Basho Matsuo
Poète, peintre et moine bouddhiste japonais (Veno, province d'Iga, 1644-Osaka 1694).
Matsuo Basho, de son temps, fut considéré comme l'un des « six sages du haïku » (le haïku est un genre poétique). Aujourd'hui, on le compte parmi les trois grands écrivains de l'époque des Tokugawa, aux côtés de Saikaku et de Chikamatsu. C'est que Basho a su élever le haïku au rang d'un art, alors qu'avant lui ce genre ne pouvait prétendre qu'à celui de prouesse stylistique.
Le haïku et le génie de Basho
Le haïku apparaît au xvie s. Il est une forme dérivée du tanka (poème court de 31 syllabes combinées selon la formule : 5.7.5/7.7). Le haïku se compose de 17 syllabes et se découpe suivant le schéma : 5.7.5. Les limites de ces combinaisons phonétiques sont évidentes. Aussi, le haïku, qui à l'origine avait essentiellement un caractère comique, ne fut-il pendant longtemps qu'un simple jeu de l'esprit, où se distinguaient des virtuoses tel Saikaku. Il est écrit dans un style familier et, contrairement au tanka, il utilise des mots empruntés au chinois. Tout l'art de Basho fut de ne pas limiter le haïku à un exercice de style. Sa sensibilité n'est jamais prisonnière du cadre strict des 17 syllabes. Bien au contraire, elle s'en sert pour atteindre un degré de pureté plus grand.
La vie et l'œuvre de Basho
Fils d'une famille de bushi (guerriers), Basho reçoit en même temps que son seigneur l'enseignement d'un disciple du poète Kitamura Kigin. À vingt-deux ans, libéré de la tutelle féodale par la mort de son suzerain, il prend l'habit de moine et se rend à Kyoto, où il étudie sous la direction de Kigin. Sept ans plus tard, il quittera Kyoto pour Edo ; c'est alors qu'il publiera son premier recueil de poèmes. Même si ces premières tentatives poétiques sont souvent empreintes de l'influence de Kigin, le style personnel de Basho s'y dessine déjà. À partir de 1681, il mène une vie consacrée à l'étude, à la méditation, à la poésie, dans un « ermitage au bananier » situé dans un faubourg d'Edo. Il ne quitte sa retraite que pour de longs voyages, solitaires le plus souvent, qui lui inspireront ses chefs-d'œuvre : les kiko (carnets de voyages). Il s'agit de journaux de voyage poétiques, écrits dans une prose rythmée, entrecoupée de haïku, qui en quelques syllabes suspendent le temps du récit. Bien plus que la description d'un paysage, chaque haïku est la cristallisation d'un sentiment, d'une impression, d'une émotion face à ce paysage. Le texte lui-même, en prose rythmée, tantôt description, tantôt méditation, sert de support au haïku. Il en dévoile le sens et le met en valeur. Le plus célèbre de ces kiko (la Route étroite des provinces du Nord) évoque les impressions recueillies au cours d'un voyage dans les montagnes du Nord et du Centre (1689). Cette route passait à travers des sites célèbres dans l'histoire et la littérature. De nos jours, elle est jalonnée de stèles portant gravés des haïku de Basho tels :
« Le silence !
Vrillant le roc
Le cri des cigales »
C'est au cours d'un de ces voyages que Basho mourra, à Osaka, chez la poétesse Sono-Jo, en 1694. Mais son œuvre se poursuivra : ses disciples, notamment Enomoto Kikaku, composeront des recueils de haïku, mêlant leurs vers à ceux du maître. Shomonshichi (1774) est la plus fameuse de ces anthologies.
La difficulté est grande de reproduire les haïku sortis de leur contexte en prose rythmée. Pourtant, même dans ces conditions, la beauté de certains poèmes reste entière. Basho n'a pas cherché à se dégager du carcan formel du haïku. L'assimilant parfaitement, il a su faire un moyen de ce qui était une fin chez ses prédécesseurs : trouver des rythmes, des images, les ordonner en 17 syllabes. Chez Basho, la contrainte stylistique n'est pas une entrave. Le dépouillement, la simplicité de la forme font jaillir une force évocatrice, une sensibilité jamais égalées chez les autres auteurs de haïku.