactement trois cent un ans. La cité déborde de plus en plus : une deuxième, puis une troisième muraille (début du xive s.) mettent en sûreté faubourgs et couvents. Il en subsiste plusieurs portes fortifiées. Parmi les édifices majeurs, il faut mettre à part l'église Saint-Michel, de style flamboyant (xive s.-xve s.). Sa flèche, haute de 109 m, dessinée par Jean Lebas, de Saintes, rivalise de verticalité avec les magnifiques clochers qui flanquent les croisillons du transept de la cathédrale Saint-André. Celle-ci, commencée par la nef romane fort large et embellie d'un « portail royal » sculpté vers 1250 par des artistes d'Île-de-France, est due, pour le chœur à déambulatoire et cinq chapelles rayonnantes, à l'évêque Bertrand de Got, qui devint pape d'Avignon sous le nom de Clément V (1305-1314). Situées sur les Chemins de Saint-Jacques Compostelle en France, l'église Saint-Michel et la cathédrale Saint-André sont inscrites à ce titre sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1998. Dernier souvenir de l'occupation anglaise : la tour Pey-Berland (1440).
Le rattachement à la France (1453) ne fera pas taire les impatiences gasconnes. Pour les tenir en respect, Charles VII dresse deux forteresses : le fort du Hâ et le château Trompette, placé en avant du faubourg des Chartreux (ou Chartrons). C'est de ce côté et grâce aux religieux amenés par le cardinal François de Sourdis qu'après les premiers essais du maréchal d'Ornano et de spécialistes flamands les terres incultes sont défrichées. Au milieu d'allées-promenades, Saint-Bruno (1611), ancienne église des Chartreux, est le premier édifice classique du xviie s. ; derrière une façade sévère, l'intérieur est somptueux avec ses marbres de couleur, Assomption peinte par Philippe de Champaigne pour le maître-autel, les sculptures des deux Bernin père et fils, les peintures baroques de la voûte (vers 1770). Les églises de style jésuite Saint-Paul-Saint-François-Xavier (1676) et Notre-Dame (1674-1707) ont d'autres recherches décoratives grâce aux marbres sculptés par Guillaume II Coustou (vers 1745) et Jean-Baptiste Peru d'Avignon (vers 1750).
Cependant, à l'aube du xviiie s., la ville que connaît Montesquieu est encore médiévale, enfermée dans ses murailles délabrées. Claude Boucher, premier des grands intendants-urbanistes de Bordeaux, y fait une brèche de près de 1 km pour aligner de belles façades classiques sur le quai de la Garonne. En 1729, l'architecte Jacques Gabriel est envoyé à Bordeaux par le roi Louis XV. Il y dessine la place Royale (aujourd'hui de la Bourse), terminée par son fils Jacques-Ange en 1755. Il adopte le parti d'un rectangle long de 400 m, ordonnancé sur trois côtés avec pans coupés aux angles et largement ouvert sur le fleuve : sorte de majestueux débarcadère, scénographie de grande allure qui sera imitée à Lisbonne.
À la périphérie, vers la campagne, problème analogue : faire éclater les remparts, remplacer la ceinture de pierres par une ceinture d'arbres et les portes médiévales par des arcs de triomphe. Le plan de l'intendant Louis de Tourny est un exemple très original de l'aménagement classique d'un tour de ville ; trois places ordonnancées occupent les sommets d'un triangle : place circulaire de Tourny, place Dauphine (aujourd'hui Gambetta), enfin place de la Comédie sur l'ancien forum romain. Le théâtre de Victor Louis (1773-1780) en est le point central : chef-d'œuvre de l'architecture de style Louis XVI, il était le plus parfait de son époque et demeura un modèle. Les hôtels particuliers conçus par Louis ne sont pas moins représentatifs, tels ceux de l'avocat général Saige et du trésorier Legrix, aujourd'hui réunis pour former la préfecture. Le palais de l'archevêque prince de Rohan est l'actuel hôtel de ville ; d'autres demeures sont bâties pour de riches armateurs. Le dernier intendant de l'Ancien Régime, Dupré de Saint-Maur, fera démolir le château Trompette (ce sont les actuels Quinconces) et saura prévoir l'extension du Bordeaux moderne.
La ville, où meurt en exil le peintre Goya, voit naître au xixe s. Rosa Bonheur, Odilon Redon, Albert Marquet, André Lhote, d'autres artistes encore qui ont leur place au musée des Beaux-Arts, riche, par ailleurs, en œuvres anciennes des écoles française et étrangères.
LES MUSÉES DE BORDEAUX
Le Musée des Beaux-Arts, musée classé, remonte à 1801. Installé en 1877 dans une galerie bordant les jardins de la Mairie, il conserve un ensemble de peintures anciennes, du xixe s. (Delacroix, Millet, Redon) modernes et contemporaines (Matisse, Bonnard, Vlaminck, etc.). Deux peintres bordelais, Albert Marquet et André Lhote, bénéficient de salles spécifiques.
Le Musée des Arts décoratifs, dans l'hôtel de Lalande (1779), conserve des collections de meubles, de verrerie, de céramique, d'argenterie, ainsi que des boiseries du xviiie s. provenant de plusieurs hôtels particuliers de la ville. Le Musée d'Aquitaine possède d'importantes collections régionales d'archéologie et d'ethnographie.
Le Musée d'Art contemporain, ouvert en 1984, occupe l'ancien monumental entrepôt Laîné du xixe s.
LES FAÏENCES ET LES PORCELAINES DE BORDEAUX
Une faïencerie fut fondée en 1711 par Jacques Hustin et continuée par son fils Jacques Denis ; elle ferma en 1783. On y créa des services armoriés décorés dans le style de Moustiers. Une manufacture de porcelaine fut fondée en 1781 par Pierre Verneuilh, et reprise la même année par Michel Vanier et Alluaud de Limoges. Elle ferma en 1790. On y réalisa des décors dans le genre des porcelaines de Paris (marque : deux V entrelacés). Entre 1834 et 1845, David Johnston et Jules Vieillard fabriquèrent de la faïence fine imprimée. Albert et Charles, les fils de J. Vieillard, poursuivent la fabrication jusqu'en 1895.