les Voyages de Gulliver
Satire fantastique de Jonathan Swift (1726).
Gulliver visite des contrées imaginaires : Lilliput, où les habitants ne mesurent pas plus de six pouces ; Brobdingnag, où vivent des géants ; Laputa, île volante habitée par des savants maniaques ; le pays des Houyhnhnms, chevaux intelligents et bons qui ont domestiqué les Yahoos, humains dégénérés. Ces fictions ont pour objet de prouver, à travers une critique de la société anglaise, la relativité des théories intellectuelles et des institutions politiques.
À la première lecture, on est émerveillé par l'ingéniosité, l'allégresse et la transparence du propos soutenu par des images quasi mythiques : Gulliver enchaîné par la foule des nains sur la plage de Lilliput, transformé en poupée par la jeune géante de Brobdingnag, ahuri par les vêtements géométriques des savants fous de Laputa, fuyant le désir des ignobles femelles Yahoos auprès de son maître cheval. La seconde lecture inquiète : il n'y a place que pour l'indignation et la honte. D'Irlande, Swift répond à Defoe. Robinson (1719) bâtissait son indépendance, Gulliver rêve d'une dépendance « bonne ». Tout parle contre l'humanité et son intarissable prétention. « Capable de raison », l'Anglais se révèle « la race la plus exécrable que la Terre ait portée ». Jubilation morose, animosité luthérienne surgissent derrière la philanthropie. Œil sans âme, Gulliver pleure de se voir refuser l'adoption par les Houyhnhnms, caste idéale qui incarne l'utopie grise d'une surhumanité sans instinct ni souillure. C'est un classique du mépris.