Martial Solal

Pianiste et compositeur de jazz français (Alger 1927).

Après avoir joué en trio, il opte pour le récital en solo ou en duo notamment avec les saxophonistes Lee Konitz et Michel Portal, le violoniste Didier Lockwood. En 1980, il prend la direction d'un grand orchestre auquel participent la plupart des principaux jazzmen français. Il a composé de la musique de jazz, de la musique de scène et de la musique de films (À bout de souffle, Léon Morin prêtre). Parmi ses enregistrements, citons : The Complete Vogue Recordings (1953-1956), At Newport (1963), Concert à Gaveau (1963), Big Band (1981), M. S. improvise pour France-Musique (1993-1994), Just Friends (1997).

Personnalité hors du commun par ses multiples facettes, Solal, pianiste, compositeur, arrangeur et chef d'orchestre, échappe à toute classification réductrice. Deux caractéristiques essentielles semblent le mieux définir le musicien : rigueur et humour. Rigueur quant à l'approche techniquement perfectionniste du piano ; humour par cette façon de se jouer ou de se déjouer de tout ce qu'il entreprend, et que sa rigueur lui permet de jouer à « rebrousse-oreille » : ces standards notamment qu'il rend joyeusement méconnaissables, intégrés à son propre univers, à l'endroit de l'envers ou vice versa, avec slaloms, dérapages, changements de vitesse, courts-circuits… le tout ponctué de paraphrases, citations, citations de citations ou de paraphrases (« Oléo », solalisé, devient « Ah ! Léa »). Ce sont autant de voltiges insérées dans un discours construit par un architecte épris de folles libertés. Il ne faudrait pas toutefois n'entendre là que jeux gratuits destinés à épater ; il y a chez cet improvisateur né – son imagination est intarissable, sa palette harmonique est inépuisable, l'arsenal des formules rythmiques qu'il emploie semble illimité – une sensibilité exacerbée sous des apparences flegmatiques qu'on retrouve, fruit du hasard ? chez un de ses partenaires favoris, le saxophoniste Lee Konitz.

Pianiste, il joue en solo, en duo (avec les pianistes Hampton Haves et Joachim Kühn, avec Michel Portal et Jean-Louis Chautemps), en trio avec Guy Pedersen et Daniel Humair (1960-1964), Gilbert Rovère et Charles Bellonzi (1965-1968). Compositeur, il écrit et interprète en 1959 la Suite en ré bémol pour quartette de jazz, en 1981 un Concerto pour trio de jazz et orchestre, ainsi que des pièces pour la claveciniste Elisabeth Chojnacka, pour l'accordéoniste Marcel Azzola, pour le joueur d'orgue de barbarie Pierre Charial, pour les Percussions de Strasbourg et pour le cinéma (À bout de souffle, Léon Morin prêtre …). Orchestreur autodidacte, il réunit, en 1956, 1981 et 1984, de grandes formations où il « joue de l'orchestre » comme du piano, c'est-à-dire avec une virtuosité et une créativité de même nature : liberté tonale, enchevêtrements rythmiques… et rend hommage à son ami André Hodeir en enregistrant les œuvres les plus significatives du compositeur.

Il écrit un recueil de pièces didactiques pour le jazz comparable au Mikrokosmos de Bela Bartók, forme un Dodécaband, improvise sur le film Feu Mathias Pascal de Marcel L'Herbier et préside en octobre 1989 le premier concours international de piano-jazz Martial Solal, dont Aydin Esen sort vainqueur.