Danielle Darrieux
Actrice de cinéma et de théâtre française (Bordeaux 1917-Bois-le-Roi, Eure, 2017).
Précocement talentueuse
Élève du Conservatoire de musique, elle est choisie – à quatorze ans ! – pour être la vedette de la version française du Bal, de Wilhelm Thiele (1931). C'est un succès, qui lui vaut une cascade d'engagements : on la revoit dans Panurge (Michel Bernheim, 1932), Château de rêve (G. von Bolvary, 1933), Mon cœur t'appelle (C. Gallone, 1934) et autres comédies plus ou moins « légères » coulées dans le même moule. Son emploi est celui de la jeune fille frondeuse, pétulante, sentimentale sous le masque de la coquetterie. Un titre de film qu'elle tourne en 1935, pour Léo Joannon, résume bien son personnage : Quelle drôle de gosse ! De ce début de carrière, on retiendra surtout Mauvaise Graine et La crise est finie, films tournés en France en 1934 par Billy Wilder et Robert Siodmak.
La « coqueluche de Paris »
Mayerling, d'Anatole Litvak (1936), son premier rôle dramatique, la sacre définitivement star. L'Amérique la réclame et en fait la « coqueluche de Paris » (The Rage of Paris, H. Koster, 1937). Elle épouse Henri Decoin, cinéaste prolifique qui peaufine ses rôles dans des mélodrames de qualité, tels Abus de confiance (1937) et Retour à l'aube (1938). Mais c'est la comédie qui lui sied le mieux, comme en témoigne le brillant doublé Battement de cœur (1940) et Premier Rendez-vous (1941), deux nouveaux grands succès pour le couple Decoin-Darrieux, qui cependant se sépare (ils se retrouveront dix ans plus tard pour la Vérité sur Bébé Donge, 1952, dans un registre nettement assombri).
Au lendemain de la guerre, Danielle Darrieux évolue vers des compositions plus nuancées : la reine de Ruy Blas (P. Billon, 1948) et surtout la jeune épouse infidèle de la Ronde (Max Ophuls, 1950). C'est avec ce dernier qu'elle va pleinement s'épanouir, dans deux rôles à la charnière de l'ironie et du sublime : la fille en mal de pureté du Plaisir (1952) et la frivole Madame de, prise au piège du grand amour (1953). La même année, avec un autre « cinéaste de la femme », Joseph L. Mankiewicz, elle affronte James Mason dans l'Affaire Cicéron.
Un succès transgénérationnel
Le reste de sa carrière n'atteindra pas de tels sommets, bien qu'elle se maintienne à un niveau estimable : elle incarne successivement Mme de Rênal (le Rouge et le Noir, C. Autant-Lara, 1954), Lady Chatterley (l'Amant de lady Chatterley, M. Allégret, 1955), la Montespan (l'Affaire des poisons, H. Decoin, id.), Agnès Sorel (Si Paris nous était conté, S. Guitry, 1956), la reine Olympias de Macédoine (Alexandre le Grand, R. Rossen, id.), Mme Hédouin (Pot-Bouille, J. Duvivier, 1957), Marie-Octobre (Marie-Octobre, id., 1959)... La nouvelle vague ne la néglige pas ; elle tourne avec Claude Chabrol (Landru, 1962), Jacques Demy (les Demoiselles de Rochefort, 1967), Dominique Delouche (24 Heures de la vie d'une femme, 1968 ; Divine, 1975), Philippe de Broca (le Cavaleur, 1979).
Mais c'est surtout au théâtre, où elle avait débuté en 1937, qu'elle va se consacrer à partir des années 1960 : la Robe mauve de Valentine, Domino, les Amants terribles, Coco, Ambassador, Harold et Maude ou encore Oscar et la dame rose, pour lequel elle obtient le Molière de la meilleure comédienne en 2003. Elle a même été jusqu'à Broadway, remplaçant au pied levé Katharine Hepburn (qui fut l'idole de sa jeunesse). Demy lui offre un beau retour à l'écran dans Une chambre en ville, en 1982. Celle dont Claude-Jean Philippe a déclaré qu’elle « a incarné comme Gabin, autant que lui mais de façon légère, l'insouciance des années 1930 et la gravité des années 1950 », continuera pourtant de tourner avec des réalisateurs de la nouvelle génération. Parmi ses films les plus récents, où elle passe avec aisance de la comédie au drame et peaufine son image d'actrice élégante et spirituelle, citons notamment le Lieu du crime (A. Téchiné, 1986), Corps et Biens (B. Jacquot, id.), Quelques jours avec moi (C. Sautet, 1988), Bille en tête (C. Cotti, 1989), le Jour des Rois (M.-C. Treilhou, 1990), les 101 recettes d'un cuisinier amoureux (N. Djordjadze, 1996), Ça ira mieux demain (J. Labrune, 2000), 8 femmes (F. Ozon, 2002), Nouvelle chance (A. Fontaine, 2006).