Josip Broz, dit Tito

Tito
Tito

Homme d'État yougoslave (Kumrovec, Croatie, 1892-Ljubljana 1980).

Les années de jeunesse et l'adhésion au socialisme

Josip Broz naît dans une famille de pauvres paysans croates. Il doit quitter l'école dès l'âge de douze ans pour travailler comme ouvrier agricole, puis comme métallurgiste dans les usines de Croatie, alors possession de l'empire d'Autriche.

En 1910, il adhère au parti social-démocrate et au mouvement syndicaliste. En 1913, il fait son service militaire dans l'armée austro-hongroise, devient sous-officier et, au début de la Première Guerre mondiale, est envoyé avec son régiment sur le front de Serbie. Il est alors emprisonné pour propagande pacifiste, puis relâché et renvoyé au front.

En mars 1915, il est fait prisonnier par l'armée russe et envoyé dans un camp de l'Oural. Il met à profit les événements de 1917 pour s'évader, se rendre à Saint-Pétersbourg, où, gagné aux idées bolcheviques, il participe aux luttes contre le gouvernement de Kerenski. Garde rouge en novembre 1917, il va prendre part durant trois ans à la guerre civile. Il combat en Sibérie contre les Russes blancs, puis rentre en Croatie en 1920.

Inscrit au parti communiste, il s'engage dans les luttes sociales qui secouent le jeune royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Le parti communiste étant interdit en Yougoslavie, Josip Broz mène le combat dans l'illégalité ; syndicaliste, il organise des grèves. En 1927, il est secrétaire de l'Union des travailleurs de la métallurgie, mais en 1928 il est arrêté et condamné à cinq ans de prison pour atteinte à la sécurité de l'État.

En prison, qu'il appellera plus tard l'« université communiste », il étudie le marxisme ; léniniste, il pense que seul un parti organisé peut mener à bien la révolution.

Après sa libération, J. Broz, qui prend le nom de Tito, voyage en Europe et en Yougoslavie pour le compte de la IIIe Internationale. Il vient à Paris, où il organise le passage des brigades internationales vers l'Espagne ; à Moscou, il assiste au VIIe Congrès de l'Internationale communiste et aux purges staliniennes contre les cadres du parti de son pays qui se sont réfugiés en U.R.S.S.

Le chef du parti communiste yougoslave et la lutte contre les nationalistes

Le parti communiste yougoslave étant débarrassé de ses éléments fractionnistes, Tito en devient le secrétaire général à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Dès l'attaque allemande contre l'U.R.S.S., il organise en Serbie occidentale des milices de partisans. De 1941 à 1944, il met sur pied une véritable armée de libération populaire qui regroupera près d'un million d'hommes à la fin des hostilités.

Chassé de Serbie par les Allemands, Tito se replie dans les maquis montagneux du Monténégro. Le combat contre l'envahisseur étranger se double bientôt d'une guerre civile entre les communistes de Tito et les nationalistes de l'armée régulière, les Četnici, commandés par le général Draža Mihajlović et soutenus par le gouvernement yougoslave légal, émigré à Londres. Mais la lutte des partisans prend un nouvel essor avec l'organisation politique du mouvement : à sa session de Jajce (Bosnie), le 29 novembre 1943, le Conseil antifasciste de libération nationale de la Yougoslavie – créé en 1942 par Tito – proclame la non-représentativité du gouvernement de Londres, s'attribue le pouvoir législatif et élit un Comité national qui prend la forme d'un véritable gouvernement provisoire. Tito, qui reçoit alors le titre de maréchal, est nommé président du Comité national.

Toutefois, dans un souci d'efficacité et sous l'influence des Alliés, qui le reconnaissent comme chef de la résistance yougoslave, Tito accepte qu'un accord de coopération soit conclu entre les représentants du Comité national et ceux du gouvernement légal. Mais, après la libération de la Yougoslavie, le maréchal reste le maître incontesté du pays : président du gouvernement formé en mars 1945, il réprime vigoureusement l'opposition intérieure et assure la victoire du Front populaire aux élections de novembre 1945. Le 29 novembre, la République fédérative populaire de Yougoslavie est proclamée. En 1953, à la suite de modifications constitutionnelles, Tito est élu président de la République, tout en restant président du gouvernement fédéral. Après la promulgation d'une nouvelle constitution en 1963, il assume la seule charge de président de la République, mais conserve la haute main sur la direction du parti communiste yougoslave, comme secrétaire général du parti (1937-1966), puis comme président de la Ligue des communistes de Yougoslavie (depuis le 4 octobre 1966). Le 16 mai 1974, il est élu, par le Parlement fédéral, président à vie de la République yougoslave.

Le socialisme selon Tito

L'originalité du régime voulu par Tito consiste dans la recherche d'une voie spécifique pour parvenir au socialisme.

Dans le domaine interne, l'État demeure soumis au régime du parti unique et tout-puissant qui prône la collectivisation. Mais celle-ci est modérée en ce qui concerne l'agriculture ; à partir de 1950, l'autogestion doit favoriser le développement de l'économie et de l'initiative individuelle. C'est, selon Tito, l'« application spécifique » à la Yougoslavie des principes du marxisme. En 1965, une réforme économique jette les bases d'une économie de marché socialiste ouverte aux influences économiques venues de tous les horizons.

La rupture avec l'U.R.S.S. et la politique de non-alignement

En politique étrangère, la farouche volonté d'indépendance nationale de Tito face à tous les blocs l'oppose rapidement aux Soviétiques. La rupture avec l'U.R.S.S. de Staline est consommée dès 1948. Accusé de révisionnisme, le régime de Tito est attaqué avec violence par les staliniens et par l'ensemble des partis communistes européens. De son côté, Tito réprime durement toute manifestation de sympathie à l'égard de l'U.R.S.S.

Cette politique conduit Tito à se rapprocher des démocraties occidentales. En 1951, il libère l'archevêque de Zagreb, Monseigneur Stepinac, emprisonné depuis 1945, et conclut en 1954 un accord avec l'Italie au sujet de Trieste. La Yougoslavie bénéficie en retour d'une importante aide économique de la part des États-Unis et des pays occidentaux.

Après la disparition de Staline, Tito se rapproche de nouveau des dirigeants soviétiques (visite de Khrouchtchev à Belgrade en 1955, de Tito à Moscou en 1972, etc.), mais sans jamais s'aligner sur les positions du Kremlin. En politique étrangère, en effet, Tito est devenu un des chefs de file du mouvement neutraliste et de la politique de non-alignement (conférences de Belgrade en 1961, du Caire en 1964, de Lusaka en 1970). Pour mener celle-ci à bien, le maréchal entreprend de nombreux voyages à travers le monde.

Le combat pour l'unité

Au fil des années, Tito doit lutter en Yougoslavie contre plusieurs tendances centrifuges ou centripètes. En 1954 déjà, Milovan Djilas, le « numéro deux » du régime, est condamné à dix ans de prison pour avoir voulu secouer l'autorité du parti. En 1966, le vice-président Aleksandar Ranković est écarté à son tour, mais cette fois pour excès de « centralisme », tandis que le professeur Mihajlo Mihajlov est condamné pour avoir suivi les traces de Djilas.

À partir de 1970, Tito essaie par tous les moyens de renforcer le pouvoir de l'État fédéral, menacé par les forces nationalistes, centrifuges. C'est surtout en Croatie que ces éléments sont actifs ; mais, à partir de 1971, ils s'étendent à d'autres républiques fédérées (Serbie, Slovénie). Aussi des poursuites atteignent-elles de nombreux dirigeants croates, serbes et slovènes.

Très vite après sa mort survenue en 1980, les faiblesses de ses réalisations, masquées jusqu'alors par sa personnalité exceptionnelle et par la conception personnelle qu'il se faisait de l'exercice du pouvoir, se font jour (phénomènes séparatistes, etc.).

L'œuvre de Tito n'en reste pas moins exemplaire et originale, tant sur le plan du socialisme autogestionnaire que dans le domaine politique et diplomatique.