Joan Miró
Peintre et sculpteur espagnol (Barcelone 1893-Palma, Majorque, 1983).
Peintre à la verve éclatante, lié au surréalisme, Joan Miró inventa un langage plastique qui puise largement aux sources de sa Catalogne natale. Passionné aussi par d'autres formes d'art, il s'illustra notamment dans le domaine de la céramique.
De la Catalogne à la France
Fils d'horloger et petit-fils, par sa mère, d'ébéniste, Joan Miró entre à l'École des beaux-arts de Barcelone en 1907. Il tombe malade en 1911, et part se rétablir dans la ferme de Montroig, propriété de sa famille. Il obtient dès lors de se consacrer entièrement à la peinture, qu'il étudie activement de 1912 à 1915. À la même époque, il se lie avec des artistes catalans, parmi lesquels le céramiste Josep Llorens Artigas.
En visitant les expositions de l'avant-garde française à Barcelone, Miró découvre le fauvisme et le cubisme, dont l'influence est particulièrement sensible dans ses paysages de Montroig, dits « détaillistes » en raison de leur précision presque naïve (la Ferme, 1921-1922, National Gallery of Art, Washington). À Paris, où il s'est établi en 1920, il se lie avec Picasso et André Masson, ainsi qu'avec les représentants du dadaïsme. Il adhère au surréalisme, qui répond à sa tendance à l'onirisme, à son expérience de l'automatisme, générateur d'un humour exemplaire, et à sa quête du merveilleux (le Dialogue des insectes, 1924-1925, collection privée ; le Carnaval d'Arlequin, id., Buffalo ; Personnage lançant une pierre à un oiseau, 1926, MoMA, New York). Il passe l'été à Montroig, donnant alors dans une poétique dont le Chien aboyant à la lune (1926, Philadelphie) est l'expression accomplie.
L'« assassinat de la peinture » ?
Renouant avec une « figuration » toute personnelle, Miró se met à peindre en réponse aux « excitateurs » que sont pour lui les tableaux de grands maîtres (séries des Paysages imaginaires, 1926-1927, et des Intérieurs hollandais, 1928). Dans ses Portraits, la composition du fond en grandes zones de couleur plate suit une pratique issue de l'abstraction. Dans ses « collages », abondants en cette période, on retrouve les éléments constitutifs de son style, mais la manipulation de textures différentes (bois, métal, ficelle, papier) stimule sa connaissance directe des matériaux choisis, toujours d'une grande austérité. C'est à propos de ces œuvres que l'on parlera, à la suite de Miró lui-même, d'un « assassinat de la peinture ».
Les peintures à l'huile qui font suite aux collages comptent parmi les œuvres les plus abruptes et les plus schématiques de l'artiste (Tête d'homme I, 1931, MNAM, Paris). Ses premières lithographies datent de 1930 et sa première eau-forte, de 1933 (Daphnis et Chloé, MoMA).
La femme et le ciel
Le thème de la femme traverse toute l'œuvre de Miró depuis les années 1920 (Baigneuse, 1924, MNAM ; le Corps de ma brune, 1925, collection privée ; Portrait d'une danseuse, 1928, MNAM). Ultérieurement, il réapparaît dans la série des « peintures farouches » (1934-1938), au lyrisme violent : Escargot, Femme, Fleur, Étoile (1934, musée national Centre d'art Reina Sofia, Madrid) donne lieu à un assemblage de signes écrits et de fragments de corps sans rapport logique entre eux. Miró témoigne ici de son inquiétude à l'époque de la guerre civile d'Espagne, qui le contraint à s'expatrier en France.
Au cours de ses séjours à Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime), haut lieu du surréalisme, Miró entreprend la série de vingt-trois gouaches réunies sous le titre les Constellations (1940-1941) ; il les achèvera à Palma de Majorque, où il se fixera en 1956. On peut y voir le plus beau des bouquets qu'il ait cueillis au jardin de ses rêves. Sa poétique se précise : l'étoile, la lune, la femme et les autres personnages conversent, en termes de couleurs riantes ou graves, de lignes se renvoyant, l'une à l'autre, le plus courtois des saluts.
Le nouveau répertoire plastique
En 1942, Miró revient à Barcelone. Cinq ans plus tard, il fait un voyage aux États-Unis, où il aborde la peinture monumentale. Au cours des années 1949-1950 alternent « peintures lentes » et « peintures spontanées » : les premières offrent une suite aussi parfaite que celle des Constellations, en raison de l'attention que Miró porte au dessin et au chromatisme du fond (Composition avec cordes, 1950, Eindhoven) ; les secondes, tout en taches et en éclaboussures, en matériaux divers, annoncent les travaux des années 1952-1954, dans lesquels les concrétions grumeleuses et les tracés opaques voisinent avec un graphisme presque rustique (le Mur du Soleil et le Mur de la Lune, réalisés avec Artigas pour le siège de l'Unesco, à Paris, en 1955-1958). À partir de 1960, en revanche, les peintures – hormis des retours périodiques à des schémas anciens – se distinguent par une nouvelle recherche sur l'espace, souvent monochrome, à peine animé par le mouvement de la brosse ou par quelques accidents symboliques (Bleu I, II, III, 1961, MNAM).
Outre la céramique, Miró s'est beaucoup occupé de sculpture, sur marbre ou sur bronze, en ayant souvent recours à des objets trouvés (Horloge du vent, 1967). Ses dernières œuvres sont des statues monumentales pour Chicago (1981), Houston et Barcelone (1982). À Barcelone existe depuis 1976 une fondation Joan Miró. À Saint-Paul-de-Vence, la fondation Maeght conserve nombre de ses sculptures.
Le « Catalan universel »
Joan Miró est l'exemple même de l'artiste attaché à sa terre natale, génératrice d'émotions créatrices à portée universelle : c'est pourquoi il se revendiqua lui-même comme « Catalan universel ». La ferme familiale de Montroig fut le lieu par excellence où il fit provision de sensations, de formes, de couleurs et de matières consubstantielles à son œuvre. Non seulement les paysages catalans, marqués par l'immensité des ciels et la luxuriance de la végétation, mais aussi les hommes du pays stimulèrent l'inspiration du peintre : rudes figures paysannes dont le Catalan (1925, MNAM) est l'emblème, parmi d'autres tableaux qui s'attachent parfois au visage seul, sinon à un objet (Paysan catalan à la guitare, 1924, id.), ou qui insistent sur l'environnement poétique (Paysan catalan au clair de lune, 1968, id.).