la Porte de l'Enfer
Sculpture d'Auguste Rodin (1880-1888). Plâtre, 5,30 x 4,10 m. Musée Rodin, au dépôt du Musée d'Orsay, Paris.
Par un arrêté du 16 août 1880, Rodin reçut du sous-secrétariat aux Beaux-Arts la commande d'une porte de bronze destinée au futur musée des Arts décoratifs. Il était convenu que ce monument serait constitué de bas-reliefs, illustrant les tourments de l'enfer que subissent les damnés, tels que les décrit Dante dans sa Divine Comédie. De ce choix iconographique lui vient le nom de Porte de l'Enfer. Afin de réaliser ce projet, le sculpteur se vit attribuer un des ateliers du Dépôt des marbres, au 182, rue de l'Université. Rodin travailla à cette commande jusqu'à sa mort en 1917, sans jamais mettre un terme à cette ambitieuse réalisation, où il souhaitait illustrer une grande allégorie des passions humaines à travers la représentation du nu.
Le texte de Dante dont est extraite la formule « Lasciate ogni speranza voi ch'entrate » qui domine le monument n'est cependant pas la seule source littéraire qu'utilise Rodin ; certains éléments s'inspireront de Baudelaire. Ainsi, l'Enlèvement auprès duquel il fait figurer le premier vers du poéme intitulé la Beauté :
« Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre… »
Les sources plastiques auxquelles se réfère Rodin sont, elles aussi, nombreuses, et il est nécessaire de citer les influences reçues de Michel-Ange (la fresque du Jugement dernier), de William Blake ou de Gustave Doré (illustrations de l'œuvre de Dante).
Plusieurs maquettes de petites dimensions sont réalisées à partir de 1880, sur lesquelles apparaissent progressivement les différents sujets chargés d'illustrer les thèmes chers à Dante. La troisième maquette porte ainsi la représentation de Paolo et Francesca sur le vantail de gauche, tandis qu'à droite figurent Ugolin et ses fils, et qu'au-dessus des vantaux, au centre du tympan, se reconnaît déjà l'esquisse du Penseur. Le groupe des Trois Ombres, qui devait ultérieurement couronner la porte, ne faisait pas encore partie de l'ensemble.
Dans l'œuvre définitive, ces esquisses, comme les quelque deux cents autres figures ébauchées qui occuperont la porte et son encadrement, seront, après avoir été extraites du contexte, à l'origine d'un grand nombre des plus célèbres sculptures de Rodin. Citons, entre autres, le Penseur et le Baiser. À partir d'éléments dissociés de l'ensemble, et réutilisés selon les principes du marcottage, Rodin peut faire figurer des éléments semblables, mais différemment agencés, en plusieurs endroits de sa composition ; il peut aussi en faire une œuvre indépendante. Ainsi, un buste nommé la Martyre apparaît au tympan de la Porte dans le groupe la Faunesse à genoux. Mais, extrait de cet ensemble, il fait partie d'Orphée et les Ménades.
Ce n'est qu'en 1926 que fut enfin coulé le premier exemplaire en bronze de ce monument, aujourd'hui conservé au musée Rodin de Philadelphie. Quelques autres furent fondus ultérieurement, dont celui aujourd'hui conservé au musée Rodin.