l'Éducation sentimentale
Roman de Gustave Flaubert (1869).
Sous-titrée « Histoire d'un jeune homme », la version publiée en 1869 n'a plus rien à voir, ni par l'histoire ni par la forme, en partie épistolaire, avec celle de 1845 (finalement publiée à titre posthume, en 1910-1911).
Chronique d'une jeunesse désenchantée
Un jour de septembre 1840, Frédéric Moreau, jeune provincial tout juste bachelier, a le coup de foudre pour Marie Arnoux, épouse et mère de famille modèle. C'est elle qu'il ne cessera d'aimer, même si d'autres femmes traversent sa vie, flattant ses sens ou sa vanité : Rosanette (maîtresse en titre de M. Arnoux), puis l'épouse du banquier Dambreuse, ou encore la jeune Louise Roque (une voisine de province), qui finit par épouser Deslauriers, le meilleur ami de Frédéric.
Entre les joies des vieilles amitiés ou des relations de camaraderie mondaines, Frédéric se laisse aller aux exaltations politiques et suit de plus ou moins loin la révolution de 1848. Il bâtit sur du sable mille projets qu'il abandonne : rien ne peut le détourner de sa passion sans espoir pour Mme Arnoux.
Au printemps 1867, c'est une Marie aux cheveux blanchis qui lui fait ses adieux ; vient l'heure du bilan, doux-amer, pour Frédéric et Deslauriers. L'histoire avec un grand H serait en somme une série d'événements mesquins et décousus ; leur vie, une suite d'occasions manquées et de désirs inaccomplis.
Inspiration et réactions
Le modèle de Marie Arnoux est Élisa Schlésinger, femme d'un éditeur de musique connu, rencontrée par Flaubert sur la plage de Trouville en 1836. Frédéric Moreau présente de nombreuses similitudes avec son créateur : éternel amoureux d'une femme inaccessible, il est très lié avec sa mère, a des amis fidèles, fait des études de droit sans enthousiasme, partage sa vie entre Paris et la province.
Le roman est mal accueilli par la critique. Barbey d’Aurevilly, en particulier, se fait cinglant (dans son article du Constitutionnel, daté du 29 novembre 1869) : ce roman ne serait qu'« une flânerie dans l'insignifiant, le vulgaire et l'abject » et Flaubert, décidément, ce « faiseur de bric-à-brac », l'auteur d'un seul livre, Madame Bovary.
Morceaux choisis
Ce fut comme une apparition :
Elle était assise, au milieu du banc, toute seule ; ou du moins il ne distingua personne, dans l'éblouissement que lui envoyèrent ses yeux.
[…] Jamais il n'avait vu cette splendeur de sa peau brune, la séduction de sa taille, ni cette finesse des doigts que la lumière traversait. [...] Quels étaient son nom, sa demeure, sa vie, son passé ? Il souhaitait connaître les meubles de sa chambre, toutes les robes qu'elle avait portées, les gens qu'elle fréquentait ; et le désir de la possession physique même disparaissait sous une envie plus profonde, dans une curiosité douloureuse qui n'avait pas de limites.
(Partie I, chapitre I).
Il voyagea. Il connut la mélancolie des paquebots, les froids réveils sous la tente, l'étourdissement des paysages et des ruines, l'amertume des sympathies interrompues. Il revint.
(Partie III, chapitre VI).