Abraham Trembley
Naturaliste suisse (Genève 1710-Genève 1784).
Second fils d'un membre du Conseil des 200 à Genève, il manifeste, enfant, un goût prononcé pour les sciences exactes. Comme son père le destine à l'état ecclésiastique, il fait de solides études de philosophie en même temps que de mathématiques. En 1731, il soutient une thèse sur le calcul infinitésimal. Il se tourne ensuite vers la théologie, mais des ennuis de santé l'empêchent de devenir pasteur. Il part en 1733 pour la Hollande, où son père a quelques relations, afin d'y chercher un emploi. En 1740, quand il fait la découverte qui lui vaudra la notoriété, il est précepteur des enfants du comte de Bentinck, riche résident britannique à La Haye.
Depuis quelque temps, tout en remplissant les devoirs de sa charge, il s'est attaché à développer ses connaissances en histoire naturelle, science dont les Mémoires pour servir à l'histoire des insectes de Réaumur lui ont donné le goût. Par l'intermédiaire de son cousin Charles Bonnet, il est entré en relation avec le savant français, auquel il a envoyé ses premiers travaux de zoologie, qui portent sur certaines chenilles et sur les pucerons. Un jour de l'été 1740, alors qu'il se promène dans la campagne avec ses jeunes élèves, il ramasse dans un fossé des plantes aquatiques. Rentré chez lui, il les met dans un bocal rempli d'eau qu'il place sur la tablette inférieure d'une fenêtre. Or, la tige de l'une des plantes porte de curieux petits tubes garnis de sortes de tentacules à l'une de leurs extrémités. La couleur verte et l'immobilité apparente des tubes laissent penser qu'il s'agit de plantes parasites. En les observant longuement avec une loupe, Trembley constate que ces « plantes » remuent leurs tentacules, se contractent, pour reprendre ensuite leur forme primitive, et sont même capables de se déplacer sur les parois du bocal à la manière des chenilles arpenteuses.
Intrigué et voulant savoir s'il s'agit réellement de plantes, il entreprend, le 25 novembre 1740, d'en couper une transversalement en deux parties : si chaque partie est apte à se régénérer, la nature végétale sera confirmée, car on ne connaît alors aucun animal ayant cette faculté. À sa grande surprise, les deux parties vont survivre et, bientôt, se montrer capables de mouvements spontanés et de contractions ; au bout de neuf jours, elles ont retrouvé tous leurs tentacules.Trembley envoie alors à Réaumur quelques-uns de ces « êtres animés » pour avoir son opinion à leur sujet. Réaumur pense d'abord être en présence de plantes, puis change d'avis en les voyant bouger. Ce sont certainement des animaux, qu'il baptise « polypes ». En mars 1741, il annonce à l'Académie des sciences la découverte de son ami. La nouvelle fait sensation : ainsi, il existe des animaux capables de se multiplier si on les coupe en morceaux. Après la parthénogenèse du puceron, révélée par Bonnet, le bouturage de l'hydre, expérimenté par Trembley, va contribuer à élargir les idées sur l'animalité.
Abraham Trembley poursuivra pendant plusieurs années ses investigations sur l'hydre et d'autres invertébrés d'eau douce. La pubication, en 1744, de son ouvrage Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de polypes d'eau douce à bras en forme de cornes, illustré par le naturaliste et graveur hollandais Lyonet, consacre sa réputation dans les milieux scientifiques. Après avoir été gouverneur du jeune duc de Richmond, qui lui assurera une confortable pension, Trembley retourne à Genève en 1757, s'y marie et s'y établit définitivement. À partir de 1760, il écrit des livres sur l'éducation, la politique, la religion et la morale.