Jacques Tatischeff, dit Jacques Tati
Cinéaste et acteur français (Le Pecq 1907-Paris 1982).
Jacques Tatischeff est né d'un père russe et d'une mère française. Il reste l'exemple d'un inventeur comique, foudroyé, après une période de succès, par les contraintes économiques du cinéma.
Salué de son vivant comme un génie, Jacques Tati s'est ruiné dans une création toujours plus originale et plus perfectionniste : il a lutté jusqu'au bout, malgré la faillite de sa société de production et la vente aux enchères de ses grands films, qui ressortirent pourtant au cinéma et à la télévision quelque temps avant sa mort. On a relevé chez lui l'influence des précurseurs du burlesque français : Jean Durand, Max Linder ; il doit également beaucoup, par son personnage de M. Hulot, au grand Américain Buster Keaton.
De la pantomime sportive au cinéma comique
Dans sa jeunesse, Tatischeff, dit Tati, pratique la boxe, le football, le rugby. En 1931, il se produit dans un numéro de pantomimes sportives et se consacre, ensuite, au cabaret et au music-hall. Il y gagnera ce sens de l'expression corporelle, du gag de situation qui peut se passer de dialogues. De 1932 à 1938, il s'essaie au cinéma comme scénariste et interprète de courts métrages.
Après la guerre, il apparaît comme acteur dans Sylvie et le fantôme (1943) et le Diable au corps (1946) d'Autant-Lara. Il tourne un court métrage, l'École des facteurs, sorte de brouillon de son premier long métrage, Jour de fête, qui, produit et réalisé en 1947 de façon artisanale, est refusé par les distributeurs pendant deux ans. Quand il sort, enfin, c'est la notoriété. Facteur de village sur sa bicyclette Peugeot 1911, Tati joue sans presque parler, construit un univers de mimiques, d'images accompagnées de bredouillis et de murmures.
De Hulot à Monsieur Loyal
L'acteur-réalisateur, devenu brusquement célèbre, invente ensuite, pour les Vacances de M. Hulot (1952), un personnage de bonhomme dégingandé, avançant sur la pointe des pieds, d'une démarche dansante et saccadée, fumant la pipe et portant toujours un drôle de chapeau. Tati est désormais inséparable de Hulot, individu maladroit, innocent, optimiste, refusant les rites bourgeois, les transformations déshumanisantes de la société française : quartiers résidentiels de Mon oncle (1958) ; ville-dédale de Playtime (1967), tourné dans d'immenses et coûteux décors ; mythologie aliénante de l'automobile dans Trafic (1971).
Tout cela forme une suite logique, et les scénarios sans événements, les études de comportement, les dialogues escamotés, la liberté de l'écriture cinématographique (en particulier l'usage des plans larges, et les jeux sur la profondeur du champ sonore) montrent la modernité du comique de Tati. L'échec public et le déficit financier de Playtime compromettent ses activités. Trafic, film à petit budget, est le chant du cygne. Tati tourne en 1974 à Stockholm, en vidéo mobile, sa dernière œuvre, Parade, spectacle de variétés où Hulot est Monsieur Loyal.