iconologie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec eikonologia, rare et appartenant au vocabulaire savant ; désigne chez les sophistes le style imagé par opposition au style concis (brachulogia), par exemple chez Polos et chez Gorgias (Platon, Phèdre, 267 c et 269 a).

Esthétique

Étude, inventaire et interprétation des figures allégoriques et de leurs attributs. Au xxe s., le mot se spécialise dans le domaine des arts, et désigne alors l'interprétation des images en tant qu'elles sont l'expression d'une culture ou d'une civilisation.

Quand, en 1939, Panofsky publie la première édition de ses Studies in Iconology, qui fera école dans l'interprétation de l'œuvre d'art, il n'invente pas un néologisme mais reprend à son compte, pour lui donner une nouvelle force, une notion déjà forgée par les théoriciens de l'art à la fin de la Renaissance : c'est en effet en 1593 que C. Ripa publie en Italie son Iconologia, vaste recueil où se trouvent expliqués « les images, emblèmes et autres figures hiéroglyphiques des Vertus, des Vices, des Arts, des Sciences, des Causes naturelles, des Humeurs différentes et des Passions humaines ».

C'est É. Mâle qui, en 1927, dans un article de la Revue des Deux Mondes, attire l'attention sur ce curieux ouvrage. Mais c'est bien Panofsky qui donnera toute sa force à la méthode iconologique dans l'histoire des arts. Se réclamant explicitement de la Philosophie des formes symboliques de Cassirer, Panofsky distingue, dans l'introduction méthodologique de ses Essais d'iconologie(1), entre l'analyse iconographique, qui interprète les thèmes et les types de la représentation (ainsi apprend-on, par exemple, à distinguer entre Judith tenant la tête d'Holopherne et Salomé celle du Baptiste), de l'analyse iconologique, qui déchiffre la représentation comme le symptôme d'une vision du monde, ou Weltanschauung (c'est ainsi que l'interprétation de la toile du Titien représentant l'Amour sacré et l'Amour profane met en jeu toute la culture néoplatonicienne de l'Italie renaissante).

La démarche de Panofsky doit beaucoup à celle qu'adoptait, au début du xxe s., dans une célèbre conférence se rapportant aux fresques du palais Schifanoia de Ferrare, Warburg, qui faisait alors de l'iconologie sans le savoir. La méthode iconologique en histoire de l'art s'est développée, à partir de 1935, à l'Institute for Advanced Studies de l'université de Princeton, où enseignait Panofsky, et surtout à l'Institut Warburg de Londres, qui bénéficia en 1930 des dons d'un généreux mécène, S. Courtauld. Chastel en France s'est réclamé de cette école, comme en témoigne la longue introduction, qui vaut pour un véritable discours de la méthode, aux soixante-quatre essais réunis sous le titre Fables, formes, figures(2).

Panofsky, fort critique à l'égard de ce qu'il nommait le « formalisme » de Wölfflin, sera lui-même critiqué pour son approche trop exclusivement herméneutique de l'œuvre d'art : à trop considérer le tableau comme un rébus, ou comme un message chiffré, on risque de se rendre insensible à la force purement esthétique de sa manifestation. C'est ainsi que O. Pächt, qui choisit en 1963, de quitter l'Institut Warburg, où il était un savant reconnu, pour revenir à Vienne qu'il avait abandonnée en 1933, disait ironiquement de l'iconologie qu'elle était « de l'histoire de l'art pour les aveugles ».

Jacques Darriulat

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Panofsky, E., Essais d'iconologie. Les thèmes humanistes dans l'Art de la Renaissance, trad. C. Herbette et B. Teyssèdre, Gallimard, Paris, 1967.
  • 2 ↑ Chastel, A., Fables, formes, figures, Flammarion, Paris, 1978.
  • Voir aussi : Gombrich, E., Symbolic Images. Studies of the art of the Renaissance, Phaidon, Londres, 1972.
  • Pächt, O., Questions de méthode en histoire de l'art, trad. J. Lacoste, Macula, Paris, 1994.
  • Warburg, A., Essais florentins, trad. S. Muller, Klincksieck, Paris, 1990.
  • Wind, E., Mystères païens de la Renaissance, trad. P.-E. Dauzat, Gallimard, Paris, 1992.
  • Wittkover, R., Allégories and the Migrations of Symbols, Londres, 1977.

→ art, esthétique, histoire de l'esthétique, icône