matériau
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
D'abord utilisé au pluriel : matières nécessaires à la construction (navire, machine, bâtiment, etc.).
Esthétique
Substance ou matière constituant la dimension concrète et physique de l'œuvre d'art.
Aristote distinguait la matière du matériau, ce dernier étant déjà « informé », spécifié. Longtemps cantonné à la sphère des matériaux « nobles » (bois, pierre, bronze, marbre, matériaux précieux), le matériau de l'art se confond aujourd'hui avec l'ensemble des matériaux, naturels ou artificiels, nommables ou innommables, que la nature, l'industrie et la vie urbaine mettent à la disposition de l'artiste. Dès 1920, le Bauhaus développe, avec Itten puis Mirkin, une culture des matériaux ; chaque atelier de l'école sera placé sous l'égide d'un matériau(1).
Le terme a aujourd'hui pour corrélat la notion d'« immatériaux », élaborée par Lyotard pour désigner les matériaux des nouvelles technologies ; « Matériau : ce sur quoi s'inscrit un message : son support. Il résiste. Il faut savoir le prendre, le vaincre »(2). Le matériau n'est plus réduit à sa seule dimension physique. Les avant-gardes contemporaines l'ont redéfini, y incluant les nouveaux matériaux (béton, plastiques), des éléments abstraits (concepts, définitions, langage, temps, vitesse, etc.) et d'ordre sociologique ou scientifique (statistiques, archives, information, etc.)(3). Les transformations de l'idée de matière ont une action en retour sur la notion de matériau, qui cesse d'être pensé de manière statique mais sur le fond du continuum espace / temps et envisagé sur un mode énergétique. « Pour l'artisan, écrit E. Manzini, le matériau n'est pas une catégorie abstraite, mais bien cette pièce particulière qu'il a entre les mains. Pour la machine, et pour l'ingénieur qui en a conçu le fonctionnement, le matériau est seulement un ensemble de propriétés contrôlées. »(4) Il se produit une intellectualisation de la notion de matériau ; celui-ci s'invente, se donne comme un continuum de possibilités. Manzini distingue les (anciens) matériaux à complexité « subie », les matériaux à complexité « contrôlée », les (nouveaux) matériaux à complexité « gérée », la capacité de manipulation s'insinuant de plus en plus finement dans la structure de la matière.
Florence de Mèredieu
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Bauhaus, 1919-1969, Musée national d'art moderne, Paris, 1969.
- 2 ↑ Lyotard, J.-F., les Immatériaux, Centre Georges-Pompidou / CCI, Paris, 1985.
- 3 ↑ Mèredieu, F. de, Histoire matérielle et immatérielle de l'art moderne, Larousse, Paris, 1999.
- 4 ↑ Manzini, E., la Matière de l'invention, Centre Georges-Pompidou / CCI, Paris, 1989.