sophiste

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec sophistês.

Philosophie Générale, Philosophie Antique

À l'origine : homme ingénieux, voire savant. – Chez Platon et Aristote : professionnel de la parole, habile à argumenter mais insoucieux de la vérité. – Aujourd'hui, couramment : personne usant d'un raisonnement captieux.

Attesté depuis le ve s. av. J.-C.(1), sophistês n'a d'abord été qu'un doublet de sophos, « sage » et, donc, entièrement dépourvu de la connotation péjorative qui est la sienne aujourd'hui. Hérodote(2), par exemple, appelle sophistes les Sept Sages : d'où l'on peut induire que, si le milieu socratico-platonicien n'avait imposé le mot « philosophe », on emploierait aujourd'hui « sophiste » dans la même acception.

Dans la seconde moitié du ve s. av. J.-C., le mot s'est spécialisé dans l'acception de professeur itinérant, enseignant contre salaire. Les principaux sophistes, en ce sens du terme, furent Protagoras, Gorgias, Prodicos, Hippias, Antiphon, tous à peu près contemporains de Socrate et dont certains lui survécurent quelques années. Au témoignage de Platon, Protagoras fut le premier à revendiquer l'appellation de sophiste(3), déclarant sous ce nom enseigner « l'art d'être de bon conseil » (euboulia)(4) c'est-à-dire d'argumenter de façon convaincante. Il passe pour avoir été le premier également à soutenir que, « en toute matière, il y a deux façons d'argumenter, opposées l'une de l'autre »(5), et, selon Aristote, il s'affirmait capable de « rendre plus forte l'argumentation la plus faible »(6) : bien que ce soit là ce qu'on attend d'un bon avocat, Aristote approuve ceux qui s'irritaient d'une telle prétention, car, selon lui, il n'est qu'en apparence plausible qu'elle puisse être soutenue. On voit dans ce passage comment une écoute unilatérale des déclarations des sophistes « historiques » a pu conduire à l'acception exclusivement péjorative qui est celle de ce mot aujourd'hui.

Michel Narcy

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Pindare, Isthmiques, 5 [4], 28 ; Eschyle, Prométhée enchaîné, v. 62.
  • 2 ↑ Hérodote, I, 29.
  • 3 ↑ Platon, Protagoras, 317 b.
  • 4 ↑ Ibid., 318 e-319 a.
  • 5 ↑ Diogène Laërce, II, 50.
  • 6 ↑ Aristote, Rhétorique, II, 24, 1402 a 24.
  • Voir aussi : Narcy, M., « Le Socrate du Lysis est-il un sophiste ? », in T.M. Robinson, L. Brisson (éd.), Plato. Euthydemus, Lysis, Charmides. Proceedings of the V Symposium Platonicum. Selected Papers, Saint Augustin, 2000, pp. 180-193.

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