les Misérables
Roman de Victor Hugo (1862).
Le récit brasse tous les genres et forge, à travers ses personnages et les événements historiques qui lui servent de toile de fond (la bataille de Waterloo, l'émeute de 1832), une véritable épopée populaire. L'œuvre est structurée en cinq parties : « Fantine », « Cosette », « Marius », « l’Idylle rue Plumet et l’Épopée rue Saint-Denis », « Jean Valjean », elles-mêmes découpées en plusieurs livres.
Le héros de l'histoire est un certain Jean Valjean, ancien forçat qui, « misérable » entre tous car victime d'une société inique, atteint au sublime dans le dépassement de soi-même. Autour de lui gravitent une galerie de personnages devenus célèbres : monseigneur Myriel, évêque de Digne ; Gavroche, le gamin de Paris ; Cosette, l'enfant maltraitée ; Fantine, la mère qui se sacrifie ; sans oublier l'intraitable policier Javert et les ignobles Thénardier.
Conçue et réalisée de part et d’autre de la IIe République (instaurée en 1848), l’œuvre sape tous les régimes, mais solde aussi les certitudes philosophiques et religieuses de Hugo lui-même. Au terme du calvaire de Jean Valjean, l’échec de l’insurrection de 1832, repensé à travers les souvenirs de juin 1848, évoque moins le malheur des espérances et des tentatives révolutionnaires que la nécessité de la disparition de la bourgeoisie pour que s’épanouisse l’humanité.
Le roman a inspiré de nombreux cinéastes : Albert Capellani (1912), Henri Frescourt (1925), Raymond Bernard (1933), Jean-Paul Le Chanois (1958), Robert Hossein (1982) et Claude Lelouch (1995).
Morceaux choisis
Tant qu'il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d'une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l'homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l'atrophie de l'enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l'asphyxie sociale sera possible ; en d'autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu'il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.
(daté de « Hauteville House [où réside Hugo en exil à Guernesey], 1862 »)
S'il n'avait pas plu dans la nuit du 17 au 18 juin 1815, l'avenir de l'Europe était changé. Quelques gouttes d'eau de plus ou de moins ont fait pencher Napoléon.
(Deuxième partie, Livre premier, chapitre III).
Ils sont là, tous les rois de l'Europe, les généraux heureux, les Jupiters tonnants, [...] ils viennent d'écraser Napoléon, et il ne reste plus que Cambronne ; il n'y a plus pour protester que ce ver de terre. Il protestera. Alors il cherche un mot comme on cherche une épée.
(Deuxième partie, Livre premier, chapitre XV).
Elle faisait tout dans le logis, les lits, les chambres, la lessive, la cuisine, la pluie, le beau temps, le diable. Elle avait pour tout domestique Cosette ; une souris au service d'un éléphant.
(Deuxième partie, Livre troisième, chapitre II).
1830 est une révolution arrêtée à mi-côte. [...]
Qui arrête les révolutions à mi-côte ? La bourgeoisie.
Pourquoi ?
Parce que la bourgeoisie est l'intérêt arrivé à satisfaction.[...]
On a voulu, à tort, faire de la bourgeoisie une caste. La bourgeoisie est tout simplement la portion contentée du peuple. Le bourgeois, c'est l'homme qui a maintenant le temps de s'asseoir. Une chaise n'est pas une caste.
(Quatrième partie, Livre premier, chapitre II).
Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes, ni mauvais hommes. Il n'y a que de mauvais cultivateurs.
(Première partie, Livre cinquième, chapitre III).
Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d'une borne, une balle frappa le cadavre.
– Fichtre ! fit Gavroche. Voilà qu'on me tue mes morts.
(Cinquième partie, Livre premier, chapitre XV).
Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à … [Rousseau]
Il n'acheva point. Une seconde balle du même tireur l'arrêta court. Cette fois il s'abattit la face contre le pavé, et ne remua plus. Cette petite grande âme venait de s'envoler.
(Cinquième partie, Livre premier, chapitre XV).