gazelle
« Mon bien-aimé est semblable à une gazelle » chante l'amoureuse du Cantique des cantiques, dans la Bible, tant cet animal léger, vif et fin semble le plus gracieux de la planète. Mais, sous son apparence douce et fragile, la gazelle cache une étonnante résistance qui lui a permis de s'adapter aux régions les plus arides de la Terre.
Introduction
Des déserts mauritaniens aux déserts mongols, des steppes du nord de l'Inde à la Corne de l'Afrique, en passant par les sables de la péninsule arabique et les pentes de l'Atlas, les gazelles ont prospéré dans les paysages les plus pauvres d'Afrique, d'Europe et d'Asie, là où l'eau est rare et l'herbe sèche. Elles sont toutes caractérisées par cette même élégance : corps svelte, le plus souvent fauve et blanc, pattes fines, long cou, tête en général couronnée de cornes annelées en forme de S. Elles appartiennent à deux genres principaux, gazella (17 espèces ) et procapra (3 espèces).Mammifères ruminants, les antilopini, ou gazelles, font partie, comme leurs cousines les antilopes actuelles d'Afrique et d'Asie, de la famille des bovidés, qui rassemble les bovins, les moutons et les chèvres. L'un des premiers représentants de la lignée, il y a quelque 20 millions d'années, ressemblait d'ailleurs fort à une petite gazelle. Originaire de l'actuel Sahara, l'Eotragus vivait probablement dans un paysage de savanes boisées moins sec que le Sahara actuel. L'ancêtre de tous les bovidés possédait déjà des cornes, comme en témoignent les restes de cornillons osseux retrouvés dans les gisements fossiles.
Après une évolution dans un milieu tropical riche, les formes sauvages des bovidés auraient proliféré au début de l'ère quaternaire, il y a un million d'années, se subdivisant en une centaine de genres comme Bos (bovins) ou Capra (chèvres), dont certains se sont adaptés aux zones désertiques et subdésertiques. La faune africaine reste très marquée par ce foisonnement, avec sa multiplicité d'antilopes et de gazelles petites et grandes, solitaires ou sociales, forestières ou désertiques, toutes issues de la même famille. Les gazelles des genres Gazella et Procapra que nous connaissons aujourd'hui datent probablement de cette époque. Et si la Gazella anglica a disparu de Grande-Bretagne, où des fossiles rappellent qu'elle vivait au début du quaternaire, la gazelle à front roux (Gazella rufifrons), la gazelle de Thomson (Gazella thomsoni) et la gazelle de Grant (Gazella granti) habitent encore des zones tropicales africaines comme leurs ancêtres.
La vie de la gazelle
Des herbes, des feuilles, quelques fruits et peu d'eau
La gazelle de Thomson et la gazelle de Grant cohabitent dans les savanes de l'Est africain où elles se nourrissent principalement d'herbes et de feuillages. Elles partagent leurs espaces avec d'autres ruminants, chacun ayant une stratégie alimentaire différente, ce qui les rend complémentaires.
La petite gazelle de Thomson mange essentiellement des plantes herbacées et surtout des graminées. Mais, si les herbes sont trop hautes ou trop denses, elle ne peut plus se nourrir. Aussi, à l'époque des pluies, quand la savane prolifère, les gazelles suivent-elles les troupeaux de zèbres et de gnous. Ces derniers se soucient davantage de se nourrir abondamment que de choisir la qualité ; ils consomment les tiges hautes et serrées. Les gazelles, au contraire, se montrent plus sélectives ; passant après les grandes espèces, elles cueillent les jeunes pousses encore au ras du sol, les plus riches en protéines. Puis, lorsque les herbes commencent à sécher, le feu mis par les habitants pour enrichir le sol leur découvre à nouveau de nombreux rejets vert tendre dont elles sont friandes. Quand les graminées sont abondantes et riches, les gazelles de Thomson s'en nourrissent à 90 %, voire plus, le reste étant constitué de dicotylédones, de buissons et de plantes annuelles ; à la fin de la saison sèche, les graminées ne représentent plus que 60 % de leur alimentation et elles complètent alors leur régime par des feuilles et des fruits.
Les gazelles de Grant, qui habitent de préférence des régions plus sèches, broutent moins d'herbe et se nourrissent davantage de rameaux. Leurs glandes salivaires particulièrement développées leur autorisent un régime plus sec, composé en moyenne de 40 % de graminées (monocotylédones) et de 60 % de dicotylédones, mais variable selon les disponibilités du moment. Évitant les hautes herbes, elles consomment des graminées (Cynodon et Harpachne), essentiellement au début de la saison des pluies, sauf si la prairie reste rase là où elles se trouvent.
Quand la sécheresse arrive, les gazelles se déplacent et choisissent des rameaux de buissons ou des herbes non graminées, avec une prédilection pour Solanum (de la même famille que la pomme de terre), Indigofera ou Disperma. Elles ne dédaignent pas non plus les baies rafraîchissantes. Mais elles trouvent surtout leur bonheur dans les régions où paissent des troupeaux domestiques, qui choisissent certaines espèces végétales et laissent justement celles qu'elles apprécient le plus.
Les gazelles boivent l'eau des plantes
De tous les ongulés présents sur ces mêmes territoires, les gazelles sont ceux qui font preuve de la plus grande résistance à la chaleur et à la sécheresse. Tirant parti de son faible poids (de 15 à 30 kg), la gazelle de Thomson se contente des quelques jeunes pousses vertes encore riches en eau pour équilibrer son régime pendant la saison sèche. La gazelle de Grant, qui a de plus grands besoins hydriques (elle pèse de 35 à 80 kg), se nourrit en grande partie la nuit pendant la saison sèche, afin de recueillir la rosée sur les plantes, notamment sur le Disperma. Elle peut ainsi, en une nuit de pâturage, avaler plus de dix litres d'eau, qui, par évaporation interne, rafraîchiront sa tête et son cerveau pendant les heures chaudes.
Pendant la saison des pluies, les deux espèces s'abreuvent dans les flaques, quoique l'humidité de leur nourriture puisse leur suffire.
Un mâle solitaire, des troupeaux de femelles
La structure sociale des gazelles varie selon l'espèce et la saison avec souvent une grande souplesse d'adaptation.
À l'époque des pluies, comme on a pu l'observer dans le cratère de Ngorongoro (parc national de Tanzanie), les gazelles de Thomson sont relativement concentrées sur de petites surfaces, tous sexes et âges confondus.
Un territoire pour la saison sèche
En saison sèche au contraire, les mâles dominants se définissent un territoire dont ils repoussent tous les rivaux. Pour le marquer, ils urinent en différents points, accumulent leurs petits crottins sur quelques emplacements de terre nue bien visibles et déposent, sur des dizaines de tiges de graminées hautes de 30 à 40 cm, une sécrétion odorante qui coule de leur glande préorbitale, située au coin interne de l'œil. L'espace est ainsi découpé en multiples territoires de 20 à 300 m de large, entre lesquels circulent les jeunes et les femelles par groupes de 5 à 50.
Les concentrations plus importantes sont, en général, dispersées par les mâles territoriaux. Les mâles immatures ou célibataires, par force, se regroupent à la périphérie. Ils peuvent cependant venir se nourrir sur le terrain d'un dominant, pour autant qu'ils respectent sa zone d'alimentation réservée et ne font pas mine de s'intéresser aux femelles.
La saison avançant, les troupeaux de femelles et de jeunes se déplacent. Les mâles se retrouvent donc souvent seuls sur leur territoire vide, qu'ils ont apparemment du mal à quitter.
Les gazelles de Grant ont un comportement moins social : le seul groupe que l'on observe régulièrement dans cette espèce est le couple mère-petit. Mais les rassemblements temporaires d'environ 6 à 16 individus ne sont pas rares. Après une pluie localisée, par exemple, les animaux se retrouvent ensemble à l'endroit où la végétation repart. Les mâles dominants s'attribuent alors un territoire beaucoup plus grand que celui de la gazelle de Thomson : de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres de diamètre. Les femelles se déplacent avec leur progéniture, seules ou en petits groupes, d'un territoire à l'autre. Les mâles plus jeunes, circulant en groupes, peuvent également traverser les territoires des mâles plus âgés et dominants qui sont les seuls à s'accoupler.
En suivant pendant 24 heures un groupe mixte de femelles et de mâles célibataires, le zoologiste allemand F. Walther a pu constater qu'ils se déplaçaient le long d'un circuit de 16 km, au travers d'un domaine vital de l'ordre de 20 km2. Ce faisant, ils traversaient les territoires de plusieurs mâles reproducteurs.
Lorsque le terrain devient trop sec, les mâles abandonnent beaucoup plus facilement leur territoire que ceux de l'espèce de Thomson qui, vivant en milieu plus humide, ne souffrent pas du manque de nourriture.
Quand les conditions alimentaires sont particulièrement favorables, il arrive qu'on observe de grands rassemblements de gazelles de Grant. Mais c'est exceptionnel et souvent de courte durée.
Parades ou combats, un rituel sans violence
À la frontière de leurs territoires, les gazelles de Thomson mâles s'affrontent régulièrement. Les préludes sont brefs et les belligérants en viennent vite aux cornes. La tête près du sol, chacun pousse l'adversaire. Mais l'assaut reste toujours mesuré. Les affrontements sont souvent entrecoupés de phases de pâturage qui sont, elles-mêmes, peut-être, des prolongements détournés du combat. Puis les deux adversaires s'élancent à nouveau l'un contre l'autre, entremêlant leurs cornes. La disposition de ces dernières fait que les blessures sont rares, ce qui explique le peu d'importance des parades préalables. Chez les gazelles de Grant, au contraire, des manœuvres d'intimidation longues et ritualisées suffisent souvent à régler les conflits. Si le mâle résidant sur un territoire se place de profil devant l'animal qui pénètre sur sa surface, tend le cou, rejette la tête en arrière puis la tourne de côté, l'intrus ressent ces attitudes comme des postures de menace, qui le conduisent à se soumettre ; il cède alors en s'éloignant.
Le faon, dès la naissance, est livré à lui-même
Les parades amoureuses sont assez similaires chez les gazelles de Thomson et chez les gazelles de Grant. Le mâle inspecte les femelles de son territoire en reniflant leur croupe. Ce faisant, il stimule chez elles un réflexe urinaire. Après avoir prélevé avec la bouche quelques gouttes d'urine, il relève la tête et effectue une grimace caractéristique, appelée « flehmen ». Elle a pour effet de mettre en contact cette urine avec une glande qu'il a dans la partie supérieure du palais et qui lui permet de faire une sorte de dosage hormonal pour déterminer si la femelle est, ou non, fécondable. Si le test est positif, il poursuit sa partenaire en lui donnant, à chaque arrêt, de petits coups avec la patte avant jusqu'à ce qu'elle se prête à l'accouplement. Chez la gazelle de Grant, il marche quelque temps derrière elle en exhibant le dessous de sa gorge. Lorsqu'elle est réceptive, la gazelle s'arrête et redresse la queue. L'accouplement est toujours assez bref, mais la femelle ne reste pas pour autant immobile et force le mâle à se déplacer sur ses pattes arrière pour la suivre. Les gazelles ne sont fécondables que quelques jours, mais elles peuvent néanmoins s'accoupler avec les différents mâles dominants dont elles traversent le territoire.
Une naissance discrète
Chez les deux espèces, la gestation dure six mois et la mère s'isole pour mettre bas. La gazelle de Thomson a généralement deux portées par an (en janvier-février et en juillet), tandis que la gazelle de Grant n'en a qu'une, le plus souvent en fin ou en milieu d'année. Chez la première, le nouveau-né, presque toujours unique, pèse de 2,2 à 3 kg. Juste après la naissance, la mère a toujours soin de consommer les membranes et le placenta, rare exception à son régime herbivore qui peut s'expliquer par la récupération de substances très riches à un moment où son organisme est particulièrement sollicité, et par le souci de ne pas laisser de traces. Puis elle déplace son tout jeune faon de quelques mètres et le laisse seul, bien caché dans l'herbe, pendant trois semaines, jusqu'à ce qu'il soit en mesure de suivre le troupeau. Elle vient le nourrir plusieurs fois par jour. Pour se faire reconnaître de son petit, elle pousse de brefs appels qui ressemblent à des bêlements et hoche la tête, afin d'associer signaux visuels et auditifs. La petite gazelle de Thomson est sevrée à 2 mois et mature à 12 ; elle peut mettre bas son premier faon à 18 mois, mais le jeune mâle s'accouple rarement avant 2 ans.
Chez la gazelle de Grant, le nouveau-né, unique, pèse de 5 à 7 kg, le jeune mâle étant toujours plus lourd. Le petit commence à consommer des aliments solides dès 1 mois, mais il n'est définitivement sevré que vers 6 mois.
À l'époque des naissances, les jeunes gazelles constituent l'essentiel du régime alimentaire de très nombreux prédateurs. Si un chacal ou un babouin approche de son petit, la mère tentera vigoureusement de le chasser, mais elle restera impuissante face à une hyène ou à un guépard. Les mâles ne se soucient aucunement de défendre leur descendance.
Mère et faon communiquent par signaux visuels
Mère et faon communiquent par signaux visuels
Avec leurs tétons foncés sur fond clair, les mamelles de la gazelle constituent un puissant stimulus visuel pour le petit faon qui, très vite, associe cette coloration contrastée au plaisir de s'alimenter et à sa sécurité. Retrouver ce même signal noir et blanc sur la croupe de sa mère – il est particulièrement marqué chez la gazelle de Grant – l'incite à suivre celle-ci dès qu'il en est capable.
L'imprégnation par ce stimulus visuel est si forte que, même chez les adultes, il assure la cohésion du groupe. Quand une gazelle aperçoit le « miroir » (la croupe) d'un autre animal de son espèce qui s'enfuit, elle a instinctivement tendance à le suivre. Il suffit qu'un animal, ayant aperçu un prédateur, s'éloigne en bondissant pour que tout le troupeau en fasse autant. Quand, pendant la tétée, le jeune faon agite la queue, ce stimulus visuel pousse sa mère à lui lécher les fesses, éliminant ainsi toutes les odeurs susceptibles d'attirer les prédateurs.
Pour tout savoir sur la gazelle
Gazelle de Thomson (Gazella thomsonii) et gazelle de Grant (Gazella granti)
La silhouette élégante des gazelles se retrouve toujours d'une espèce à l'autre, malgré quelques différences de proportions. La gazelle de Grant est deux fois plus grande que la gazelle de Thomson, mais l'une comme l'autre illustrent parfaitement le genre Gazella, avec leurs têtes fines, leurs oreilles mobiles, leurs yeux bien visibles et leurs cornes annelées, présentes chez les deux sexes. La forme de ces cornes diffère mais celles-ci sont toujours plus massives chez les mâles, et plus fines chez les femelles.
La vue et l'ouïe sont les sens les plus développés des gazelles. Habitant des paysages ouverts, elles utilisent leur acuité visuelle pour se reconnaître entre elles, détecter les prédateurs. Dès son plus jeune âge, le faon s'imprègne du contraste entre le pelage fauve dessus et blanc dessous de sa mère, souvent rehaussé d'une croupe blanche (le « miroir ») et d'une barre noire sur le flanc. Ces marques sont suffisamment différentes d'une espèce à l'autre pour permettre à la gazelle de Thomson et à la gazelle de Grant, qui se côtoient souvent, de bien se reconnaître et d'éviter ainsi tout risque d'hybridation. Les gazelles de Thomson utilisent, en outre, la marque noire de leur flanc comme signal visuel au cours d'un saut très particulier, le « stotting » : l'animal bondit sur place, les 4 pattes raides en une sorte de danse qui a pour but de désorienter le prédateur et de prévenir le reste du troupeau de son approche.
Chez les gazelles, les mâles territoriaux se servent de marques odorantes pour affirmer leur droit de propriété : urine, crottins, sécrétions de glandes préorbitales. Et, si le mâle de la gazelle de Grant ne semble pas marquer les herbes avec ses glandes préorbitales, comme le fait le mâle de la gazelle de Thomson, il secoue vigoureusement la tête dans la végétation basse, ce qui peut avoir le même résultat. Les femelles marquent leur petit, quand il tète, avec la sécrétion des glandes inguinales situées au creux de l'aine, près des mamelles. D'autres glandes odorantes, au bas des pattes ou entre les doigts, ont encore, elles aussi, des rôles complexes. Mais, souvent, le marquage olfactif et le marquage visuel sont intimement liés, comme c'est le cas pour les tas de crottins repérables à distance ou lorsque l'animal adopte une position forcée pour uriner ou déféquer, en particulier chez la gazelle de Thomson. Arrière-train baissé, pattes écartées, la posture exagérée permet de voir très bien le pelage blanc du flanc ; elle ne s'accompagne même pas toujours d'émission d'urine ou de crottins.
Comme tous les ruminants, les gazelles n'ont pas d'incisives supérieures, mais un estomac avec 4 chambres dont la muqueuse est appropriée au régime de chaque espèce. La muqueuse stomacale de la gazelle de Thomson est ainsi protégée contre la silice, abondante dans les graminées dont elle se nourrit.
Les gazelles n'ont véritablement besoin de s'abreuver qu'à la fin de la saison sèche, quand presque tous les végétaux sont calcinés par le soleil. Leur résistance à la chaleur et à la sécheresse est également très grande. Leur rhinarium, c'est-à-dire leurs naseaux, leur permet de transpirer, donc de se refroidir à ce niveau. Mais, face à la chaleur, les deux espèces réagissent différemment. Quand la température ambiante s'élève beaucoup, la gazelle de Thomson libère de la chaleur par l'ensemble de son corps et sa température interne ne dépasse pas 42 °C. La gazelle de Grant, elle, laisse sa température interne monter jusqu'à 46 °C, mais elle rafraîchit son cerveau (qui ne supporterait pas une telle température) par une évaporation nasale efficace. Ce système de refroidissement du cerveau nécessite une grande quantité d'eau : à poids égal, la gazelle de Grant en consomme un tiers de plus que la gazelle de Thomson.
| GAZELLE DE THOMSON | GAZELLE DE GRANT |
Nom (genre, espèce) : | Gazella thomsoni | Gazella granti |
Famille : | Bovidés | Bovidés |
Ordre : | Mammifères | Mammifères |
Identification : | Petite gazelle fauve dessus, claire dessous. Marques faciales prononcées. Bande noire sur le flanc. Cornes du mâle parallèles mais en S de profil ; plus grêles chez la femelle | Assez grande gazelle, fauve dessus, blanche dessous, sans marques nettement visibles. Les cornes sont bien développées et parfois nettement divergentes. Elles sont plus petites chez la femelle. |
Taille : | Longueur tête et corps : de 80 à 110 cm. Queue de 19 à 27 cm ; hauteur au garrot : de 55 à 65 cm | Tête et corps : de 95 à 150 cm. Queue : de 25 à 35 cm ; hauteur au garrot : de 80 à 95 cm |
Poids : | De 15 à 30 kg. La femelle est plus légère que le mâle | De 35 à 80 kg. Le dimorphisme sexuel existe dans cette espèce également |
Répartition : | Éthiopie, Kenya, Soudan, Tanzanie | Éthiopie, Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan, Tanzanie |
Habitat : | Savanes peu ou pas arborées. Jusqu'à 2 000 m d'altitude | Savanes, steppes et semi-déserts. Jusqu'à 2 000 m d'altitude |
Régime alimentaire : | Herbivore, essentiellement brouteur | Herbivore, brouteur, cueilleur |
Structure sociale : | À l'époque de la reproduction, les mâles défendent de petits territoires. Femelles en petits groupes | Mâles territoriaux saisonniers. Groupes de femelles peu nombreux et peu fréquents |
Maturité sexuelle : | 1 an | 18 mois |
Saison de reproduction : | 2 par an, début et milieu d'année. Des naissances peuvent avoir lieu toute l'année | 1 par an. Des naissances peuvent avoir lieu toute l'année |
Durée de gestation : | 187 ou 188 jours | 198 ou 199 jours |
Nombre de jeunes par portée : | 1 par portée ; 1 ou souvent 2 portées par an | 1 par portée ; 1 portée |
Poids à la naissance : | De 2,2 à 3 kg | De 5 à 7 kg |
Longévité : | 10-12 ans ; moyenne : de 1 à 2 ans | 14 ans ; moyenne : de 1 à 2 ans |
Effectifs, tendance : | Encore quelques centaines de milliers de têtes, mais facilement vulnérables | Quelques dizaines de milliers de têtes. En régression dans toutes les zones steppiques |
Statut, protection : | Gibier « Risque mineur » mais surveillée avant une éventuelle requalification | Gibier. Populations locales protégées « Risque mineur » mais surveillée avant une éventuelle requalification |
Remarque : | Trophée record : 43 cm (Kenya). 30 cm représentent déjà plus que la moyenne. Une sous-espèce (au Soudan), Gazella thomsonii ssp. albonotata est « quasi en danger » | Trophée record : 80 cm (Tanzanie). 60 cm représentent déjà plus que la moyenne |
Signes particuliers
Glandes préorbitales
Équivalent du larmier du cerf, les glandes préorbitales sont situées dans l'angle interne de l'œil. Ainsi, l'animal voit bien les supports qu'il marque (objet, herbe, voire congénère) avec la sécrétion grasse de cette glande. Plus développées chez les mâles, les glandes préorbitales jouent un grand rôle dans le marquage territorial des gazelles de Thomson.
Miroir
Toutes les gazelles ont le derrière blanc (le « miroir »), encadré par deux bandes verticales noires et partagé en deux par une bande noire au niveau du périnée. Au repos, la queue cache la bande noire. En cas d'excitation, elle bat, et le contraste blanc/noir devient un signal.
Cornes
Les cornes sont constituées de deux parties emboîtées : le cornillon osseux (seule partie qu'on retrouve sur un fossile), solidaire de la voûte crânienne, et l'étui corné qui recouvre et prolonge le cornillon et dont la forme varie d'une espèce à l'autre. Les cornes continuent de croître tout au long de la vie de l'animal, mais elles jouent davantage un rôle dans les affrontements entre gazelles que contre les prédateurs.
Les autres gazelles
La sous-famille des antilopinés regroupe les gazelles vraies et quelques genres proches. En tout, une vingtaine d'espèces de ruminants de taille moyenne de l'Ancien Monde, habitant des paysages dégagés et particulièrement bien adaptés aux zones arides, chaudes ou froides. Les gazelles vivent normalement en petits groupes nomades, sauf en période de rut, où les mâles deviennent territoriaux. Les cornes, présentes chez les deux sexes (sauf dans quatre espèces) servent à défendre la nourriture et à régler les conflits au sein de l'espèce plutôt qu'à lutter contre les prédateurs. Enfin, toutes les gazelles ont le même type de coloration, fauve dessus et blanc dessous, avec ou non des marques sur la tête, le flanc et la croupe. Seule exception : l'antilope cervicapre indienne, dont le mâle adulte est pratiquement noir.
Gérénuk (Litocranius walleri)
Aussi appelée gazelle de Waller, ou gazelle-girafe.
Habitat : Corne de l'Afrique. Savane à buissons épineux.
Capable de se tenir sur ses pattes postérieures pour brouter les hautes branches des buissons, le gérénuk se nourrit de rameaux délicatement choisis. Ne mange jamais d'herbe, ne boit pratiquement pas. Vit en petits groupes très disséminés. Les mâles adultes (de 30 à 50 kg) défendent des territoires de 2 à 4 km2. Cornes peu développées, très massives à la base. Femelles dépourvues de cornes.
Dibatag (Ammodorcas clarkei)
Aussi appelée gazelle de Clarke
Habitat : corne de l'Afrique. Savane à buissons épineux.
Très semblable morphologiquement au gérénuk, le dibatag a la même alimentation et le même mode de vie.
Cornes peu développées, en forme de crochets pointés vers l'avant, absentes chez les femelles.
Statut et effectifs : espèce classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. (Union internationale pour la conservation de la nature). Environ 1 500 individus dans l'Ogaden ; effectif total inconnu mais en régression.
Springbok (Antidorcas marsupialis)
Habitat : Afrique australe, des zones semi-arides de la Namibie et de l'Afrique du Sud jusqu'au Bostwana et à l'Angola. Plus quelques réserves.
Les mouvements migratoires qu'effectuaient autrefois les springboks en immenses troupeaux ne sont plus qu'un souvenir du fait de la raréfaction de l'espèce et du développement de l'agriculture sur ses anciens territoires.
De poids moyen (de 25 à 45 kg), le springbok est caractérisé par ses petites cornes en crochet, mais plus encore par sa capacité à effectuer de spectaculaires bonds verticaux. Ce qui lui vaut son nom de springbok, la « chèvre qui saute ».
Toutes les gazelles sont capables de faire des sauts verticaux sur place. L'une des plus habiles en ce domaine est la gazelle de Thomson. Mais le saut du springbok est encore plus spectaculaire.
Quand, lancé en pleine course, le troupeau soulève un nuage de poussière, l'animal, qui jaillit verticalement, fait comme un flash de lumière avec ses poils blancs qui se dressent sur son dos en une ligne continue jusqu'au miroir blanc. C'est un repère visuel de ralliement immanquable pour ceux du groupe qui se seraient attardés.
Gazelle du Tibet (Procapra picticaudata)
Habitat : steppes d'altitude du Tibet, où les hivers sont rudes.
Taille moyenne (poids de 20 à 30 kg), un peu massive, croupe blanche bien marquée. Glandes préorbitales peu marquées, voire absentes.
Statut et effectifs : menacée depuis les années 1990 par le braconnage, la compétition du bétail et la réduction de son habitat due aux clôtures, l'espèce a été classée dans la catégorie « quasi en danger » par l'U.I.C.N en 2007. Environ 100 000 individus.
Gazelle de Chine (Procapra przewalskii)
Gazelle de Przewalski
Habitat : steppes semi-désertiques de Chine, au climat très rude.
Mêmes caractéristiques que la gazelle du Tibet. Mais cornes plus incurvées au sommet.
Statut : autrefois répandue, elle est désormais confinée dans les environs du lac Quinghai (moins de 250 individus matures) et a été classée dans la catégorie « en danger critique d'extinction » par l'U.I.C.N. en 2003.
Gazelle de Mongolie (Procapra gutturosa)
Habitat : steppes d'altitude semi-désertiques de Mongolie.
Mêmes caractéristiques que la gazelle du Tibet, sauf qu'à la différence de celle-ci les glandes inguinales sont bien développées.
Effectifs : entre 400 000 et 2 700 000. Espèce éteinte au Kazakhstan.
Antilope cervicapre (Antilope cervicapra)
Habitat : subcontinent indien, des steppes et semi-déserts des plaines de basse altitude jusqu'aux forêts claires. Sa répartition a considérablement diminué depuis quelques siècles. Les grands rassemblements ne se produisent plus. Seuls survivent quelques milliers d'animaux entre le Népal, l'Inde et l'est du Pakistan.
Belle espèce (de 25 à 45 kg), dans laquelle l'aspect du mâle et de la femelle sont très différents. Le mâle dominant a de longues cornes torsadées et une robe noire dessus, blanche dessous (ventre et menton), tandis que les femelles n'ont pas de cornes et sont fauve clair, comme les mâles subadultes. Quand le mâle dominant vient à changer, son successeur devient noir très rapidement. Les mâles dominants possèdent des harems de 10 à 20 femelles.
Statut : espèce classée dans la catégorie « quasi en danger » par l'U.I.C.N. depuis 2003.
Gazelle à goitre (Gazella subgutturosa)
Aussi appelée gazelle des sables.
Habitat : des sables de l'Arabie aux steppes froides de l'Asie centrale.
Le mâle a une bosse cartilagineuse au niveau de la gorge. Espèce assez claire avec peu de marques colorées (de 30 à 40 kg). Femelles dépourvues de cornes au-delà de l'Iran. Espèce particulièrement peu exigeante.
Statut et effectifs : classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. depuis 2006. 120 000-140 000 individus. Quasi éteinte au Turkménistan ; population en forte baisse au Kazakhstan.
Gazelle de Soemmerring (Gazella nanger soemmerringi)
Habitat : Somalie, Éthiopie, Djibouti et Soudan, brousses et steppes.
Assez pâle de couleur. Marques faciales très nettes et taches blanches caractéristiques sur les fesses.
Plus légère (de 30 à 55 kg) que la gazelle de Grant, mais avec des comportements similaires.
Statut et effectifs : classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N. Environ 6 000-14 000 individus : moins de 1 000 en Somalie ; entre 1 000 et 1 500 à Djibouti ; moins de 3 000 en Éthiopie ; moins de 1 000 en Érythrée ; peut-être éteinte au Soudan.
Gazelle dama (Gazella nanger dama)
Habitat : autrefois présente de la Mauritanie au Soudan, à travers tout le sud du Sahara, la gazelle dama est aujourd'hui au bord de l'extinction.
La plus grande de toutes les gazelles, elle atteint 40, à 85 kg et plus, de 1 m au garrot. Ses coloris varient, avec des taches fauves, parfois rouges et blanches, formant des dessins très caractéristiques.
Statut et effectifs : « en danger critique d'extinction » depuis 2006. Petites populations très fragmentées.
Gazelle dorcas (Gazella dorcas)
Habitat : plaines semi-désertiques de la Mauritanie à l'Inde.
De taille moyenne (de 15 à 30 kg), peu marquée sur les flancs et vivant en petits groupes, là où elle n'est pas trop chassée.
Statut : classée dans la catégorie « vulnérable » par l'U.I.C.N.
Gazelle aux cornes grêles (Gazella leptoceros)
Habitat : massifs dunaires à l'ouest du Nil et alentour.
Très claire, elle possède de grandes oreilles et des sabots élargis qui facilitent sa marche dans le sable.
Statut et effectifs : classée dans la catégorie « en danger » par l'U.I.C.N. Moins de 2 500 individus matures.
Gazelle à front roux (Gazella rufifrons)
Habitat : sur une étroite bande au sud du Sahara, du Sénégal au Soudan.
Assez proche de la gazelle de Thomson.
Statut : espèce « vulnérable ». Mal connue. Probablement éteinte en Gambie et au Ghana.
Gazelle de Cuvier (Gazella cuvieri)
Edmi, gazelle de l'Atlas
Habitat : elle est présente du Maroc à la Tunisie, mais devient rare partout. Couleur assez grise. Cornes bien développées.
Statut et effectifs : classée dans la catégorie « en danger ». Moins de 2 500 individus matures.
Gazelle de Speke (Gazella spekei)
Habitat : déserts de pierres de Somalie, du nord-est de l'Éthiopie et de Djibouti. Marques faciales et sur le flanc très affirmées. Nez capable de gonfler légèrement, ce qui peut correspondre à une adaptation à la chaleur et à la sécheresse, comme chez la gazelle de Grant.
Statut et effectifs : classée dans la catégorie « en danger » par l'U.I.C.N. en 2007. Espèce en voie d'extinction en Éthiopie.
Gazelle de montagne ou d'Arabie (Gazella gazella)
Habitat : Moyen-Orient, de la Palestine à la péninsule arabique. Encore bien représentée en Israël et en Oman, pratiquement disparue entre les deux.
En fait, les gazelles de la péninsule arabique sont très mal connues et en voie de disparition. Six sous-espèces : G. g. acaciae, G. g. cora, G. g. erlangeri, G. g. farasani, G. g. gazella, G. g. muscatensis.
Statut : espèce « vulnérable ».
Milieu naturel et écologie
La gazelle de Thomson n'est pas tout à fait représentative des autres espèces de gazelles, parce qu'elle habite des zones moins sèches et forme parfois des troupes assez nombreuses. Toutefois, elle a été plus particulièrement étudiée par les scientifiques du fait de sa présence dans la plaine du Serengeti (Tanzanie), où existe un centre actif de recherche sur les écosystèmes tropicaux. On en comptait dans les années 1980-1990 de 500 000 à 800 000 environ, tandis que les effectifs de la gazelle de Grant s'élèveraient à 100 000 environ.
Il est apparu que les gazelles de Thomson effectuaient, comme les gnous et les zèbres, des déplacements saisonniers à travers les savanes tanzaniennes en fonction des disponibilités alimentaires. Cependant, les migrations des gazelles sont nettement moins marquées et systématiques que celles des gnous. À côté d'un groupe nomade existent d'autres sous-populations résidentes, notamment au nord, vers le Kenya et la rivière Mara, et à l'ouest, près du lac Victoria, dans ce qu'on appelle le corridor, là où s'écoulent les rivières qui drainent la plaine du Serengeti vers le lac.
Les populations nomades de gazelles
À la saison des pluies, de décembre à avril, les populations nomades de gazelles occupent l'est de la plaine. Elles y côtoient les autres espèces et profitent de leur passage : broutant plus ras que les gnous et les zèbres, elles s'alimentent sur les parcelles qu'ils ont déjà « préparées ». Lorsque la saison sèche arrive, zèbres et gnous commencent leur migration vers le corridor en passant par le nord, tandis que les gazelles restent sur la plaine, leur petite taille leur permettant de se suffire de jeunes pousses. Puis, de juin à octobre, les gazelles se dirigent en nombre croissant vers l'ouest, vers le corridor au paysage nettement plus arboré. Mais, jusqu'en juillet, elles sont encore nombreuses dans les plaines de l'Est, où certains individus restent même toute l'année, trouvant à se nourrir au milieu des herbes jaunies par le soleil. Ce sont, le plus souvent, des mâles qui semblent répugner à quitter leur territoire. À partir de novembre, les gazelles qui s'étaient déplacées à l'ouest retournent vers les plaines de l'Est, comme si leurs migrations étaient toujours guidées par la recherche de zones qui reçoivent de l'ordre de 50 à 65 mm de pluies par mois.
Les schémas migratoires montrent une association zèbre-gnou très étroite, mais un lien moins marqué entre ces deux espèces et les gazelles. Si, pendant la saison des pluies, les trois espèces sont réellement ensemble sur la plaine, pendant la saison sèche, les gazelles restent seules plus longtemps. Cette partie de leur cycle est indépendante du mouvement des deux autres.
Cohabitation sans compétition
Les trois espèces, zèbre, gnou et gazelle de Thomson représentent 60 % de la biomasse (poids total) des ongulés vivant dans l'écosystème du Serengeti. Mais, si on considère uniquement les plaines de l'Est, elles en constituent alors 94 % ! Une telle cohabitation s'explique par des comportements alimentaires suffisamment différents chez les trois espèces pour éviter toute compétition. En effet, si le zèbre, le gnou et la gazelle sont tous essentiellement herbivores, chacun a sa « niche écologique », c'est-à-dire sa spécialité. L'association d'ongulés ruminants et non ruminants (les zèbres), de grande taille et de petite taille (les gazelles) permet à chacun de trouver sa subsistance. Ainsi, bien que très brouteuse, la gazelle de Thomson consomme plus volontiers des dicotylédones que le zèbre ou le gnou et, en particulier, des petits fruits riches en protéines.
Une étude poussée, faite dans l'ouest du corridor, sur des populations d'animaux résidents montrent comment les choses se passent dans le détail. Pendant la saison des pluies, les brouteurs sont ensemble sur les collines où pousse en abondance une herbe verte et courte, dont le broutage entretient la repousse. Mais, quand arrive la saison sèche, cette repousse se ralentit puis s'arrête. Les plus gros herbivores se dirigent alors vers les fonds de vallée, où ils trouvent à manger des herbes hautes mais d'une médiocre qualité nutritive. Les buffles et les zèbres sont les premiers à y aller, préparant ainsi le terrain pour les gnous et les topis ou damalisques, qui leur succèdent. Puis viennent les gazelles de Thomson, quand les pâturages sont suffisamment dégagés pour que leur soient accessibles les jeunes pousses au ras du sol : graminées et petites dicotylédones. Ces mouvements reproduisent, sur une surface restreinte, les grands déplacements migratoires observés entre la plaine à l'est et les savanes arborées au nord et à l'ouest. Sauf que, dans le corridor, cinq espèces sont concernées alors que les buffles et les topis vont très peu dans la plaine.
Proie de choix du guépard
Le nombre de prédateurs potentiels des gazelles est impressionnant, même si certains ne les pourchassent qu'occasionnellement. Les lions du Serengeti, par exemple, consomment rarement des gazelles, les trouvant sans doute trop petites pour nourrir leur famille. Les panthères chassant à l'affût dans les zones boisées capturent surtout des espèces forestières, mais la gazelle de Thomson figure à leur menu.
Mais le prédateur le plus menaçant pour la gazelle est sans doute le guépard. Sa répartition géographique rappelle d'ailleurs celle du genre Gazella. Certaines de ses populations sahariennes n'ont pu se maintenir que grâce aux gazelles, et l'effondrement actuel des unes est probablement lié à celui des autres.
Le lycaon et l'hyène tachetée, souvent en meute, chassent les gazelles ; ils poursuivent aussi les gnous ou les zèbres.
Chacals, grands rapaces et certains babouins (rare comportement prédateur chez un primate) s'attaquent aussi aux gazelles et, en particulier, aux très jeunes faons. Si les femelles défendent parfois leurs petits avec leurs cornes face à un babouin ou à un chacal, les gazelles n'ont d'autre ressource que la fuite quand il s'agit d'un plus gros prédateur. Le guépard doit parfois pousser des pointes à 100, voire 110 km/h, pour arriver à les rattraper...
La gazelle et l'homme
Une chasse toujours prisée
Associée au vent dans la tradition indienne, à l'air dans le tantrisme, à la beauté des houris du Paradis musulman..., la gazelle fut aussi pour l'homme synonyme de gibier, au point que certaines espèces ont été pratiquement exterminées.
Les premiers hommes chassaient déjà les gazelles
Les gazelles ont eu autrefois une importance considérable dans l'alimentation humaine, comme en témoignent des fossiles remontant à 11 000 ans mis au jour sur les rives de l'Euphrate et dans diverses régions du Proche-Orient. Il s'agissait là de la gazelle à goitre, Gazella subgutturosa, espèce aujourd'hui au bord de l'extinction dans cette partie du monde. Les animaux devaient migrer entre le nord de l'actuelle Syrie, où ils se rendaient pour les naissances, et le sud de la Jordanie, où ils redescendaient à la fin de l'été. Pour les capturer, les hommes bâtissaient de gigantesques pièges-enclos faits de murs de pierre, comme ceux dont on a retrouvé les restes en Syrie, dans la partie nord de l'aire migratoire de l'espèce. Les chasseurs devaient être nombreux et les troupeaux de grande taille. L'analyse des vestiges osseux et des dents a permis d'établir que la chasse était saisonnière et qu'elle avait lieu à l'époque des naissances.
Tous les os trouvés sur le site et datant de plus de 6 500 ans sont à 80 % des os de gazelles. Puis, brusquement, les gazelles ne constituent plus que 10 % des restes mais apparaissent quantités d'os de chèvres et de moutons. Ce changement laisse penser que, après avoir décimé les troupeaux sauvages, les hommes de l'époque se sont tournés vers l'élevage.
Depuis, la chasse a continué ses ravages. Aujourd'hui, les différents groupes de gazelles du Sahara et de l'Arabie sont presque tous au bord de l'extinction. Plus que les populations locales, qui chassent pour leur subsistance, les responsables en sont le personnel des sociétés pétrolières et les militaires qui, à partir des années 1950, ont créé une présence permanente sur des sites jusque-là isolés. Certains ont exterminé tout ce qui pouvait l'être lors de chasses ravageuses menées en voiture et avec des armes perfectionnées. Le bilan est désastreux. Gazelles, oryx, addax, autruches ont disparu de ces espaces désertiques qu'eux seuls étaient capables d'exploiter. En Égypte, il ne subsiste plus de populations relativement importantes de gazelles que dans le Sinaï. Au Niger, il ne resterait que 150 à 200 gazelles dama dans l'Aïr et le Ténéré. Cette espèce, autrefois largement répandue dans toute l'Afrique noire, depuis la Mauritanie jusqu'au Soudan, ne survit, de nos jours, qu'au Tchad et au Mali. En Arabie, le phénomène est comparable.
Malgré les menaces très réelles qui pèsent sur la faune africaine, les chasses ne sont pas complètement supprimées et il est encore possible d'acheter à prix d'or le privilège d'exterminer, au fusil, les dernières gazelles du Sahel ou du nord du Sahara. Seules la gazelle de Cuvier et la gazelle aux cornes grêles sont inscrites à l'annexe I de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction).
Les programmes de protection suffiront-ils ?
À côté des réserves naturelles instituées pour la sauvegarde de l'environnement et la protection des gazelles, des stations d'élevage ont également été mises en place en Afrique, autour du Sahara (parc national du Tassili en Algérie, celui de Bou-Hedma en Tunisie, réserves de Gadabedgi et de l'Aïr-Ténéré au Niger), du Proche-Orient et dans la péninsule arabique (site de Yalooni dans le Jiddat-al-Harasis en Oman ou la réserve Shaumari en Jordanie) pour tenter de multiplier les espèces et de les réintroduire dans leur pays d'origine. De même, dans le Parque de Rescate de Fauna Sahariana de la Station expérimentale des zones arides d'Almería (Espagne) sont étudiées et reproduites en captivité certaines espèces menacées, comme la gazelle de Cuvier, la gazelle dama et la gazelle dorcas.
Un programme analogue existe aux États-Unis, avec la gazelle des sables et celle du Moyen-Orient.