Maurice Utrillo

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».

Peintre français (Paris 1883 Dax 1955).

Ce fils de Montmartre est né sur la Butte un 26 décembre, enfant naturel d'une femme peintre, modèle d'atelier, Marie-Clémentine Valadon, dite Suzanne Valadon. En 1891, il est reconnu par Miguel Utrillo y Molins, artiste et brillant personnage de Barcelone, qu'il n'a jamais vu. Élève au collège Rollin, il prend très jeune des habitudes de vagabondage et de boisson. On lui trouve un emploi dans une banque, où il donne d'abord satisfaction, mais se fait renvoyer pour son humeur fantasque. À la suite d'esclandres répétés, on l'interne à Sainte-Anne pour lui faire subir une première cure de désintoxication. En 1902, un médecin intelligent conseille à sa mère de l'occuper en le faisant peindre. De 1903 à 1906, Utrillo peint en banlieue — à Montmagny, à Pierrefitte — et à Montmartre, dans une manière sombre et très épaisse. Le marchand Clovis Sagot et quelques connaisseurs commencent à s'intéresser à lui. À partir de 1907, Utrillo éclaircit sa palette et, v. 1910, il peint avec des blancs, qui feront donner à la période de sa production qui va jusqu'à 1915 le nom de " période blanche ". Le marchand Libaude, en 1909, tente d'accaparer ses toiles et lui verse une modeste mensualité. Mais, par lui, Utrillo connaît Francis Jourdain, Élie Faure, qui s'enthousiasment pour son talent, ainsi qu'Octave Mirbeau. À partir de 1909, il expose au Salon d'automne et aux Indépendants. Cependant, il a peu de contacts avec les peintres et partage sa vie misérable entre le cabaret de la Belle-Gabrielle et le bistrot du Casse-Croûte. En 1912, une crise de delirium tremens le fait admettre dans une maison de Sannois. Après deux mois de cure, Utrillo voyage en Bretagne et en Corse, où il peint beaucoup. Sa première exposition d'ensemble a lieu à la galerie Eugène Blot en 1913. À partir de 1914, sa technique évolue, sous l'influence de sa mère, vers un style plus dessiné, plus coloré et cloisonné. En 1916, il est interné à Villejuif avec les fous furieux, puis se fait soigner à l'asile de Picpus. Une exposition en 1919 à la galerie Lepoutre lui vaut un grand succès moral et matériel, mais, dès lors, ses proches le surveillent de près et l'exploitent. Après deux expositions à la gal. Weill, la gal. Bernheim-Jeune lui offre un contrat, et une vogue foudroyante commence pour lui. Malgré ses succès, Utrillo reste aussi instable, tente de se suicider, et sa mère l'emmène au château de Saint-Bernard, dans l'Ain, où, à partir de 1923, il passe chaque été. Il exécute pour les Ballets russes de Diaghilev le décor de Barabao. En 1935, il épouse Lucie Valore. En même temps, le marchand Paul Pétridès s'assure toute sa production par contrat. L'artiste exécute en 1948 un décor pour Louise (de G. Charpentier) à l'Opéra-Comique, et, en 1955, deux panneaux de 3 mètres de large lui sont commandés pour décorer la salle de la Commission des beaux-arts de l'Hôtel de Ville. Son talent a beaucoup baissé : il répète ses sujets en images coloriées, tandis que sa gloire devient internationale (exposition à New York en 1939 ; une salle à la Biennale de Venise en 1950) et que les faux Utrillo se multiplient, donnant lieu à des scandales retentissants.

Sa peinture est inclassable. On a essayé de la rattacher à celle des naïfs à cause de la minutie de son dessin et de ses figures populaires. Mais ces caractères n'apparaissent que dans les toiles relativement tardives de la manière colorée. En fait, Utrillo est bien un autodidacte, n'ayant reçu que des conseils de sa mère et surtout du peintre Quizet, un solitaire comme lui, avec qui il travaillait au début dans les rues, car, dans les premières années, il peignait toujours sur le motif, et ce n'est que plus tard, quand son talent déclina, qu'il se mit à copier des cartes postales. Son originalité réside d'abord dans sa conception de l'espace, des perspectives montantes et descendantes, des détours des rues, des volumes des maisons, créant, parallèlement au Cubisme, un art soucieux de rigueur. D'autre part, il a su donner une expression poignante aux murs lépreux des maisons pauvres, à la répétition hallucinante des fenêtres noires, à la solitude des chaussées et des trottoirs.

La manière blanche, plus aérée, est surtout représentée par des vues de Montmartre. Utrillo a su tirer une poésie surprenante de banals cabarets, comme le Lapin agile (1910, Paris, M. N. A. M.), du Sacré-Cœur, de quelques églises de banlieue.

Le M. N. A. M. de Paris conserve des œuvres de l'artiste, qui est aussi bien représenté au M. A. M. de la Ville, au musée de l'Orangerie (coll. Walter-Guillaume) et dans les grands musées d'Europe et des États-Unis.