fruition

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin fruitio, de frui, « jouir de quelque chose ».

Philosophie Médiévale, Morale

Jouissance, plaisir suprême.

L'éthique augustinienne s'articule autour du couple uti / frui, « utiliser / jouir », c'est-à-dire autour de la distinction entre les biens finis, qui ne doivent pas être aimés pour eux-mêmes et dont il ne faut user qu'en passant, comme moyens ; et le Bien infini et souverain, dont seul il convient de désirer la jouissance, car jouir revient à s'arrêter au plaisir de la possession d'un être qui, par le fait même, est posé comme but ultime de la recherche. Seul Dieu pouvant avoir le statut de fin dernière, c'est donc lui qui doit être l'objet de la fruition. Mais cette notion ne se borne pas à désigner la jouissance au sens psychologique, elle dit aussi une relation ontologique avec Dieu : l'âme participe à la vie divine, elle en reçoit sa plénitude, sa stabilité. Cependant, les médiévaux se demanderont en quoi le désir pour Dieu ne se réduit pas alors à un pur eudémonisme. À la suite de P. Lombard (xiie s.), la question sera généralement traitée dans la distinction 1 du livre I des Commentaires des sentences. On distinguera dans la fruitio l'amour (dilectio), acte de la volonté, et le plaisir (delectatio). C'est la bonté même de Dieu qui doit être l'objet de notre amour (qui se porte vers lui comme vers le bien moral, honestum) et de notre béatitude, donc de la fruition. Sinon, cet amour serait déréglé, puisque nous aimerions quelque chose plus que Dieu, à savoir notre propre delectatio.

Jean-Luc Solère

→ bien, bonheur, eudémonisme, hédonisme