Didier Daeninckx

Écrivain français (Saint-Denis, Seine-Saint-Denis, 1949).

Vers le roman noir

Didier Daeninckx grandit à Stains entre une famille paternelle anarchiste et une famille maternelle communiste. « Considéré comme un coco par les anars et comme un nanar pour les cocos, alors [qu’il se dit] anarco », il développe très jeune un goût certain pour la dénonciation des injustices, quelles qu’elles soient.

Il quitte l’école pour devenir ouvrier dans une imprimerie, puis fait de l’animation culturelle. Journaliste localier, il enquête sur les faits divers qu’il doit relater. En 1977, pour la première fois au chômage, il comble « ce trop-plein [de temps] par l’écriture » de son premier roman, Mort au premier tour, publié difficilement cinq ans plus tard et dans lequel apparaît le personnage central de l’inspecteur Cadin, un jeune inspecteur de gauche névrosé, qui finira par se suicider, dans la nouvelle le Facteur fatal (1990).

Il entame en 1983 une contribution à la « Série noire » de Gallimard, avec Meurtres pour mémoire, roman qui dénonce la répression de la manifestation du FLN, le 17 octobre 1961.

La colère, pour la vérité

Si Daeninckx ne se veut pas auteur engagé, son roman policier tente de renouveler les stéréotypes du genre et engage le lecteur ; on revisite l'histoire récente pour mieux la décoder : « la littérature est là pour décentrer le regard et faire apparaître, sauver ce qui est voué à la dissimulation ». Il « ne sai[t] [s’il] écri[t] "pour mémoire", mais [il est] persuadé d’écrire contre l’oubli ». Si l'arme peut être l'humour noir, le moteur est la colère.

Il condamne le négationnisme, notamment dans deux épisodes du « Poulpe » : Nazis dans le métro (1996) et l’Éthique en toc (2000) et rouvre infatigablement des chapitres méconnus de l'histoire récente : le Géant inachevé (1984) fustige les élus corrompus, le Der des ders (id.) dénonce les « fusillés pour l’exemple » de 1917, Métropolice (1985) augure les attentats terroristes du métro parisien, le Bourreau et son double (1986) revient sur les horreurs de la guerre d’Algérie, Lumière noire (1987) évoque la politique des charters d’immigrés, Cannibale (1999) dénonce l’exhibition des Kanaks lors de l’exposition coloniale de 1931, La route du Rom (2003), se penche sur les camps de Roms durant la Seconde Guerre mondiale, Itinéraire d'un salaud ordinaire (2006) interroge le devoir d'obéissance à travers la figure d'un fonctionnaire docile et sans scrupules, Galadio (2010), traite d'un métis germano-africain, adolescent durant la montée du nazisme. Citons également la Mémoire longue : Textes et images 1986-2008, fruit de 20 ans d’enquêtes.

Ce compagnon de route du Parti communiste, volontiers au cœur de polémiques, est aussi l’auteur de nombreuses nouvelles (Zapping, 1992 ; En marge, 1993), d’ouvrages pour enfants (le Chat de Tigali, 1990), de bandes dessinées avec Tardi (le Der des ders, 1997 ; Varlot soldat, 1999) et Mako (le Train des oubliés, 2003), d’ouvrages en collaboration avec le photographe Willy Ronis (À nous la vie !, 1996), de pamphlets (Jirinovski, le Russe qui fait trembler le monde, 1994), d'un scénario pour la télévision (Novacek, 1994), et de fictions radiophoniques. Il est couronné de prix, ayant reçu notamment le prix Paul-Féval de littérature populaire, pour l’ensemble de son œuvre.