réductionnisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Terme apparu au début du xxe s.

Épistémologie, Philosophie des Sciences

Tout programme ou doctrine prétendant réduire un certain type de discours à un autre. Selon son ampleur, la réduction prônée peut porter sur des lois, des notions, des théories ou des disciplines.

Aussi bien dans l'histoire fine des disciplines que dans celle générale des grandes orientations, on rencontre une multitude de programmes réductionnistes : réduire les lois de l'optique aux principes de la théorie électromagnétique, réduire les sciences de la nature à la mécanique (mécanisme) ou toutes les sciences à la physique (physicalisme), ou toute explication à une explication en terme de phénomènes matériels (matérialisme) ou idéels (idéalisme). Mais, c'est seulement avec Carnap que commence une analyse serrée des différentes sortes de réduction et de leurs conditions. Autour de 1960, deux modèles de réduction théorique, celui de Nagel(1) et celui de Kemeny et Oppenheim(2), marquent une étape dans cette réflexion qui se poursuit encore aujourd'hui.

Les projets de réduction suscitent fréquemment d'importants conflits à cause de leurs implications ontologiques. Les réductions sans conséquence ontologique – celles qui se limitent aux lois ou aux théories sans toucher aux notions primitives qui déterminent les entités de base et leurs propriétés caractéristiques – sont admises sans problème. Elles satisfont l'idéal scientifique d'unification théorique sans soulever aucune difficulté. Réduire, c'est alors simplement déduire, c'est-à-dire intégrer dans une théorie plus générale ou encore subsumer sous une loi plus générale.

Bien plus problématiques apparaissent les projets de réduction qui visent ou impliquent des réformes ontologiques : en général, une économie ontologique. Si certains ont pu faire l'unanimité en répondant à l'attente générale – comme la réduction des infinitésimaux au xixe s., destinée à éliminer des entités improbables –, beaucoup suscitent ou ont suscité de fortes oppositions, comme ceux qui ont ou ont eu pour objet de réduire l'arithmétique à la logique (cf. logicisme), les organismes vivants à des machines (cf. mécanisme et vitalisme), les phénomènes mentaux aux phénomènes cérébraux ou les phénomènes sociaux aux comportements individuels (cf. individualisme méthodologique).

Le microréductionnisme, c'est-à-dire l'idée d'expliquer les phénomènes macroscopiques (respectivement d'un certain ordre de grandeur) en termes de microstructures sous-jacentes (respectivement d'un complexe d'entités d'un ordre de grandeur inférieur), apparaît comme une tendance fondamentale de la science moderne : réduction de la thermodynamique à la mécanique statistique, succès de la biologie moléculaire, etc. Mais le déterminisme que cette sorte de réductionnisme semble devoir impliquer (la détermination microphysique de l'ensemble des phénomènes si on le fait valoir sans restriction) soulève de nombreux problèmes. Des thèses holistiques ou émergentistes s'y opposent, qui cherchent à montrer que les propriétés d'une totalité ne peuvent pas toujours être déduites des propriétés des éléments composants et de leurs relations.

Qu'il soit difficile d'aboutir à une caractérisation précise du réductionnisme, spécifiant ses différentes formes et leurs principales conséquences, s'explique par le fait que cela présuppose le traitement de questions très complexes, comme celle du rapport avec le déterminisme.

Françoise Longy

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Nagel, E., The Structure of Science, chap. XI, Harcourt Brace, New York, 1961.
  • 2 ↑ Kemeny, J., et Oppenheim, P., « On Reduction », in Philosophical Studies, 1956.

→ holisme, matérialisme, mécanisme, physicalisme, réduction, survenance