Valentin de Boulogne
dit Valentin
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre français (Coulommiers 1591 – Rome 1632).
Le prénom Moïse qu'on donnait parfois à Valentin provient d'une déformation du terme Monsu (" Monsieur ") qui précède souvent les noms des Français dans les textes romains du xviie s. On ne connaît rien de la première formation du peintre, issu d'une famille d'artisans et d'artistes établie en Brie depuis le xve s. On ne sait quand il gagne Rome : selon Sandrart, il y était arrivé avant Vouet, avant 1614 donc. On ne rencontre pourtant son nom dans les documents d'archives qu'à partir de 1620. Il est possible que le peintre ait fréquenté l'atelier de Manfredi, mais rien ne l'atteste ; il semble avoir fréquenté davantage les peintres nordiques que les Français et est affilié à partir de 1624 à l'Académie des Bentvögels, où il reçoit le surnom d'Inamorato (l'" amoureux "). On connaît très mal la carrière de Valentin, qui ne devait plus quitter Rome et y mourir. Son activité de peintre n'est documentée que dans les 5 dernières années de sa vie, où il est en rapport étroit avec le milieu, francophile et ami des arts, de la famille Barberini, notamment avec le cardinal Francesco, son principal mécène : de 1627 datent un David et une Décollation de saint Jean-Baptiste (perdue) ; de 1628, l'Allégorie de Rome (Rome, Villa Lante) ; de 1630, un Samson (musée de Cleveland). Le Martyre des saints Procès et Martinien (1629, Vatican), peint pour la basilique Saint-Pierre (en remplacement d'un tableau commandé, en un premier temps, à l'Albane) et comparé par tous les " curieux " au Martyre de saint Érasme de Poussin mis en place l'année précédente, témoigne de la renommée de Valentin dans la Rome artistique de son temps. Baglione nous raconte les circonstances de la mort du peintre, consécutive à un bain glacé dans une fontaine pris après avoir trop bu, et indique que Cassiano dal Pozzo, l'un de ses mécènes, pourvut aux frais des obsèques. Les scènes de taverne et les réunions musicales restent les plus nombreuses et les plus caractéristiques de l'art de Valentin et ont contribué à répandre la légende du peintre indépendant, à l'existence bohème et dissipée. Citons au Louvre 2 Concerts, la Réunion dans un cabaret, la Diseuse de bonne aventure, autrefois coll. Schönborn à Pommersfelden, auj. dépôt à Toronto, Art Gallery of Ontario, la Réunion avec une diseuse de bonne aventure (1631 ?), à Dresde (Gg) le Tricheur. Mais l'auteur de l'Allégorie de Rome, audacieuse traduction d'une allégorie dans le langage " vériste " des caravagesques, est aussi celui de toiles à sujets mythologiques (Herminie et les bergers, Munich, Alte Pin.), de portraits (le Cardinal Francesco Barberini, le Cavalier dal Pozzo, perdus ; ce dernier autref. dans la coll. de la reine Christine de Suède ; le Bouffon Menicucci, Indianapolis, Herron Art Museum) et de nombreuses toiles religieuses d'un sourd et violent lyrisme : Suzanne et les vieillards (Louvre) ; Jugement de Salomon (id., et Rome, G. N., Gal. Corsini) ; la Cène (id.), le Sacrifice d'Isaac, musée de Montréal, le Couronnement d'épines (2 exemplaires à Munich, Alte Pin.), Judith et Holopherne (Malte, musée de La Vallette), Jésus chassant les marchands du Temple (Rome, G. N. [Gal. Corsini] et Ermitage), le Reniement de saint Pierre (Florence, fondation Longhi, et Moscou, musée Pouchkine). Toutes ces toiles, auxquelles il faut ajouter plusieurs figures religieuses à mi-corps, en hauteur (Judith, musée de Toulouse ; Moïse, Vienne, K. M.) ou en largeur (4 Évangélistes, Versailles), dénotent, dans une filiation caravagesque fidèlement assumée jusqu'au moment où le caravagisme passait de mode à Rome, un art bien personnel, sensible aux nuances les plus subtiles, plein d'ardeur fiévreuse et de délicate mélancolie, " romantique " si l'on veut, qui apporte à la peinture du xviie s. une note irremplaçable de poésie.