César Chesneau Dumarsais
Grammairien français (Marseille 1676-Paris 1756).
Oratorien, il quitte Marseille et vient étudier le droit à Paris. Avocat en 1704, puis précepteur, il écrit en 1722 une Nouvelle Méthode pour apprendre la langue latine, dans laquelle il met au point une démarche (la déconstruction de l'ordre des mots latins), qui devait être attaquée par Pluche et par Chompré, et qui devait influer considérablement sur ses théories ultérieures concernant la syntaxe. Son œuvre de grammairien témoigne de ses options philosophiques. Dans sa Grammaire générale (publiée par Beauzée en 1767) comme dans ses articles de l'Encyclopédie (« Césure », « Citations », « Conjugaison », « Construction » notamment), il élabore une théorie du langage qui doit paradoxalement à la fois à Locke, à Descartes et aux grammairiens de Port-Royal.
Privilégiant la raison et la pensée, selon lui antérieures au langage, il est conduit à voir l'ordre « naturel » des mots dans l'ordre des mots du français (sujet-verbe-objet) qui, « énonçant les mots suivant l'ordre successif de leurs rapports, nous le présente de la manière la plus propre à nous faire apercevoir ces rapports et à faire naître la pensée totale ». Il affirme ainsi la coupure entre la rhétorique (qui s'écarte de la construction simple) et la grammaire, et la primauté du français sur les autres langues (langues à inversion). Il se sépare nettement de l'abbé Batteux et de Condillac dont il tente pourtant d'intégrer certaines avancées. Il distingue, comme Condillac, la construction d'une phrase de la syntaxe de la langue, progrès théorique dont l'enjeu est l'autonomisation du champ de la linguistique par rapport à celui de la logique, et introduit le concept de complément dont on peut voir la maturation dans tout le développement de la grammaire française de cette époque.
Les thèses de Dumarsais seront « gauchies » vers la logique, dans un sens cartésien, par Beauzée qui continue son œuvre dans l'Encyclopédie. Ces conceptions marquent aussi le Traité des tropes (1730), le meilleur ouvrage de rhétorique du siècle. Dumarsais y donne une classification des figures du discours qu'il définit comme écart, non par rapport au langage courant, mais par rapport « aux manières de parler qui expriment le même fond de pensée sans avoir d'autre modification particulière ». La marque de l'énonciation, de l'émotion du locuteur, est donnée comme seconde par rapport à la pensée (Rousseau adoptera une explication exactement contraire).