propagande

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Dérivé de Congregatio de propaganda fide (1662), « congrégation pour propager la foi ».

Esthétique, Politique

Action visant à influer sur l'opinion ; d'origine religieuse, elle renvoie de nos jours à la diffusion de messages prosélytes, en particulier ceux de la sphère politique.

Alors que le pouvoir démocratique est censé procéder d'une délégation à partir du peuple, la propagande cherche à imposer à l'ensemble d'une population des intérêts ou des idées issus d'une fraction de celle-ci ; elle a pour objectif premier l'efficacité pratique.

C'est avec le double avènement des sociétés totalitaires et des mass media que la propagande devient, au xxe s., un redoutable instrument de communication, en bénéficiant des moyens modernes de diffusion (cf. les discours d'Hitler à la radio). Par là, elle redécouvre les ressources de l'ancienne rhétorique, mais en les portant à un degré de séduction (et / ou de persuasion) inégalé, tant est prégnante la dimension phatique de ses manifestations. Ce qui, à certains moments, fit de la propagande l'arme psychologique qu'on sait, résulta de la convergence des moyens mobilisés : c'est à la fois visuellement et auditivement, non seulement dans l'espace mais aussi dans le temps (sur des périodes rythmées), que ce qu'on appelle le « matraquage » est programmé. Tchakhotine n'a pas hésité à parler d'un « viol des foules »(1).

Il est évidemment tentant de faire l'amalgame avec la publicité qui, elle aussi, sature les plages et les surfaces mises à sa disposition. Ne parle-t-on pas d'ailleurs, de « publicité politique » où l'argumentation est remplacée par le slogan et par l'image télégénique des candidats ? Ce mélange des genres ne date pas d'hier : il suffit de rappeler que la firme italienne Fiat, avant la guerre, n'hésitait pas à introduire de jeunes mussoliniens (ballila) dans ses visuels. Plus récemment, Benetton s'est servi de thèmes liés au racisme et au terrorisme.

Dès les années 1950, dans un contexte où la consommation devient un travail social à part entière, Packard(2) avait dénoncé le recours – commun à la propagande et à la publicité – de techniques dérivées de la psychologie des profondeurs et capables de manipuler certaines de nos tendances les plus enracinées (sentiment de sécurité, de puissance, culpabilité, bonheur). Benjamin a défendu l'idée que le fascisme s'enracinait dans un projet d'« esthétisation de la politique »(3) qui culmine dans la guerre. À travers le cinéma (Riefenstahl) et la reprise des thèmes wagnériens de la Götterdämmerung, l'on sait le rôle de l'esthétique dans la propagande nazie, au point que Lacoue-Labarthe risque le terme de « national-esthétisme »(4) ; d'où en retour l'idée que l'art critique constitue aussi la forme de résistance la plus efficace à la monstruosité de l'histoire (Gerz).

L'énorme machinerie des terminaux de toutes sortes qui nous entourent, et qui créent une sorte d'état d'urgence auquel il est difficile de se soustraire (il faut être « branché »), installe les conditions d'une dépendance en regard desquelles les prescriptions politiques stricto sensu font bien pâle figure. Platon, Hobbes, Rousseau admettaient le principe d'un mensonge politique. S'il y a quelque originalité dans notre modernité, elle est moins à chercher dans l'abandon de ce principe que dans son mode de réalisation détourné ; en voyant Coca-Cola l'emporter sur Marx, la fin du xxe s. a poussé jusqu'à son terme ce processus de déguisement.

Pierre Fresnault-Deruelle

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Tchakhotine, S., le Viol des foules par la propagande politique (1939), Gallimard, Paris, 1952.
  • 2 ↑ Packard, V., la Persuasion clandestine, Calmann-Lévy, Paris, 1958.
  • 3 ↑ Benjamin, W., « L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique » (1935 et 1939), in Œuvres, t. III, Gallimard, Paris, 2000, pp. 111 et 314.
  • 4 ↑ Lacoue-Labarthe, P., la Fiction du politique, Bourgois, Paris, 1987.
  • Voir aussi : Gervereau, A., La propagande par l'affiche, Syros, Paris, 1991.
  • Gourevitch, J.-P., l'Imagerie politique, Flammarion, Paris, 1980.
  • Lardellier, P., « Image incarnée, une généalogie du portrait politique », L'Harmattan, Paris, 1997.

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