caribou

Rennes
Rennes

Le caribou, renne d'Amérique du Nord, est l'une des rares espèces animales adaptées aux rudes conditions climatiques circumpolaires. Mais, à « l'âge du renne », il y a 12 000 à 19 000 ans, les hommes du magdalénien ont survécu en chassant ses immenses troupeaux qui peuplaient alors toute l'Europe.

Introduction

Caribou ou renne, l'animal trouve ses origines en Amérique du Sud. La lignée, fort ancienne, vient d'Asie. Il y a environ 5 millions d'années, au début du pliocène, ces anciens cervidés auraient traversé l'Amérique du Nord ; ils seraient arrivés en Amérique du Sud vers le milieu du pliocène. Le caribou descend peut-être d'Agalmoceros, dont on a retrouvé des fossiles en Équateur et en Bolivie, ou de Morenelaphus brachyceros, connu en Patagonie à l'état fossile et dont les bois ressemblent aux siens.

Au cours des millénaires, Morenelaphus aurait fait le chemin inverse de ses ancêtres, remontant la cordillère des Andes vers les montagnes Rocheuses, évoluant au cours de cette colonisation progressive. Ses descendants s'appellent Rangifer et sont connus depuis environ 2 millions d'années. À l'origine, leurs ancêtres vivaient sans doute en forêt, mais ces animaux se sont peu à peu adaptés aux immensités dénudées. Lors de la dernière période glaciaire du pléistocène (Wisconsin) en Amérique du Nord, apparaît Rangifer fricki, qui est peut-être le précurseur direct du caribou actuel. Pendant les glaciations, le détroit de Béring est en partie asséché, permettant le passage entre l'Asie et l'Amérique. C'est dans cette zone que, dans l'Ancien Monde, Rangifer tarandus apparaît d'abord.

De là, les troupeaux progressent vers l'est et vers l'ouest, peuplant l'ensemble des zones arctiques et partageant les étendues glacées de leurs territoires avec les mammouths et les rhinocéros laineux. Lors de nouvelles glaciations au cours du quaternaire, les caribous redescendent vers le sud des continents. Vers 17 000 avant J.-C. environ, au début du magdalénien, d'immenses troupeaux de rennes peuplent la France et l'Espagne. On trouve des témoignages de cet « âge du renne » notamment dans les peintures rupestres des grottes d'Altamira (16 000 avant J.-C.) et de Lascaux (15 000 avant J.-C.) .

Rangifer tarandus a connu deux destinées très différentes. En Eurasie, après une chasse millénaire, les hommes réussissent à le domestiquer presque totalement et l'appellent renne. En Amérique du Nord, son nom actuel, caribou, est dérivé du mot de la langue algonquine xalibu, qui signifie « pelleteur ». Les Amérindiens l'ont sans doute nommé ainsi parce que le caribou creuse la neige avec ses sabots pour découvrir sa nourriture. Contrairement au renne d'Eurasie, le caribou n'a jamais été domestiqué.

La vie du caribou

Des lichens et des mousses hiver comme été

Toute l'année, les caribous vivent et se déplacent en groupes, mais la composition et la taille de ces derniers sont variables. L'hiver, quand la nourriture est difficile à trouver, ils sont très réduits. Dans le Grand Nord canadien, le groupe d'hiver est formé de 4 à 30 animaux apparentés, dirigé par le mâle ou la femelle dont les bois sont les plus imposants, c'est-à-dire par l'animal le plus élevé dans la hiérarchie. Il existe également trois autres types de groupe d'hiver : ceux réunissant les mâles sexuellement matures ; ceux composés exclusivement de femelles accompagnées de leurs jeunes ; ceux regroupant les jeunes animaux de 1 à 2 ans ou presque adultes, âgés de 2 à 3 ans. La ségrégation des sexes est nette. En été, les caribous des divers petits groupes se rejoignent pour former de véritables troupeaux, parfois immenses, au moment de la grande migration vers les régions où abondent herbe et plantes.

Les caribous sont des herbivores pour qui le court été polaire est une période d'abondance. Les bourgeons éclosent, les arbres se couvrent de feuillage ; champignons, mousses, graminées et plantes herbacées envahissent la toundra. Les caribous apprécient vivement les feuilles de bouleau. Ils sélectionnent les autres végétaux, choisissant les parties les plus vertes, les plus tendres, donc les plus nutritives. Jeune feuillage, plantules, bourgeons et boutons floraux font leurs délices, mais leur régime végétal est très diversifié.  À l'automne, les caribous se nourrissent surtout de lichens et de quelques plantes vivaces comme les saules.

Des lichens sous la neige

Durant la longue nuit polaire, la survie des caribous dépend de la présence des lichens de l'Arctique, ces « végétaux » réalisés par l'association symbiotique d'un champignon et d'un partenaire chlorophyllien, algue verte microscopique ou cyanobactérie.

Tant que la couche de neige est fine, les caribous trouvent les lichens ensevelis en fouillant avec leur museau. Peu à peu, la couche de neige s'épaissit et enfouit profondément cette maigre subsistance. Les caribous débarrassent alors les arbres de la moindre parcelle de lichen arboricole, ou, guidés par leur flair subtil, creusent la neige de leurs membres antérieurs, forant de véritables cratères dans la toundra à la recherche de rares lichens terrestres. Dans le haut Arctique, ces cratères peuvent atteindre 80 cm de profondeur, dans une neige dont la densité dépasse 1 kg/cm2.

Quand la longue nuit s'achève enfin et que la végétation se réveille, les caribous se regroupent et se mettent en route vers des pâturages plus consistants.

Tous les caribous portent des bois

Contrairement aux autres cervidés, les caribous des deux sexes portent des bois. Toutefois, dans quelques groupes canadiens, des femelles en sont dépourvues. C'est en automne, lors des amours, que la ramure est le plus développée. Son envergure peut dépasser 1,50 m chez un mâle adulte. Chaque animal possède une ramure originale qui le distingue de ses congénères. Les bois tombent une fois l'an. Les mâles reproducteurs sont les premiers à les perdre, à la fin du rut. Ils ne repousseront que début mars. Parfois, un mâle adulte perd ses bois pendant la saison du rut. Dans ce cas, il ne s'accouplera pas, mais refera sa réserve de graisse. Les femelles gestantes gardent généralement les leurs jusqu'au début du printemps, au moment où naissent les jeunes. Ainsi, chez les femelles, les bois tombent après la mise-bas, et leur repousse est immédiate.

Pendant la repousse, les bois sont recouverts d'une sorte de peau très vascularisée appelée velours. Puis ce tissu se dessèche et tombe par lambeaux. Le caribou s'en débarrasse en se frottant contre les arbres. En quelques semaines, une nouvelle ramure est en place. Les bois des femelles sont plus simples, ou bien ressemblent à ceux des mâles, mais en plus petits.

À trois jours, les faons suivent le troupeau

Dès la fin du long hiver polaire, les caribous se rassemblent pour rejoindre les pâturages d'été. Lorsqu'ils atteignent les prairies verdoyantes, les femelles gestantes se regroupent en petites bandes et s'éloignent du troupeau. Elles se réfugient sur des hauteurs, au-dessus de la limite des arbres, battues par des vents glacials. À cette altitude, la température dépasse rarement - 15 °C, mais ces régions inhospitalières, constituées de terrains rocailleux, sont en dehors des pistes fréquentées par les loups, qui ne s'aventurent pas dans ces zones découvertes.

Dès la seconde quinzaine de mai ont lieu les premières naissances. Les jeunes naissent tous en même temps, ce qui évite aux animaux de s'arrêter trop longtemps dans leur migration. Le nouveau-né pèse entre 5 et 9 kg. Son pelage, mouillé par les sécrétions placentaires, est de couleur beige-brun. La mère s'empresse de sécher son nouveau-né en le léchant, pour éviter que son poil ne gèle. Sans cette précaution, le faon ne survivrait pas plus de quelques minutes dans ce froid intense.

Trois minutes après sa naissance, le jeune marche et tète. Pour l'inciter à la suivre, sa mère tend le cou et remue sa tête de bas en haut en vocalisant. C'est le premier apprentissage social du faon. La mère et son petit restent isolés trois jours, puis rejoignent le troupeau. Déjà, le faon est très agile. Même si le sevrage a lieu vers 4 ou 5 mois, le lien entre la mère et son jeune dure parfois plus de six mois. Il est primordial pour la survie du faon. La femelle caribou aide son petit à traverser les terrains difficiles, le défend contre les prédateurs et lui apprend les règles sociales du groupe.

Accouplements avant l'hiver

La maturité sexuelle est atteinte à 3 ans chez les mâles, mais dès 18 mois chez les femelles de certaines populations du Grand Nord. Les naissances gémellaires sont rares. La mère ne pourrait pas nourrir deux petits sous un climat aussi rude.

Quatre ou cinq mois après les naissances, les bois des femelles comme ceux des mâles ont repoussé. C'est la période du rut, qui dure une dizaine de jours, entre octobre et novembre.

Pendant le rut, les mâles se regroupent et s'affrontent. Ceux qui possèdent la plus belle ramure dominent et repoussent les plus jeunes. Les affrontements sont acharnés et nombreux, car les mâles sont agressifs à cette période. Ils lancent de grands coups de tête dans les arbres, se bousculent ou en viennent au corps à corps. Les combats sont accompagnés d'un halètement incessant. Ils se terminent généralement sans incident, mais, parfois, les bois d'un des combattants entraînent de graves blessures chez un adversaire à la ramure moins impressionnante. Les accouplements semblent avoir lieu « au hasard » chez les caribous de la toundra ; le caribou des bois se constitue un harem d'une dizaine de femelles, qu'il surveille jalousement.

Au printemps, des migrations spectaculaires

Des troupeaux de 10 000 à 100 000 caribous se constituent dès la fin de l'hiver. Les mouvements saisonniers des caribous varient en fonction de l'épaisseur de la neige, de la température extérieure, de la présence de prédateurs ou d'insectes piqueurs. La migration annuelle des caribous de Grant, les plus mobiles, débute dès que les jours allongent.

Les petits groupes hivernaux se rassemblent et forment d'immenses bandes mixtes de plusieurs dizaines de milliers d'individus. Accompagnées de leurs petits de l'année précédente, les femelles ouvrent la marche, suivies des mâles dont les bois n'ont pas encore repoussé. Pendant des semaines, le troupeau franchit des lacs et des rivières en crue et traverse des champs de glace et des marécages. Au début, tous restent ensemble, recherchant la végétation printanière. Mais, à l'approche des naissances, les femelles gestantes prennent la tête du troupeau et se dirigent vers les zones de vêlage. Les jeunes de l'année précédente les accompagnent, mais, si le parcours est difficile et la neige épaisse, ils demeurent à l'arrière avec les mâles adultes, continuant paisiblement leur route vers le nord quand les femelles s'arrêtent pour mettre bas. Après les naissances, les mères et les nouveau-nés se regroupent en nurseries qui rejoignent le troupeau sur les pâturages d'été.

Pendant l'été, les caribous continuent à se déplacer, recherchant une nourriture de qualité. Entre juillet et septembre, ils parcourent plus de 500 km. En automne, lors du rut, les mâles se rapprochent des femelles. La fin de cette période est le signal de la migration de retour vers les terrains d'hivernage, les femelles indépendamment des mâles qui, eux, pénètrent plus avant dans la forêt boréale. Les caribous auront ainsi parcouru de 1 000 à 1 600 km. Mais tous n'effectuent pas ces longues migrations. Les caribous des bois et les caribous de Peary se contentent de suivre l'avancée et le recul de la végétation en lisière de forêt, certains ne parcourant pas plus de 10 km.

Le caribou marque son passage

Le caribou marque son passage



Quand les caribous se déplacent, ils font entendre un cliquetis audible à plus de 100 m du troupeau, sans doute dû au claquement des tendons sur les os sésamoïdes, situés au niveau des phalanges. Les caribous se nourrissent en marchant tête baissée et peuvent parcourir ainsi jusqu'à 7 km à l'heure, franchissant avec aisance des névés et escaladant des glaciers pentus, en creusant des marches dans la glace avec leurs sabots antérieurs. En marchant, les caribous marquent le sol de leur odeur (glande interdigitale) ; en se frottant la tête contre les troncs d'arbre, ils déposent la sécrétion de leur glande préorbitale. C'est aussi cette glande que la femelle frotte contre le corps de son jeune faon pour que celui-ci porte son odeur. Elle peut ainsi le retrouver facilement dans le troupeau. La glande tarsienne produit une sécrétion odorante qui attire les femelles. Les mâles urinent sur leurs pattes postérieures pour en augmenter l'odeur.

Pour tout savoir sur le caribou

Caribou (Rangifer tarandus)

De tous les cervidés, le caribou présente la double originalité de posséder des bois chez les deux sexes et d'être le mieux adapté au froid. Son pelage est constitué d'un épais duvet, ou sous-poil, et de poils de couverture. Ces derniers comprennent une moelle centrale environnée de vacuoles emplies d'air. Cette toison isolante et légère augmente la flottabilité du caribou lorsqu'il doit nager, grâce aux vacuoles d'air dans le poil. L'animal est entièrement poilu même sous la queue, sur et sous le museau et à l'intérieur des oreilles.

Le caribou mue une fois l'an. Les mâles adultes sont les premiers à changer de pelage. Dès la fin du printemps et au début de l'été, ils perdent leurs poils par poignées, ce qui leur donne l'air « mité ». Puis la nouvelle robe apparaît, gris acier plus ou moins foncé, selon les populations. Les caribous très nordiques sont plus clairs et ceux des forêts situées plus au sud varient du brun au gris foncé. Les poils poussent tout l'été jusqu'en automne. Les extrémités blanchissent, donnant un piqueté particulier au pelage d'hiver. Les jeunes muent dès le début de l'été, puis c'est le tour des femelles. Tous arborent leur nouvelle robe pour la saison des amours en fin d'été.

Les sabots du caribou, très larges, changent de conformation avec les saisons, facilitant la marche tour à tour sur la neige fondue ou sur les lacs gelés.

Les études menées sur la nutrition du caribou permettent d'expliquer les mécanismes de son adaptation au froid intense (−40 °C) et comment ce ruminant survit grâce aux lichens. Ces végétaux sont riches en sucres qui fermentent dans le rumen, poche spéciale de l'estomac des ruminants, grâce à des enzymes spécifiques. En produisant de la chaleur, la fermentation aide l'animal à conserver une température corporelle voisine de 37 °C. Par ailleurs, le caribou, au contraire de nombreux mammifères, n'élimine pas par les reins – sauf s'il y en a trop – certains déchets métaboliques comme l'urée, mais son organisme les recycle dans le sang, ce qui compense l'apport insuffisant d'azote protéique de son alimentation.

Le recyclage des matières azotées s'accompagne d'une accumulation d'eau dans les tissus. Pendant l'hiver, cette eau remplace les tissus graisseux et sert d'isolant thermique. Ce métabolisme original permet au caribou de vivre à de hautes latitudes sans avoir recours à l'hibernation.

Les sous-espèces

Sous-espèces nord-américaines :

Caribou de Grant, Rangifer tarandus granti, peuple la toundra, du Yukon à l'Alaska.

Caribou de la toundra, Rangifer tarandus groenlandicus ; toundra du sud de la baie d'Hudson.

Caribou de Peary, Rangifer tarandus peary, le plus nordique, vit presque 6 mois de l'année dans l'obscurité ; archipel de l'Arctique canadien. Petit (à peine 100 kg) ; pelage : très clair, presque blanc, bois verticaux ; en voie de disparition.

Caribou des bois, Rangifer tarandus caribou, le plus gros (jusqu'à 300 kg) et le plus foncé ; forêt boréale (65e parallèle), monts Mackenzie, Nord-Ouest, Yukon.

Par ailleurs, deux sous-espèces nord-américaines sont éteintes : le caribou de Dawson ou caribou des îles de la Reine-Charlotte, Rangifer tarandus dawsoni, qui habitait l'île Graham (Colombie-britannique), et le caribou de l'est du Groenland, Rangifer tarandus eogroenlandicus.

Sous-espèces eurasiennes :

Renne d'Europe, Rangifer tarandus tarandus, toundra, taïga, forêts, montagnes. Russie, Scandinavie ; Islande (petite population) ; existe à l'état sauvage et domestique ou semi-domestique ; introduit aux États-Unis et au Canada.

Renne du Svalbard, Rangifer tarandus platyrhyncus, dans l'île du Spitzberg (archipel de Svalbarg), au nord de la Norvège.

Renne des forêts, Rangifer tarandus fennicus, R. tarandus fennicus, dans le sud de la Finlande et en Carélie (nord-ouest de la Russie).

          

CARIBOU ou RENNE

Nom (genre, espèce) :

Rangifer tarandus

Famille :

Cervidés

Ordre :

Artiodactyles

Classe :

Mammifères

Identification :

Taille moyenne ; pelage brun clair à brun foncé ; queue, cou et fanon blancs ; mâles et femelles portent des bois

Poids :

Jusqu'à 300 kg pour le caribou des bois ; formes naines de 60 à 80 kg dans l'Arctique ; les animaux perdent 25 % de leur poids pendant l'hiver

Répartition :

Uniquement hémisphère Nord ; circumpolaire, du 84° N. au 46° N. ; États-Unis, Canada, Groenland, Finlande, NorvègeRussie,

Habitat :

Toundra, taïga, zones montagneuses, forêts boréales

Régime alimentaire :

Végétarien surtout (lichens)

Structure sociale :

Grégaire ; groupes de 4 à 30 animaux l'hiver, troupeaux de plusieurs milliers pendant la migration annuelle (printemps-été)

Maturité sexuelle :

Mâles : vers 3 à 4 ans ; femelles : vers 18 à 30 mois

Saison de reproduction :

Octobre-novembre ; naissances : fin mai-début juin

Durée de gestation :

De 225 à 235 jours (environ 7 mois 1/2)

Nombre de petits par portée :

1, exceptionnellement 2 ; appelé faon

Poids à la naissance :

Entre 5 et 9 kg ; 48 kg à 6 mois

Longévité :

De 18 à 20 ans

Effectifs :

Non connus avec précision ; entre 4 et 5 millions d'individus à l'état sauvage (environ 2,4 millions au Canada et 1 million en Alaska, 1 million en Eurasie) ; environ 3 millions de rennes domestiqués

Statut, protection :

Une des quatre sous-espèces du Canada, le caribou de Peary (Rangifer tarandus pearyi), est menacée de disparition et protégée

 

Signes particuliers

Ramure

Elle est intermédiaire entre la fine ramure aux andouillers cylindriques des cerfs et les bois très aplatis des élans. Chez le caribou, la tige centrale ou merrain, qui porte les andouillers, s'étale vers l'arrière et l'extérieur pour se terminer en empaumures aplaties. Un andouiller non ramifié, en forme de pelle, pousse vers l'avant. Un second s'élève à la verticale du premier. Chez le caribou des bois, la ramure des mâles adultes peut atteindre 160 cm de long pour une envergure de 150 cm. Les bois des femelles, plus petits, dépassent rarement 50 cm de long.

Museau

Lorsqu'il fouine dans la neige pour trouver sa nourriture, le caribou ne risque pas de se geler le nez : un fin duvet recouvre ses naseaux et son museau. Ces poils, qui atteignent en hiver plus de 10 mm de long, protègent les narines. Cette adaptation à la vie en climat polaire est propre aux caribous.

Sabots

Les sabots, en raquette, sont arrondis et couvrent une surface large ; ce qui permet au caribou, malgré son poids, de marcher dans la neige ou en terrain mou. Le poids du caribou est ainsi mieux réparti. En été, la bordure cornée se rétracte, dégageant des coussinets charnus qui facilitent la marche dans les marécages. En hiver, les coussinets se rétractent à leur tour et des poils recouvrent et protègent toute la surface plantaire. Le bord corné, tranchant et plus long des sabots permet les déplacements sur terrain glissant.

Milieu naturel et écologie

Les caribous nord-américains vivent essentiellement dans la toundra et dans la taïga ; plus au sud, ils fréquentent aussi les régions montagneuses. Tout à fait au nord, dans le haut Arctique ou désert polaire, vit le caribou de Peary, qui se contente d'une végétation maigre et éparse. En bordure de ce désert, s'étend la toundra. Immense plaine désolée couverte de neige tassée par les vents durant le long hiver, où poussent de rares bouleaux nains et des saules buissonnants, c'est le domaine des caribous de la toundra et de ceux de Grant, qui se nourrissent surtout de lichens. Le sol caillouteux y est gelé en profondeur toute l'année. Les mousses et les carex dominent en plaine alors qu'en zone montagneuse on rencontre plutôt des saules et des aulnes. Au printemps et en été, à la fonte des neiges, les plantes vivaces réapparaissent et les caribous profitent et de leurs tiges et feuilles et des baies. Puis, en descendant vers le sud, la toundra laisse place à la taïga, limite des grands arbres et domaine des caribous des bois. Cette forêt au sol pauvre est parsemée de marais et de tourbières. Comme dans la toundra, ce sont les champignons qui permettent la lente décomposition des feuilles et aiguilles qui tombent sur le sol gelé.

On peut distinguer quatre types écologiques de caribous : les caribous des bois vivant dans les zones boisées de plaine, ceux des zones boisées de montagne, ceux de la toundra et ceux du désert polaire. De l'Alaska (domaine du caribou de Grant) à Terre-Neuve (où vit le caribou des bois), les écarts climatiques, géologiques et topographiques, entraînent des différences dans la couverture végétale, mais un point commun subsiste : la présence de lichens, arboricoles ou terrestres.

À l'est vivent les caribous des bois de plaine. C'est la taïga, occupée par la forêt boréale canadienne composée d'épicéas noirs et blancs, de sapins, de bouleaux à papier (Betula papyrifera) et de lichens arboricoles et terrestres. Vers l'ouest, l'habitat typique du caribou des bois est plutôt montagneux. En été et en automne, les animaux vivent au-dessus de la limite des arbres, c'est-à-dire à plus de 2 000 m d'altitude. Ils redescendent dans les plaines et les forêts semi-ouvertes lorsque la couche de neige devient trop importante en altitude.

En Scandinavie et en Russie, les rennes vivent dans les mêmes habitats que les caribous, depuis les déserts arctiques jusqu'aux zones montagneuses de la taïga. Ils se sont adaptés à plusieurs écosystèmes et sont présents depuis Ellesmere, au nord (84° N.), jusqu'à Sakhaline, au sud (46° N.).

Dans la neige neuf mois par an

Les caribous subissent un climat caractérisé par des hivers longs et froids, pendant lesquels la température peut descendre à - 40 °C, et par des étés frais. De faibles précipitations tombent sous forme de neige, qui peut recouvrir le sol durant sept à neuf mois. Dans certaines régions, la couche atteint souvent 50 cm d'épaisseur, mais elle peut être beaucoup plus épaisse encore dans la toundra et le désert arctique.

La mortalité des caribous est élevée à l'époque des avalanches printanières en montagne, ou lorsque la neige glacée les empêche de creuser pour trouver leur nourriture. Toutefois, l'allongement des jours en été et l'intense radiation solaire, caractéristique en altitude et sous ces latitudes, compensent la rigueur du climat et la courte durée de la vie végétative. La qualité de la luminosité favorise la croissance accélérée des plantes à la belle saison. Beaucoup de végétaux restent verts toute l'année. À cela, s'ajoute la présence des lichens sauveurs. C'est suffisant pour que les caribous survivent dans cet environnement hostile.

Prédateurs et compétiteurs

Le loup est le prédateur naturel du caribou. Cependant, les populations de loups ayant été réduites dans de nombreuses régions, le lynx canadien et le grizzli sont devenus les principaux prédateurs des caribous. Le coyote, le glouton, le renard roux, l'ours noir ou baribal, le lynx roux et même l'aigle doré se nourrissent à l'occasion de caribous, en particulier de nouveau-nés et d'animaux affaiblis par l'âge ou la maladie. Certains charognards profitent des cadavres de caribous. Tel est le cas des ours polaires, des renards arctiques, de certains oiseaux comme les mouettes et les labbes, mais aussi des coyotes, carnivores très opportunistes.

D'autres espèces animales partagent la maigre végétation de ces régions avec les caribous. Ce sont les bœufs musqués, les lemmings, les lièvres variables et les lièvres arctiques. Certains, comme les lemmings, rongent avec avidité les bois des caribous lorsqu'ils tombent. Cette source non négligeable de calcium pour divers animaux l'est aussi pour les caribous eux-mêmes qui les consomment.

Une mouche féroce

L'un des ennemis les plus acharnés du caribou, et qui influe énormément sur son mode de vie, est une mouche, l'œstre (famille des œstridés), qui attaque les animaux et se loge dans leurs narines. Cet insecte ressemble à un gros bourdon. Le bruit qu'il fait en volant affole les caribous qui se mettent à courir en tous sens et se réfugient dans la forêt. À l'exception des caribous de Peary, qui vivent le plus au nord, la plupart des animaux sont parasités par cette mouche, qui peut leur être fatale. C'est en été que les œstres sont les plus nombreux et perturbent les troupeaux, surtout dans la journée, laissant quelque répit aux ongulés pendant les heures les plus fraîches de la soirée. En cette saison, les caribous se séparent, vivant en petits groupes dans l'espoir de détourner l'attention des insectes. Ils essaient de décourager leurs attaques en restant immobiles, le museau près du sol. Mais cette attitude « anti-mouches » n'empêche pas les insectes de pondre.

Certaines espèces d'œstres pondent sous la peau des mammifères. Les œufs se développent en larves, puis perforent la peau des caribous avant de tomber sur le sol où elles se métamorphosent en mouches adultes. Les larves mesurent jusqu'à 25 cm de long. D'autres espèces envahissent les cavités nasales des caribous pour y déposer leurs œufs. Le développement des larves d'œstre provoque sans aucun doute de grandes souffrances chez les caribous, qu'il rend comme fous. Il est difficile d'estimer le nombre d'animaux qui périssent des suites d'une infestation par les œstres.

Le caribou et l'homme

Compagnon de l'homme dans le grand nord

Des peintures préhistoriques au traîneau du Père Noël, le renne et le caribou ont une place de choix dans l'imaginaire des peuples chasseurs du Grand Nord comme dans celui des enfants occidentaux. L'exploitation des richesses du sous-sol arctique et les erreurs de l'homme empêcheront-elles ces animaux de survivre ?

L'élevage du renne

L'instinct grégaire du renne a sans doute facilité sa domestication et la formation de grands troupeaux vivant en semi-liberté sur d'immenses territoires. Le renne est assez puissant pour servir d'animal de trait. Les Saami (Lapons) se nourrissent de sa viande et utilisent sa fourrure pour confectionner de chauds vêtements. Son lait, très riche, est particulièrement recherché par les peuplades du Nord, dans des régions où le climat interdit l'élevage des bovins.

Il existe plusieurs degrés dans la domestication, depuis les animaux gardés à l'étable pour la monte ou l'attelage, jusqu'aux vastes troupeaux qui voient l'homme une fois l'an, lors des regroupements pour l'abattage ou le marquage des jeunes.

Utilisé comme moyen de transport dans le nord de la Sibérie et de la Russie européenne, le renne est également élevé pour sa viande et sa fourrure en Russie, en Finlande, en Norvège et en Suède. Ces élevages jouent un rôle économique non négligeable pour les pays qui possèdent de grands troupeaux de rennes domestiques.

Les caribous victimes des erreurs de l'homme

Si certaines populations de caribous ont encore des effectifs importants, d'autres populations et sous-espèces sont menacées. Les délicats paramètres écologiques qui ont façonné ces troupeaux naturels depuis le début de l'ère quaternaire sont maintenant perturbés par des faits technologiques comme la construction d'oléoducs ou de gazoducs et, de façon générale, l'exploitation industrielle des régions arctiques, ainsi que la chasse.

Depuis le début du xxe siècle, la chasse avec des fusils de plus en plus performants a considérablement réduit les effectifs des grands troupeaux d'autrefois, et contribué de façon importante au déclin de plusieurs populations des régions arctiques canadiennes, telle celle de caribous de la toundra de la rivière Porcupine, qui est passée de 178 000 individus recensés à 1989 à 123 000 en 2001. Pour éviter de nouvelles hécatombes, certains troupeaux sont protégés. La chasse y est interdite ou limitée aux besoins locaux. Ainsi les Inuits ont-ils réduit les prises effectuées sur le caribou de Peary, sous-espèce en voie de disparition.

Les populations de caribous sont également affectées par les activités humaines industrielles. Un exemple marquant est un événement survenu à la fin des années 1970 dans l'Est canadien : des milliers de caribous en migration sont morts noyés par les eaux d'un barrage hydroélectrique relâchées brutalement dans le fleuve que le troupeau traversait. Il aurait suffi de différer cette manœuvre pour éviter un accident déplorable. Cela prouve aussi qu'une gestion correcte de la faune est impossible sans concertation.

Les incidences humaines sur ces ongulés –  de même que sur toute la faune et la flore sauvages – peut également être indirecte. Ainsi, après l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986, les retombées radioactives de l'explosion ont été absorbées par les lichens de Scandinavie, qui ont agi comme des concentrateurs de pollution radioactive. Les rennes, en s'en nourrissant, ont accumulé les radionucléides dans leurs tissus. Impropres à la consommation, des milliers d'entre eux ont dû être abattus par les autorités. Mais les effets de ce type de pollutions se ressentent aussi à long terme sur les populations touchées ; des études menées dans les années 1990 ont ainsi montré des anomalies chromosomiques chez les jeunes rennes vivant dans des zones ayant été exposées aux retombées radioactives.

Les caribous souffrent également du réchauffement climatique qui, notamment, modifie le couvert végétal et entraîne une augmentation des précipitations de neige – affectant donc les ressources alimentaires des caribous mais aussi l'accessibilité à ces dernières –, et a des incidences sur les populations d'insectes des régions où ils vivent (densités, époque d'apparition, etc.).

Des oléoducs sur les chemins migratoires

Le sous-sol de l'Arctique est riche en pétrole, désormais exploitable – et exploité – grâce au développement de nouveaux moyens technologiques. Entre les sites de forage au nord et les ports pétroliers au sud, on construit des oléoducs, longs de centaines de kilomètres. Pour que de telles structures gênent le moins possible les migrations de la grande faune terrestre, les canalisations ont été alternativement enterrées et surélevées d'environ 3 m au-dessus du sol afin de ménager plusieurs passages. Des études sur l'impact de ces structures sur les caribous ont été effectuées. L'une d'elles, menée sur l'impact d'un oléoduc de 1 400 km de long terminé en 1970, a montré que les élans, qui se déplacent aussi de façon saisonnière, acceptent  les obstacles : seuls 14 individus sur 1 082 (soit 1,38 %) ont refusé de les franchir. Mais la migration du troupeau de caribous de Grant, habitant la toundra de l'Alaska, a été très perturbée. Les mâles sont passés, mais pas les jeunes ni les femelles, et les animaux se sont trouvés séparés.

En revanche, le troupeau de Nelchina, habitant aussi l'Alaska, mais en forêt, n'a pas modifié ses habitudes. Quatre individus seulement sur 7 900 animaux ont refusé de traverser. Les autres sont passés sous l'oléoduc, surélevé de 2,40 m, ou par-dessus, là où il était enterré.

Lorsqu'il n'y a pas de route le long de l'oléoduc et que les activités humaines ne sont pas trop intenses, les chances de passage des animaux restent élevées. Mais, quand les pistes et les routes d'accès sont très fréquentées, les caribous restent à distance et n'effectuent pas leur migration. Les populations sont alors sérieusement en danger.

Des rennes introduits en Amérique

Entre 1891 et 1902, pour enrayer la disparition du caribou et transformer les Amérindiens en fermiers, 280 rennes européens domestiqués ont été introduits en Alaska. En 1930, ils étaient 600 000. Puis l'effectif a chuté à 252 000 en 1937, à 155 000 en 1941, et enfin à 26 700 en 1952, à cause d'une mauvaise gestion des troupeaux et d'un surpâturage excessif des lichens, qui ont fait mourir de faim de nombreux herbivores, dont les rennes et les caribous.

Un autre cas frappant est fourni par l'île Saint-Mathieu, dans la mer de Béring. En 1944, 29 rennes sont importés sur cette petite île de 332 km2. Ils prospèrent si bien qu'on en compte 6 000 en 1963. Au printemps 1964 pourtant, il ne reste plus que 42 animaux. Tous les autres sont morts d'inanition en raison de la destruction des lichens, totalement arasés par un troupeau trop important. L'île, en fait, aurait probablement pu supporté 6 rennes au km2. Or, en 1963, on en compte 3 fois plus. Le froid très rigoureux de l'hiver 1963-1964 a fait le reste.

Toutes les expériences d'introduction du renne n'ont toutefois pas été aussi dramatiques, comme en témoigne l'histoire du troupeau de Bahr. En décembre 1929, sous la conduite d'Andrew Bahr, un pâtre lapon, un troupeau de 3 450 rennes originaires de Sibérie part d'Alaska pour se rendre dans l'État du Mackenzie (Canada). La longue marche des ongulés, sur 2 254 km de versants montagneux et de toundra, constitue l'une des épopées les plus fameuses de l'histoire du Grand Nord. En mars 1935, 2 382 rennes arrivèrent à destination, à proximité de la ville d'Inuvik. De nombreux animaux avaient succombé, victimes des prédateurs ou du climat, certains s'étaient égarés, mais d'autres étaient nés.

Une longue histoire commune avec l'homme

Les relations entre le caribou et l'espèce humaine existent dès l'arrivée de cette dernière sur le continent américain. Depuis cette lointaine époque, le caribou est chassé par les peuples amérindiens du Grand Nord et par les Inuits. Dans le Yukon (Canada), des traces de chasse au caribou datant de 13 000 ans ont été mises au jour.

Une chasse excessive a sans doute été le facteur essentiel ayant entraîné la disparition de plusieurs populations ou sous-espèces de caribous. Ainsi, la population de caribou des bois de l'île du Prince-Édouard a-t-elle disparu au cours de la seconde moitié du xixe siècle, tandis que le caribou de Dawson, ou caribou des îles de la Reine-Charlotte, sous-espèce endémique de l'île Graham, en Colombie-Britannique, s'est éteinte au début du xxe siècle. Aujourd'hui, la poursuite en hélicoptère ou en scooter des neiges ne laisse aucune chance aux animaux visés. Les caribous de la toundra, les plus accessibles, sont les plus menacés.

En Eurasie, l'histoire des rennes et celle des hommes sont étroitement mêlées depuis les périodes glaciaires. On a retrouvé en Europe des restes de rennes fossilisés associés avec des vestiges de culture humaine datant de l'époque acheuléenne, au début du paléolithique, il y a quelque 3 millions d'années. Au paléolithique supérieur, le renne est apparemment l'une des espèces animales les plus recherchées par l'homme. De splendides peintures rupestres, notamment celles d'Altamira et de Lascaux, évoquent les chasses aux rennes que pratique l'homme de Cro-Magnon, il y a 17 000 ou 18 000 ans.

Le renne est très doux et s'habitue facilement à l'homme. Il n'est donc pas étonnant que les populations humaines des terres glacées aient choisi de le domestiquer de préférence à d'autres espèces. Les Saami de Scandinavie (Lapons) auraient domestiqué les rennes il y a déjà plusieurs centaines d'années.