Robert Wyatt
Batteur, chanteur, claviériste et compositeur de rock expérimental britannique (Bristol 1945).
Fortement empreint de la « pataphysique » chère à Jarry et à Queneau, Wyatt est le guide spirituel de Soft Machine (1966-1971) jusqu'au jour où il quitte la formation. Il fonde alors Matching Mole, nom issu d'un jeu de mots franco-anglais sur son ancien groupe qui dénote bien son état d'esprit, où il révèle un côté gauchisant bien rendu par le titre du deuxième album (1973), The Little Red Record … Lors d'une fête organisée par Daevid Allen (cofondateur de Soft Machine), il tombe malencontreusement de la fenêtre d'un deuxième étage, accident qui le condamne au fauteuil roulant….
Leçon de courage. Et c'est dans l'hôpital où il reste plus de six mois qu'il compose ce que l'on peut considérer comme son œuvre maîtresse, produite par le batteur de Pink Floyd, Nick Mason : Rock Bottom (1974), sorte de concept-album qui ne veut pas l'être, un hymne à la vie où l'autodérision et la farouche volonté de ne pas s'apitoyer sur soi-même sont en transparence de manière permanente, mais où l'on sent aussi une détresse poignante. Peut-être le disque le plus « humain » de l'histoire du rock, d'autant plus que son titre évoque le « 36e dessous » (rock bottom en anglais peut signifier : « remuer ce qui me fait toucher le fond »). Toujours est-il que Wyatt n'en reste pas là et s'attaque aussitôt à un autre album, Ruth Is Stranger Than Richard (1975), dans lequel son Song For Che ne peut plus laisser de doutes sur son orientation politique, ce que l'on retrouve d'ailleurs en 1982 quand il enregistre un manifeste, Nothing Can Stop Us, où il prend position sur l'Afrique du Sud, la guerre des Malouines (avec une composition d'Elvis Costello) et la politique de Margaret Thatcher… Cette figure du rock anglais peut être considérée comme un génie, mais aussi comme un exemple unique de courage dans l'adversité.