la Psychologie des foules

Essai de sociologie de Gustave Le Bon (1895).

La fin du xixe s. inaugure ce qui s'appellera plus tard la société de communication. La liberté de la presse, l'industrialisation, et le développement des échanges donnent aux médias et à l'opinion une place nouvelle dans la société. Après les auteurs qui, à la suite de John Milton dans Areopagitica et Pour la liberté d'imprimer sans autorisation, vont défendre et légitimer la liberté de la presse, Gustave Le Bon et Scipio Sighele s'intéressent à l'émergence de l'opinion publique. Ces deux auteurs ont une vision manipulatrice du rôle de la presse sur la formation de l'opinion. Ces travaux déboucheront plus tard sur les analyses des effets de la propagande.

La Foule criminelle

Scipio Sighele publie en 1891 La Foule criminelle. Pour le sociologue italien, toute violence populaire (grève, insurrections…) est un crime. Pour qu'une foule devienne criminelle, il faut que des meneurs hypnotisent des « menés ». Les journalistes sont la figure même de ces meneurs.

La Psychologie des foules

La Psychologie des foules de Gustave Le Bon paraît en 1895 et sera réédité en 1991. Les analyses du médecin psychopathologue sont très proches de celles de Scipio Sighele mais il s'y ajoute une vision négative de l'évolution de la société. Pour Gustave Le Bon, les comportements collectifs sont l'expression d'une régression de la société. Il intègre aussi une dimension raciale dans son analyse : plus les peuples sont primitifs et plus ils sont sujets aux phénomènes de foules. Dans les sociétés « civilisées » les enfants et les femmes ont les mêmes réactions impulsives que les « races inférieures ».

La critique de Freud

Cette vision particulièrement sommaire de l'évolution de la société et des comportements collectifs fut contestée dès l'origine. Mais c'est Freud qui va remettre en cause les postulats de la psychologie des foules. Il critique cette vision de l'homme qui perdrait tout jugement dans une foule. En fait, si un individu accepte de suivre une foule c'est qu'il a besoin de faire partie de la masse.

La critique de Tarde

De son côté, Gabriel Tarde réfute la notion d'âge des foules pour y substituer la notion de public. La différence tient à ce qu'un individu ne fait partie que d'une foule, alors qu'il peut appartenir à plusieurs publics. Surtout, les publics se construisent sur le long terme à travers un processus dynamique d'échange. Cette première réflexion inscrit tout un courant sociologique dans l'analyse des effets de l'interaction entre médias et société.

De la psychologie des foules à la propagande

Après la Première Guerre mondiale, un courant d'étude se développe pour rechercher les conditions et effets de la propagande sur les populations. Ce courant inauguré par Harold Lasswell avec Propaganda Techniques in the World War s'intéresse particulièrement à l'utilisation des médias comme moyen d'orienter l'opinion.

Les premiers travaux, à la suite de ceux de Pavlov, se réfèrent aux notions liées à la psychologie des foules. Au sens où les individus sont appréhendés comme des sujets amorphes qui ne peuvent réagir qu'en fonction du schéma stimulus-réponse. Le récepteur est toujours passif face au discours conditionnant de l'émetteur. Serge Tchakhotine en publiant Le Viol des foules par la propagande politique illustre bien cette approche mécaniste. Il faut dire que l'histoire est en marche : Hitler se sert des médias comme outils efficaces de propagande.

Si, de McLuhan à Régis Debray, des chercheurs ont fait valoir l'impact des médias sur le message et sur l'évolution de la société, il n'en reste pas moins que les médias évoluent aussi en réaction à l'environnement.