les Caprices
Suite de 80 estampes (eaux-fortes et aquatintes mêlées, avec retouches à la pointe sèche) de Francisco de Goya (1797-1799).
Cet ensemble, précédé d'un autoportrait, fut publié par Goya en 1799. Il y affirme une maîtrise peu commune qui le situe parmi les plus grands graveurs de tous les temps. Chaque représentation comporte une légende qui la commente. Une fantaisie sans retenue semble régner dans ces évocations qui oscillent entre la vie quotidienne et le monde du songe et de la nuit, un monde voué au diable et aux démons. Cette imagination débridée qui fascinera l'Europe, des romantiques aux surréalistes, est en fait profondément liée à la philosophie des Lumières et au regard critique que Goya et les esprits lucides de l'époque portaient sur l'Espagne. Il s'agit de dénoncer les travers et les vices d'une société égoïste, repliée sur elle-même et sur ses privilèges. Le regard de Goya est impitoyable et dénonce la bêtise et la cruauté de l'homme ; mais c'est aussi un regard de compassion pour les victimes, pour les innocents. La gravure n° 43 est particulièrement emblématique : « Le sommeil de la raison engendre les monstres ». Donc, parole de raison, issue des Lumières, mais aussi parole ouverte sur les prochains vertiges du romantisme et la critique de la rationalité prônée plus tard par le surréalisme. En fait, Goya se situe à la jonction incertaine de deux siècles, de deux sensibilités, et son message universaliste transcende largement les limites de son Espagne contemporaine.