Henri Poincaré
Mathématicien français (Nancy 1854-Paris 1912).
Qualifié parfois de « dernier savant universel », il a abordé tous les domaines des mathématiques mais s'est particulièrement distingué par ses apports à la géométrie algébrique, à la physique et à l'astronomie. Ses réflexions épistémologiques ont aussi contribué à sa notoriété.
L'enseignant
Issu d'une famille de la bourgeoisie lorraine, Henri Poincaré, après de brillantes études secondaires au lycée de sa ville natale, qui révèlent déjà ses aptitudes en mathématiques, est reçu en 1873 premier à l'École polytechnique et cinquième à l'École normale supérieure. Il choisit la première école, dont il sort deuxième et opte pour le corps des Mines, dans lequel il restera toute sa vie et dont il deviendra inspecteur général en 1910. Cependant, à partir de 1879, il est continuellement détaché auprès de l'Université, dans des fonctions enseignantes. Pendant son séjour à l'École des mines, il a obtenu en 1876 la licence ès sciences ; en 1879, il soutient sa thèse Sur les propriétés des fonctions définies par des équations aux dérivées partielles. Chargé de cours d'analyse à la faculté des sciences de Caen (1879-1881), il devient successivement maître de conférences d'analyse à la faculté des sciences de Paris (1881-1885), chargé d'un cours de mécanique physique et expérimentale dans cette même faculté (1885-1886), puis professeur de physique mathématique et de calcul des probabilités (1886-1896), enfin professeur d'astronomie mathématique et de mécanique céleste de 1896 jusqu'à sa mort. Répétiteur d'analyse (1883-1897) et professeur d'astronomie générale (1904-1908) à l'École polytechnique, il enseigne de plus l'électricité théorique à l'École supérieure des postes et télégraphes de 1902 à 1912.
Le chercheur
Les premiers travaux de Poincaré concernent la théorie des équations différentielles (pour lesquelles il donne en 1881 une méthode générale de résolution), la théorie générale des fonctions analytiques d'une ou plusieurs variables, la mécanique analytique et la mécanique céleste, l'algèbre et la théorie des nombres. En analyse, il crée la théorie des fonctions qu'il nomme « fuchsiennes » en hommage à Lazarus Fuchs (1833-1902), dont il a utilisé les travaux. Ces fonctions permettent d'exprimer les solutions de toute équation différentielle linéaire à coefficients algébriques et résolvent en même temps le problème de l'uniformisation des fonctions algébriques. Poincaré établit aussi l'existence d'un autre type de fonctions particulières, les fonctions « kleinéennes ». À partir de 1894, il fonde la topologie algébrique. Il fournit enfin d'importantes contributions à la géométrie non euclidienne, à la théorie des nombres et au calcul des probabilités.
En physique, les recherches de Poincaré portent sur l'optique, l'électricité (il résout l'« équation des télégraphistes », qui décrit la propagation électrique dans un conducteur), la propagation de la chaleur, les ondes hertziennes, la thermodynamique et la théorie des quanta. Ses doutes sur l'existence de l'espace absolu, du temps absolu et de l'éther, ses travaux sur les transformations de Lorentz et le principe de relativité préfigurent certains aspects de la relativité restreinte. Mais, s'il s'approche des conceptions d'Einstein, il n'a pas l'audace nécessaire pour franchir le pas et nier par exemple la simultanéité absolue, à distance, des phénomènes.
En mécanique céleste, Poincaré étudie les figures d'équilibre d'une masse fluide en rotation, contribue à la théorie des marées et surtout apporte une solution partielle au difficile problème des trois corps (étude des mouvements de trois masses ponctuelles soumises à leurs seules attractions mutuelles suivant la loi de Newton), remportant à ce titre en 1889 un prix créé par le roi de Suède et de Norvège. Ses recherches sur la stabilité du Système solaire l'amènent à noter un phénomène fondamental d'instabilité, la sensibilité aux conditions initiales, et font de lui un pionnier de la théorie du chaos.
Le philosophe
Si son œuvre scientifique ne reste accessible qu'aux spécialistes, Poincaré va, en revanche, exercer une profonde influence sur le grand public cultivé et les milieux enseignants par ses réflexions épistémologiques. Son œuvre philosophique est constituée d'articles de revues réunis en plusieurs volumes à la fin de sa vie (la Science et l'hypothèse [1902], la Valeur de la science [1905], Science et méthode [1908], Dernières Pensées [1913]). Au début du xxe s., il participe activement aux débats entre spécialistes sur les fondements des mathématiques et s'oppose notamment au logicisme de Bertrand Russell.
Marié en 1881, Poincaré a trois filles et un fils. Admis à l'Académie des sciences en 1887, il est élu à l'Académie française en 1908, au fauteuil de Sully Prudhomme. À sa mort, en 1912, des suites d'une opération de la prostate, il laisse une œuvre considérable, représentant une trentaine de volumes et près de 500 articles ou mémoires.
La conjecture de Poincaré
Une sphère usuelle présente la propriété d'être le seul espace bidimensionnel fermé dépourvu de trous. Cette propriété se conserve-t-elle pour des espaces de dimensions supérieures ? Tel est, énoncé le plus simplement possible, le problème de topologie qu'a posé Poincaré en 1904 et dont la démonstration complète a donné du fil à retordre aux mathématiciens pendant un siècle. Démontrée d'abord pour toutes les dimensions supérieures ou égales à 5, en 1961, puis pour la dimension 4, en 1982, cette conjecture a été enfin démontrée pour la dimension 3 par le Russe Grigori Perelman (né en 1966), dans trois articles publiés sur Internet entre 2002 et 2004. Après vérification par les meilleurs spécialistes, ce résultat a été annoncé en 2006. Perelman, désigné comme lauréat de la médaille Fields, a refusé cette récompense et la coquette somme qui l'accompagnait, tout comme le million de dollars promis par le Clay Mathematics Institute de Cambridge (États-Unis) à qui triompherait de la fameuse conjecture. Il fuit, en effet, les honneurs comme les interviews.