George Washington
Général et homme d'État américain (comté de Westmoreland 1732-Mount Vernon 1799), premier président des États-Unis (1789-1797).
Introduction
Chez George Washington, l'homme se cache derrière le mythe. En effet, le chef de l'armée américaine pendant la guerre d'Indépendance, le premier président des États-Unis est entré dans une sorte de légende dorée. Des anecdotes, très souvent inventées, ont fait de lui un surhomme : enfant, il ignorait le mensonge ; jeune homme, il était d'une force exceptionnelle ; au combat, les coups de l'adversaire ne l'atteignaient pas ; dans l'exercice de ses fonctions, il manifestait un sens du devoir remarquable, la piété la plus profonde. Plus grand mort que vivant, Washington est l'objet d'un véritable culte : des universités, des cours d'eau, des montagnes, des comtés, des rues et des avenues, des villes (dont la capitale fédérale) et des villages, sans oublier l'État de la côte pacifique, portent son nom. Pour les Américains à la recherche d'une épopée nationale, il est un trait d'union : son anniversaire est la seule fête qu'avec le 4 juillet tous les États de l'Union célèbrent chaque année.
Les origines
George Washington est né le 22 février 1732 dans le comté de Westmoreland, en Virginie. Ses ancêtres avaient quitté l'Angleterre au milieu du xviie s. pour chercher fortune de l'autre côté de l'Atlantique, mais, s'ils avaient acquis le rang d'honorables « bourgeois », leur aisance ne dépassait pas un niveau médiocre. Son père, Augustin Washington, avait eu deux fils de son premier mariage, puis, devenu veuf, il se remaria en 1729 avec Mary Ball (1708-1789) : George fut leur aîné. Ses parents possédaient quelques centaines d'hectares : dans l'Amérique coloniale, c'était peu. Aussi le jeune homme dut-il se contenter d'apprendre des rudiments de mathématiques et de latin auprès de sa mère : l'université coûtait trop cher, et lui-même manifestait un goût relatif pour les études ou les exercices intellectuels. Lorsque son père meurt en 1743, le voici contraint de ne compter que sur sa ténacité et le hasard pour se faire une situation.
De fait, George Washington a bénéficié de l'aide de son demi-frère, Lawrence (?-1752), qui lui a beaucoup appris, lui a donné le goût des choses militaires, l'a introduit dans l'entourage des Fairfax, les plus riches propriétaires en Virginie, et lui a laissé en héritage sa plantation de Mount Vernon. Bien conseillé, George se livre à d'habiles spéculations : en tant qu'arpenteur, il accompagne les Fairfax, en 1748, dans la vallée de la Shenandoah et trace les limites de la future ville d'Alexandria ; il ne tarde pas à recevoir les fonctions d'arpenteur officiel du comté de Culpeper, au pied des montagnes (1749). En 1751, il s'associe à la Compagnie de l'Ohio, qui détient des droits sur 200 000 acres de l'autre côté des Appalaches. À vingt ans, il possède près de 2 500 ha de terres et s'intéresse de près à l'expansion vers l'Ouest.
Mais cette expansion se heurte à des obstacles : les Indiens, les autres colonies et surtout les Français, qui, venus du Canada, revendiquent la propriété de toute la vallée de l'Ohio. En 1753, Washington se rend en mission auprès d'eux et rapporte l'impression qu'un grave péril menace la Virginie. L'année suivante, il commande une petite expédition que les Virginiens ont envoyée jusqu'aux fourches de l'Ohio pour chasser les Français : c'est un échec. En 1755, le général Edward Braddock arrive d'Angleterre avec 1 400 hommes ; Washington, à la tête de 450 miliciens, se joint à Braddock, qui, au sud-est de Fort Duquesne, subit une sanglante défaite (9 juillet 1755). Il est vrai que cette victoire reste sans lendemain : les Français doivent évacuer la région en 1758. Un an plus tard, Washington renonce à la carrière militaire et préfère se consacrer à ses plantations, d'autant plus qu'il vient de se marier avec Martha Dandridge Custis.
L'entrée dans la vie politique et la lutte pour l'indépendance
Gentleman-farmer, Washington a dès lors trois centres d'intérêt : ses domaines, sa vie familiale, ses activités politiques. Il continue, en effet, de spéculer, veille au bon rendement de ses exploitations et procède à des expériences agronomiques. Pour les deux enfants que Martha a eus de son premier mariage, il éprouve une profonde affection ; ses nièces et ses neveux, d'innombrables invités contribuent à donner à Mount Vernon une grande animation. Depuis 1758, Washington siège à la Chambre des bourgeois, l'Assemblée de la Virginie : parlementaire assidu et réfléchi, il ne brille pas par son éloquence ni par l'extrémisme de ses opinions. Toutefois, s'il admire la civilisation britannique, il n'en demeure pas moins attaché à sa colonie et, à mesure que les événements se succèdent, aux intérêts de l'ensemble des colonies de l'Amérique du Nord. En septembre 1774, il représente la Virginie au premier congrès continental de Philadelphie. Le 15 juin 1775, il reçoit du deuxième Congrès le commandement en chef de l'armée continentale. C'est que la « rébellion » a commencé dans le Massachusetts : après la fusillade de Lexington (19 avril 1775), les Bostoniens sont assiégés par les troupes royales. Il faut aider les insurgents du Nord : pour cela, il est nécessaire de mettre sur pied une armée, de confier son commandement à un homme du Sud, donc de la Virginie, riche de préférence pour qu'il ne s'accroche pas à ses fonctions, patriote et expérimenté. Le choix de Washington est moins surprenant qu'on ne le croirait.
Mais sa tâche est difficile. Les objectifs de sa mission ne sont pas fixés, sinon à court terme : l'indépendance est proclamée l'année suivante seulement ; l'aide française n'est acquise qu'en 1778 ; les Américains eux-mêmes ne sont pas tous décidés à combattre et sont peu disposés à consentir les sacrifices indispensables. Comment organiser une véritable force militaire ? Washington voudrait des effectifs d'au moins 20 000 hommes : au mieux, il commande à 17 000 soldats ; encore les désertions sont-elles nombreuses et les effectifs se dégonflent-ils dès le retour de l'automne. Le ravitaillement, l'équipement sont distribués chichement par un Congrès assez peu unanime ; l'instruction dépend des officiers étrangers. Malgré tout, Washington donne à son pays une armée. La guerre qu'il mène est surtout défensive : échapper à l'ennemi, lui montrer sans relâche que les Américains continuent le combat, lancer des coups de main. Washington découvre, sans le comprendre clairement, les effets de la guérilla. Il saisit en même temps toutes les occasions qui s'offrent à lui, profite des erreurs de ses adversaires et convainc ses alliés français, en 1781, qu'il faut attaquer immédiatement les troupes de Charles Cornwallis, enfermées à Yorktown (19 octobre). Il a été l'homme de la situation, et son nom mérite de figurer parmi ceux des grands chefs militaires.
En décembre 1783, Washington prend congé de ses officiers, remet son commandement au Congrès et décide, maintenant que la guerre est finie, de se retirer à Mount Vernon. Malgré les suggestions de certains, il ne cherche pas à s'emparer du pouvoir : s'il doit choisir un modèle parmi les héros de l'Antiquité, ce n'est pas Jules César, mais Cincinnatus qu'il imitera. Pourtant, l'heure du repos n'a pas encore sonné. La Confédération n'est pas assez forte pour imposer aux États une politique extérieure commune ou pour empêcher les différends. La Virginie et le Maryland se querellent à propos de l'utilisation du Potomac ; des conciliateurs se réunissent en 1785 chez Washington et décident d'appeler les représentants d'autres États à débattre du problème de l'Union. La convention a lieu en 1787 à Philadelphie : tout naturellement, les débats sont présidés par Washington, qui donne aux séances l'éclat de son prestige personnel. Une fois que la nouvelle Constitution est adoptée, la première élection présidentielle ne laisse aucun doute : la place revient à Washington. Celui-ci entre dans ses fonctions le 30 avril 1789.
Le président
C'est alors que les difficultés commencent pour le héros de la guerre d'Indépendance : il est plus facile, sans doute, de sauver sa patrie que de la gouverner. Si Washington refuse de céder à la tentation de créer à son profit un régime monarchique, il s'emploie à renforcer la fonction présidentielle. Dans son cabinet siègent Thomas Jefferson, le défenseur de la démocratie agraire et des droits des États, et Alexander Hamilton, qui voudrait transformer les États-Unis en une puissance industrielle et financière tout en accroissant l'influence du pouvoir fédéral. Entre les deux hommes le conflit éclate : Washington tranche en faveur de Hamilton et des fédéralistes. Les jeffersoniens, ou républicains-démocrates, ne lui ménagent pas leurs critiques. D'ailleurs, la politique étrangère accentue encore la division du pays : les jeffersoniens réclament l'intervention militaire des États-Unis auprès de la France révolutionnaire ; les hamiltoniens prônent la neutralité et le rapprochement avec la Grande-Bretagne : une fois de plus, c'est aux seconds que Washington donne raison.
En 1794, Washington signe avec l'ancienne puissance coloniale un traité qui règle le contentieux anglo-américain : il est accusé de brader les intérêts des États-Unis. Lui qui, en 1792 a accepté, non sans réticences, de remplir un deuxième mandat présidentiel, vit quatre années particulièrement difficiles. Mais il crée des précédents que les États-Unis suivront au xixe s. et dans la première moitié du xxe s. : dans son discours d'adieu, qu'il fait paraître en septembre 1796, il recommande à son pays de ne pas souscrire d'alliances permanentes ; il refuse un troisième mandat ; il respecte scrupuleusement les termes de la Constitution ; il donne à la présidence une réalité politique.
En 1798, le temps d'une brève crise internationale, il est rappelé au commandement en chef des troupes américaines. Mais la retraite, cette fois-ci, a vraiment commencé. Elle s'achève brutalement : le 14 décembre 1799, George Washington meurt à Mount Vernon, où il sera inhumé.
Après sa mort, les Américains oublièrent les attaques dont il fut l'objet et les critiques qui l'avaient assailli de son vivant. Ils ne retinrent que ses hauts faits, négligeant – à n'en pas douter – que Washington fut essentiellement l'homme de son temps et de son milieu.