François Mauriac, Asmodée
« Je vois votre âme aussi nettement que je vois votre cou »
Asmodée de François Mauriac, interprété par Gisèle Casadesus et Fernand Ledoux.
« - Vous ne sortirez pas, Emmanuelle?
- Maman ne veut pas à cause de mon rhume.
- Que lisez-vous là ?
- Je relis David Copperfield, pour la dixième fois, je le sais presque par cœur.
- Il serait temps pour vous de faire des lectures plus sérieuses.
- Je le pense aussi, monsieur Couture.
- Je puis vous donner quelques conseils.
- Vous êtes bien aimable, M. le Curé me prête des livres.
- M. le Curé est un homme excellent, mais un peu simple.
- Oh ! Vous savez, il est assez fort pour moi.
- Méfiez-vous ma petite Emmanuelle, vous vous croyez humble, mais il existe une fausse humilité.
- Il est trop vrai que je suis orgueilleuse.
- Je ne dis pas mon enfant, que vous soyez orgueilleuse, mais à votre insu je crains qu'il n'entre dans votre cas un peu ... d'affectation.
- Cela se pourrait, monsieur Couture.
- Je ne vous ai pas froissée au moins ?
- Il n'y aurait vraiment pas de quoi.
- Parce que, Emmanuelle, il faut que je vous l'avoue, je vous admire.
- M'admirer, moi ? Ca par exemple !
- Je m'y connais en âmes, je vois la vôtre qui est exquise. Je vois votre âme aussi nettement que je vois votre cou, votre petite épaule ronde sous sa guimpe.
- J'ai une âme bien ordinaire, monsieur Couture.
- Vous pourriez aller très loin, ma petite Emmanuelle, si vous acceptiez mes conseils.
- Oh ce serait trop loin pour moi. M. le Curé me dit « restez ce que vous êtes, une petite enfant », il dit que c'est ce que le Bon Dieu attend de moi.
-La volonté de Dieu n'apparaît pas toujours aussi clairement que ce brave homme l'imagine. »
Institut des Archives Sonores