Émile Littré
Philosophe et lexicographe français (Paris 1801-Paris 1881).
Issu d'un milieu petit-bourgeois, Littré se distingue très tôt par sa passion pour l'étude. Comme l'écrit Alain Rey, « dès l'enfance, la vie de Littré est déjà définie : une lutte contre la peur par l'activité innocente du cerveau ». L'angoisse semble en effet, si l'on en croit les quelques révélations laissées par Littré, avoir été la motivation principale de sa colossale entreprise intellectuelle.
C'est vers la médecine qu'il s'orienta d'abord mais, au terme de brillantes études, il renonça à passer son doctorat. La mort de son père, qui le laissa chargé de famille, interdit à cet homme scrupuleux d'engager les dépenses nécessaires à l'ouverture d'un cabinet. Au cours de sa vie, il sera toutefois membre fondateur de deux revues médicales et il traduira les œuvres complètes d'Hippocrate (1839-1861). Tout acquis à l'idéal républicain, il participa aux journées de 1830. En 1831, il entra à la rédaction du National, auquel il devait collaborer pendant plus de vingt ans.
Le linguiste
Membre de l'Académie des inscriptions (1838), il fut nommé en 1844 à la commission chargée de continuer l'Histoire littéraire de la France. C'est alors qu'il commença ses recherches sur l'origine et l'évolution de la langue française. Sa rencontre, la même année, avec Auguste Comte fut également déterminante. Il devint un fervent adepte du positivisme, dont il sera en France le véritable initiateur (Conservation, révolution et positivisme, 1852 ; Auguste Comte et la Philosophie positive, 1863). En 1867, il fonda avec Wyrouboff la Revue de philosophie positive, dans laquelle il écrivit un article retentissant sur les Origines organiques de la morale (1870). En particulier, il appliquera le positivisme à la linguistique. Sa rectitude intellectuelle l'empêcha cependant d'adhérer au mysticisme de Comte.
Après la révolution de 1848, il devint membre du Conseil municipal de Paris. C'est en 1863 qu'il commença la rédaction de son œuvre capitale : le Dictionnaire de la langue française (1863-1873) – ce qui provoquera la démission de l'Académie de Mgr Dupanloup (1802-1878) –, aboutissement d'un projet évoqué avec Louis Hachette dès 1841. Fasciné par les mots, « monnaie de l'esprit », il va dès lors s'acharner, pendant près de dix ans, à décrire l'histoire de leur sens et de leur « circulation ». Membre de l'Académie française en 1871, il est élu la même année député de la Seine et, en 1875, sénateur inamovible. Menant une existence ascétique – comme en témoigne sa conférence de mars 1880, Comment j'ai fait mon dictionnaire de langue française –, il travailla sans répit, jusqu'à sa mort, à ses travaux de linguiste et de philosophe.
Les œuvres principales
Traduction des œuvres d'Hippocrate (1839-1861). Traduction de la Vie de Jésus de Strauss (1839-1840). De la philosophie positive (1845). Conservation, révolution et positivisme (1852). Auguste Comte et la philosophie positive (1863). La science du point de vue philosophique (1873). Dictionnaire de médecine et de chirurgie (1862, en collaboration avec Ch. Robin). Histoire de la langue française (1862). Dictionnaire de la langue française (1863-1873 ; supplément en 1878), ouvrage connu depuis sous le nom de son auteur : le Littré.