Théodore Monod
Naturaliste français (Rouen 1902-Versailles 2000), fils de Wilfred Monod.
Enfant, Théodore Monod est emmené par sa mère, pratiquement tous les jours, au Jardin des Plantes à Paris, et il connaît les noms des naturalistes illustres des xviiie et xixe siècles, qui se confondent avec ceux des rues du quartier où il habite. Aussi n'entre-t-il pas, après le baccalauréat, à la faculté de théologie protestante pour y suivre les traces de son père et de ses ancêtres paternels parmi lesquels on compte cinq générations de pasteurs en ligne directe. Il choisit la filière des sciences naturelles, puis entre au Muséum d'histoire naturelle pour s'occuper des « pêches et productions coloniales d'origine animale ».
Une mission d'étude à Port-Étienne, en Mauritanie, lui fait découvrir l'Afrique qui le captive. Il ne rentre pas en France au terme de son séjour, mais traverse à dos de chameau la Mauritanie du nord au sud. Ce premier contact l'amène à s'intéresser aux régions arides. Sa deuxième mission scientifique le conduit au Cameroun, qu'il parcourt du golfe de Guinée au lac Tchad. Il y étudie la pêche en mer et surtout en rivière. À peine rentré en France, en 1926, il repart pour l'Afrique et participe, en tant que naturaliste, à une expédition à travers le Sahara, financée par un mécène américain. En 1928-1929, il fait son service militaire dans le Hoggar comme chamelier de deuxième classe. Il écrit un livre sur l'archéologie de l'Ahnet, massif saharien dont il étudie aussi la géologie.
Théodore Monod reprend en 1930 sa place au Muséum, à Paris, et se marie. Il effectue en 1934-1935 un grand voyage dans l'Ouest saharien. En 1938, il se voit confier la direction de l'Institut français d'Afrique noire, qui vient d'être créé à Dakar. Lorsque la guerre éclate, en 1939, il est envoyé dans le Tibesti avec mission d'« espionner l'ennemi », en l'occurrence les Italiens, sur la frontière libyenne. Il joue sans grande conviction son rôle d'agent secret et se consacre surtout à des recherches sur les roches et la flore du massif saharien. Rentré finalement à Dakar, il reprend en main le jeune Institut qu'il dirigera pendant plus de vingt-cinq ans et développera considérablement. Il met à profit son séjour en Afrique pour effectuer, entre 1953 et 1964, six longues traversées du Sahara à pied et à dos de chameau. Ces « croisières hauturières », comme il les appelle, achèvent de faire de lui un spécialiste du désert.
En 1965, le chercheur regagne Paris pour y prendre la tête du laboratoire des pêches et poursuivre des études sur certains poissons et crustacés. Après sa mise à la retraite, en 1972, il conserve son bureau au sein de ce qui est désormais le laboratoire d'ichtyologie. Jusqu'à un âge très avancé, il travaillera dans cette pièce bourrée de livres et de bocaux pleins d'échantillons, parmi les microscopes, les squelettes, les coquillages, les cailloux, les spécimens de plantes...
Son nom reste attaché à des dizaines d'espèces végétales ou animales (insectes, crustacés, poissons, batraciens, etc.) et il a laissé un herbier contenant près de 5 000 références. La géologie lui doit notamment la description des couches de l'Adrar, où il étudia également des masses calcaires emprisonnant des algues bleues fossilisées qui comptent parmi les organismes vivants les plus anciens. Pionnier de la préhistoire saharienne, il releva des gravures rupestres du Tibesti et détailla des pierres taillées du désert de Lybie. Avec Wladimir Besnard, il découvrit dans l'ancien Soudan français (l'actuel Mali) l'« homme d'Asselar », un des rares squelettes humains fossilisés d'Afrique occidentale remontant au néolithique.
À une époque de spécialisation, Théodore Monod est resté un encyclopédiste à la manière du xviiie siècle. Tour à tour ou simultanément zoologiste, botaniste, géographe, géologue, archéologue, préhistorien, anthropologue, linguiste, cet écologiste avant l'heure dénonça l'imprévoyance de l'homme qui, depuis le néolithique, rompt les équilibres naturels et accélère dangereusement le rythme de ses déprédations. Grand défenseur des animaux, il s'insurgea contre les actes de cruauté commis envers eux et milita aussi bien contre la corrida que contre la chasse à courre ou les abus de l'expérimentation scientifique. Il a exprimé sa passion du désert et ses convictions dans plusieurs ouvrages, parmi lesquels Méharées (1937), l'Hippopotame et le philosophe (1943), le Chercheur d'absolu (1997), Pèlerin du désert (1999). [Académie des sciences, 1963.]