les Caractères

Jean de La Bruyère, les Caractères : Arrias le beau parleur
Jean de La Bruyère, les Caractères : Arrias le beau parleur

Ouvrage de Jean de La Bruyère (1688), inspiré du philosophe grec Théophraste.

Dans un recueil savoureux, à première vue assez décousu, de maximes, de dialogues et de portraits acerbes, La Bruyère dépeint avec esprit les travers de ses contemporains (à la cour comme à la ville, à la fin du xviie siècle) mais aussi de la nature humaine.

Morceaux choisis

Giton a le teint frais, le visage plein et les joues pendantes, l'œil fixe et assuré, les épaules larges […] Il déploie un ample mouchoir et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin et il éternue fort haut. Il dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en compagnie. […] Il tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il s'arrête, et l'on s'arrête ; il continue de marcher, et l'on marche : tous se règlent sur lui. […] il se croit des talents et de l'esprit. Il est riche.
Phédon a les yeux creux, le teint échauffé, le corps sec et le visage maigre ; il dort peu, et d'un sommeil fort léger […]. Il n'occupe point de lieu, il ne tient point de place ; il va les épaules serrées, le chapeau abaissé sur ses yeux pour n'être point vu […], il tousse, il se mouche sous son chapeau, il crache presque sur soi, et il attend qu'il soit seul pour éternuer, ou, si cela lui arrive, c'est à l'insu de la compagnie : il n'en coûte à personne ni salut ni compliment. Il est pauvre.

(« Des biens de fortune », VI, 83).

L'esclave n'a qu'un maître ; l'ambitieux en a autant qu'il y a de gens utiles à sa fortune.

(« De la cour », VIII, 70).

La faveur met l'homme au-dessus de ses égaux ; et sa chute, au-dessous.

(« De la cour », VIII, 97).

Il n'y a pour l'homme que trois événements : naître, vivre et mourir. Il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre.

(« De l'homme », XI, 48).

Cliton n'a jamais eu en toute sa vie que deux affaires : qui est de dîner le matin et de souper le soir ; il ne semble né que pour la digestion […] on ne reverra plus un homme qui mange tant et qui mange si bien […]. Mais il n'est plus : il s'est fait du moins porter à table jusqu'au dernier soupir […]. Quelque part où il soit, il mange ; et s'il revient au monde, c'est pour manger.

(« De l'homme », XI, 122).

Charles Nicolas Cochin le Père, Bal masqué donné dans la Grande Galerie de Versailles
Charles Nicolas Cochin le Père, Bal masqué donné dans la Grande Galerie de Versailles
Jean de La Bruyère
Jean de La Bruyère
Jean de La Bruyère, les Caractères : Arrias le beau parleur
Jean de La Bruyère, les Caractères : Arrias le beau parleur
  • 1688 Les Caractères, ouvrage de J. de La Bruyère.