Pietro Falca, dit Longhi
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Venise 1702 –id. 1785).
Après un apprentissage chez Balestra, dont témoignent les fresques peu réussies de la Chute des Titans au Palazzo Sagredo (1734, Venise), il va à Bologne et devient l'élève de G. M. Crespi. Impressionné par la facture moderne et désinvolte de ce maître, chez qui la nouveauté des sujets s'allie au goût pour une matière dense et savoureuse, apte à des effets de couleurs remarquables, il change complètement de manière. Il devient ainsi " peintre de mœurs " et illustre dans de petites scènes de ton familier, légèrement caricatural, la vie quotidienne des Vénitiens, qu'ils soient aristocrates, paysans ou bourgeois. Longhi se rattache ainsi à un contexte culturel plus vaste, non seulement italien (avec Crespi, Ceruti et Ghislandi), mais même européen, par les affinités de son genre avec les " conversation pieces " anglaises, les peintures et les estampes de Watteau ou de Boucher. D'autre part, c'est le monde de la réalité qui intéresse et caractérise aussi la peinture vénitienne de l'époque, dans la " veduta " comme dans le portrait, de nouveau en vogue. De même, dans le domaine littéraire, on peut comparer la peinture de Longhi à la comédie de Goldoni qui mettait en scène la société vénitienne à la veille de sa désagrégation. Parmi les premières œuvres de Longhi qui appartiennent encore à la quatrième décennie, une série de Bergers et de Bergères (musée de Bassano ; Rovigo, Pin. del Seminario) révèle nettement l'influence de Crespi avec ses couleurs grasses éclairées par une lumière froide. Le Concert (Venise, Accademia) de 1741 est la première scène datée de vie vénitienne : c'est déjà un chef-d'œuvre par son rendu subtil des personnages et sa composition orchestrée dans des tons délicats et clairs, d'un raffinement exquis. Des critiques ont observé que, dans la cinquième décennie, Longhi alterne la touche rapide et dense, à la Crespi, avec une manière plus claire, plus proche du coloris fluide et transparent de Rosalba Carriera. De cette période datent des scènes qui peuvent être groupées en séries, comme la Vie de la dame, dont on peut citer la Toilette (Venise, Accademia), dénotant une observation fine et élégante, ou la Présentation (Louvre), construite selon un jeu savant et délicat de passages de tons. À côté de cette vie aristocratique, il y a aussi la vie populaire (le Marchand de crêpes, Venise, Ca' Rezzonico), d'une vivacité pétillante, et des épisodes de la vie de la rue, comme l'Arracheur de dents (Brera), d'une force caricaturale qui frise la satire.
Jusqu'en 1770, le style de Longhi reste à peu près uniforme, au point qu'il est difficile de classer chronologiquement ses œuvres. L'observation de la réalité devient plus minutieuse, plus aiguë, et dans la recherche de sujets nouveaux transparaît une fantaisie mordante et vive. De 1751 date le fameux Rhinocéros (Venise, Ca' Rezzonico), où, par leur vivacité, les physionomies des personnages acquièrent la force de portraits. Parmi les " séries " célèbres, citons celle des Sacrements (Venise, Gal. Querini-Stampalia), certainement inspirée par celle de Crespi, mais qui devient ici une chronique typiquement vénitienne d'événements quotidiens observés avec une bonhomie un peu ironique et traduits dans une gamme délicate et claire, d'une luminosité transparente. Un décor de plein air caractérise les 7 scènes de chasse (dont la Chasse en vallée, Venise, Gal. Querini-Stampalia) peintes pour la famille Barbarigo v. 1760-1770 probablement : ces petits tableaux possèdent une intensité chromatique nouvelle, et le jeu d'ombres et de lumières qui amortit les teintes crée une atmosphère crépusculaire. L'artiste observe ses personnages d'un œil satirique, et son ton narratif devient plus alerte et brillant, comme dans l'Arrivée du seigneur, saluée par les paysans, ou dans le Seigneur s'embarquant, dont chaque personnage est rendu avec acuité. Après 1770, l'art de Longhi semble subir un arrêt ou se replier sur lui-même : la qualité de la peinture s'appauvrit, la facture perd sa finesse, le coloris devient mort, éteint. Pourtant, dans ses dernières années, l'artiste peint encore des portraits étonnants, comme si son intérêt se concentrait alors sur l'individualisation de chaque personnage (la Famille Michiel, Venise, Gal. Querini-Stampalia) ; mais la recherche humaine est plus profonde et nous donne presque l'impression de reconnaître le parfum de cette société évanescente qu'il avait su dépeindre dans toute sa splendeur.
Parmi les musées qui conservent des tableaux de P. Longhi, il faut surtout citer les séries de la Ca' Rezzonico, de la Gal. Querini-Stampalia et de l'Accademia, à Venise, et également la N. G. de Londres et le Metropolitan Museum.