Charles-Ferdinand Ramuz
Écrivain suisse de langue française (Lausanne 1878-Pully, près de Lausanne, 1947).
Inventeur d'une langue romanesque originale, Charles-Ferdinand Ramuz a composé une œuvre qui, consciente du sens tragique de la vie, en célèbre les valeurs élémentaires. Il fut le plus productif et demeure le plus important des écrivains de Suisse romande.
La tentation mystique
Charles-Ferdinand Ramuz est petit-fils de paysans, et son père vend des denrées coloniales à Lausanne. Après ses études de lettres et un passage à Weimar comme précepteur, il s'installe à Paris – où il vivra de 1902 à 1914 –, abandonnant rapidement sa thèse de doctorat sur Maurice de Guérin, qu'il prépare à la Sorbonne, pour mener une existence tout entière vouée à la création. Il écrit alors des poèmes (le Petit Village, 1903), puis une série de romans réalistes, dont Aline (1905), qui, à travers le sobre récit d'une histoire d'amour tragique, procède à une véritable critique sociale. Avec Aimé Pache, peintre vaudois (1912), roman autobiographique, Ramuz, admirateur de Cézanne, qu'il voulait « imiter » à sa manière, montre son attachement à la peinture. Vie de Samuel Belet (1913) clôt cette première série de romans, dont la langue âpre, prenant déjà des libertés avec la syntaxe traditionnelle, n'a pas l'heur de plaire à la critique parisienne.
De retour en Suisse, Ramuz fonde en 1914, avec les écrivains Paul Budry (1883-1949) et Edmond Gilliard (1875-1969), les Cahiers vaudois (1914-1919). À l'instar de la Voile latine (1904-1910) – que Ramuz avait créée avec, notamment, Charles-Albert Cingria –, cette revue se veut un organe favorisant l'autonomie de la littérature romande : autonomie par rapport aux normes parisiennes, par rapport aux exigences morales, encore fort ancrées en Suisse romande, et par rapport au patriotisme bien-pensant, très répandu parmi les écrivains de son pays. La Première Guerre mondiale et le retour au pays coïncident pour Ramuz avec le début d'une maturation intérieure, ainsi que d'une période mystique et lyrique (Règne de l'esprit malin, 1917 ; la Guérison des maladies, id. ; les Signes parmi nous, 1919).
Le retour au réalisme
C'est en 1918 que Ramuz connaît la célébrité, avec l'Histoire du soldat, mise en musique par Stravinsky. La pièce, qui tient à la fois du théâtre de marionnettes et de la commedia dell'arte, est sans doute l'œuvre la plus originale qui ait vu le jour en Suisse romande. Aux romans empreints de symbolisme, comme Passage du poète (1923) ou l'Amour du monde (1925), succède de nouveau le plus parfait réalisme, dont témoignent les romans de la maturité : la Grande Peur dans la montagne (1926), la Beauté sur la terre (1928), Farinet ou la Fausse Monnaie (1932), Derborence (1936), Si le soleil ne revenait pas (1939). Le récit présente alors des caractéristiques du « roman parlé » tel qu'il est développé, en France, par Louis-Ferdinand Céline. Les intrigues, très souvent situées en montagne et accordant une large place au déchaînement des forces naturelles, s'organisent autour d'humbles personnages (s'exprimant à travers un « on » anonyme), reflétant la vie rurale dans le pays de Vaud ou le Valais. Si ces romans valent à Ramuz d'être considéré à tort, en Suisse alémanique notamment, comme un écrivain régional, ils visent toujours l'universalité et mettent en scène les drames humains, la passion, la folie, la souffrance et la mort.
Vers la fin de sa vie, Ramuz, auteur également d'importants essais et d'écrits autobiographiques (Taille de l'homme, 1935 ; Besoin de grandeur, 1937, Journal, 1941), devient – pour reprendre le mot d'André Rouveyre (1879-1962) à propos de Gide – une sorte de « contemporain capital » de la vie littéraire et culturelle romande. Son autorité persistera longtemps après sa mort : en 2005, il fera ainsi son entrée dans la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade des éditions Gallimard.