Pierre André Latreille

Prêtre et naturaliste français (Brive 1762-Paris 1833).

Abandonné sous le porche d'une église de Brive, dès sa naissance, par sa mère apparemment sans ressources, Latreille est le fils naturel du général Jean-Joseph Sahuguet d'Amarzit, baron d'Espargnac. Le bébé est recueilli par un couple de paysans qui le font baptiser sous le nom de Pierre-André. Et ce n'est qu'en 1813, alors qu'il avait 51 ans, que le tribunal de Brive lui attribuera officiellement le patronyme de Latreille. Il semble que le baron d'Espargnac joua toutefois un rôle important dans l'éducation du jeune enfant, par personnes interposées, notamment le docteur Laroche, qui accoucha sa mère, et un certain Malepeure, qui lui donna le goût des sciences naturelles.

En 1778, Pierre-André est envoyé au collège du Cardinal Lemoine à Paris. Il a 23 ans lorsque son père meurt en 1785. La famille d'Espargnac respecte scrupuleusement les volontés du défunt qui, par testament, assure financièrement les études de son fils. Ce qui permet à Pierre-André d'entrer au séminaire de Limoges.

Ordonné prêtre en 1786, il revient dans son pays natal et mène durant quelques années une vie calme consacrée à la piété et à la science, étudiant notamment le Genera insectorum (1776) de l'entomologiste danois Johan Christian Fabricius. Mais la Révolution éclate et Pierre-André, attaché à ses croyances, refuse de prêter serment au nouveau pouvoir. Avec soixante-treize autres prêtres réfractaires, il est arrêté, emprisonné et condamné à la déportation par le tribunal de Bordeaux.

Dans sa cellule, Pierre-André continue à étudier les insectes qui l'entourent. Un jour qu'il observe un coléoptère qu'il croit être un clairon à corselet roux, espèce rare – mais qui n'est en fait qu'un Necrobia ruficollis ordinaire –, il reçoit la visite du médecin des prisons. Celui-ci, intrigué par le prisonnier, parle de Pierre-André à Bory Saint-Vincent, baron rallié momentanément aux idées nouvelles et acquis aux sciences naturelles, et Bory échange alors la liberté du détenu contre le nécrobe, qu'il désirait.

À sa libération, Pierre-André se consacre aux sciences et surtout à l'entomologie, cette science qui a débuté au xviie s. avec les recherches de Malpighi sur l'anatomie du ver à soie et celles de Swammerdam sur les métamorphoses, mais que Buffon méprisait : « Une mouche ne doit pas tenir dans la tête d'un naturaliste plus de place qu'elle ne tient dans la nature… »

Latreille publie dès 1796 un Précis des caractères généraux des insectes, disposés dans un ordre naturel qui préfigure la classification que Lamarck proposera en 1809 dans sa Philosophie zoologique. L'intérêt commun des deux hommes pour les insectes les rapproche et Lamarck, qui occupe la chaire des animaux sans vertèbres du Muséum de Paris créée pour lui, s'attache son cadet comme « aide-naturaliste », terme employé à l'époque pour désigner les assistants.

Latreille travaille comme un forcené. De 1802 à 1805, il publie une Histoire naturelle, générale et particulière, des crustacés et des insectes, en 14 volumes. L'ouvrage est fort remarqué. Dans le suivant, Genera crustaceorum et insectorum, paru entre 1806 et 1809, Latreille affine la classification des arthropodes et décrit les nouvelles espèces qui sont venues enrichir ses collections. Enfin, il pose précisément les bases modernes de la systématique dans Considérations générales sur l'ordre naturel des animaux…, prenant en compte avec plus de précision encore que Lamarck la morphologie des pièces buccales, celle des ailes et les métamorphoses…

Lorsque, en 1820, il s'appelle enfin Latreille, il devient un naturaliste reconnu. D'aide-naturaliste, il succède à Lamarck, devenu presque aveugle. Et, en 1830, l'aréopage des professeurs du Muséum lui confie la chaire, nouvellement créée, de zoologie des insectes, vers et animaux microscopiques.

Toujours débordant d'activité, Latreille fonde en 1832 la Société entomologique de France, dont l'influence est aujourd'hui encore importante en France et à l'étranger. Tous les grands entomologistes ont écrit dans les publications de la société.

Latreille meurt à l'âge de 71 ans. À son enterrement, c'est son collègue célèbre, E. Geoffroy Saint-Hilaire, qui prononce l'éloge funèbre, soulignant l'intérêt que ce naturaliste, reconnu de ses contemporains, portait à de nombreux autres domaines.