conceptualisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Philosophie Générale, Philosophie Cognitive, Philosophie des Sciences

Théorie suivant laquelle les concepts sont considérés comme les produits d'une construction de l'esprit.

À l'origine, c'est la position défendue au xiiie s. par saint Thomas d'Aquin, qui cherche à surmonter l'opposition des deux positions antagonistes du réalisme (les universaux comme les genres et les espèces existent à l'état séparé) et du nominalisme (les universaux sont de simples noms) dans la Querelle des universaux. Selon lui, les genres et les espèces sont des prédicables quand on les dit ou les attribue à un sujet (aspect logique), et sont des universaux en tant qu'ils sont dans plusieurs sujets (aspect métaphysique). Il leur refuse cependant l'existence réelle hors des choses d'où l'esprit les tire par abstraction. Par exemple, Socrate est réellement un homme, mais l'humanité n'a pas d'existence réelle hors des individus humains qui la composent. Guillaume d'Occham, au siècle suivant, refuse cette compromission thomiste. Dans une position franchement nominaliste, il nie qu'aucun universel soit une substance hors de l'âme dans un sujet quelconque ; l'universel n'est qu'une intention de l'âme, c'est-à-dire une conception apte à être attribuée à un grand nombre de sujets.

Cette Querelle des universaux, si elle cesse avec le Moyen Âge et le renversement, aux xvie et xviie s. du paradigme aristotélicien, renaît pourtant de ses cendres aux xviie et xviiie s., quand on cherche à fonder une théorie de la définition. Comme on ne peut pas tout définir ni tout prouver, il faut poser, selon Pascal, des termes primitifs qui ont un sens universel, même s'ils ne désignent pas la réalité de la chose, mais seulement le rapport du nom à la chose(1). Sa théorie de la définition est nominaliste, elle repose sur les termes primitifs qui servent à composer des définitions de noms, c'est-à-dire sur des explications de ce qu'on entend par un mot. À l'inverse, selon la conception réaliste, une théorie de la définition repose sur des définitions de choses, c'est-à-dire sur des définitions qui expliquent l'essence des êtres. Leibniz se démarque de ce débat entre nominalisme et réalisme au fondement du débat par la théorie de la définition qu'il propose : le problème du raisonnement se résout par l'élaboration de définitions adéquates, c'est-à-dire conformes au degré de composition des idées, toute démonstration n'étant qu'un enchaînement de définitions(2). Sur la question des universaux, Leibniz, même s'il repousse le réalisme des idées, confère aux concepts un fondement dans la réalité en tant qu'ils correspondent à l'essence objective des choses. Il maintient une ressemblance des choses singulières entre elles dans laquelle consiste la généralité. C'est dans cette ressemblance, qui est une réalité, qu'il faut chercher l'essence des genres et des espèces, ce qui le conduit, dans les Nouveaux Essais sur l'entendement humain, à opposer Théophile (son porte-parole) à Philalèthe (Locke). Ainsi, pour Leibniz, tout se passe comme si les universaux étaient des réalités, bien qu'ils n'en soient pas. D'Alembert considère, de manière pragmatique, que ce sont les intérêts pratiques d'une définition qui importent, et non les discussions d'ordre métaphysique sur la nature du langage : les définitions expliquent la nature de l'objet tel qu'on le conçoit, mais non tel qu'il est(3). Sa théorie de la définition reste cependant sous-tendue par une conception des termes primitifs ou des idées simples brouillée de naturalisme, même si elle annonce en un sens le conceptualisme critique de Kant(4). Pour ce dernier, les concepts purs et a priori de l'entendement sont des catégories qui structurent toutes nos représentations.

Véronique Le Ru

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Pascal, Bl., L'esprit géométrique, in Œuvres complètes, Seuil, Paris, 1963.
  • 2 ↑ Leibniz, G. W., Nouveaux Essais sur l'entendement humain, Garnier-Flammarion, Paris, 1966.
  • 3 ↑ Alembert, J. (d'), Les éléments de philosophie suivis des éclaircissements, « Éclaircissement II », Fayard, Paris, 1986.
  • 4 ↑ Kant, E., Critique de la raison pure, trad. A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, Paris, 1968.

→ concept, nominalisme, réalisme, universaux