serpents

(Variantes : femmes-serpents)

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Créatures femmes par le haut du corps, serpents par le bas.

On raconte qu'« en ce temps-là », dans les régions les plus désertiques de la Libye, vit une race de créatures sauvages et cruelles, perpétuellement en quête de nourriture. Elles chassent et dévorent toutes sortes d'animaux : les lions, les brebis, les ânes sauvages, les cerfs... Mais la nourriture qu'elles préfèrent, c'est l'homme. Comme le gibier commence à se faire rare, les créatures gagnent le golfe de Syrte. Si par malheur des marins mettent pied à terre, ou si quelques Libyens s'aventurent sur la plage, ces terribles monstres surgissent alors, on ne sait d'où, et font de ces malheureux leurs proies.

Car ces créatures ont un visage de femme, mais pas de n'importe quelle femme : une femme belle, souriante, aguichante comme peut l'être une courtisane ; et leur taille est si fine, leur seins si beaux, leur cou si doux, leur peau si suave, leurs yeux si clairs, leurs sourire si avenant qu'ils ne pourraient l'être davantage. Ainsi, à peine les voit-on que l'amour s'insinue dans le cœur, et que le désir envahit et submerge l'âme tout entière. À tel point qu'on ne voit même pas le reste de leur corps : dur et recouvert d'écailles infrangibles, il se prolonge comme celui d'un reptile, avec, à l'extrémité, une tête triangulaire horrible à voir. Si elles ouvrent la bouche, ces femmes-serpents émettent un sifflement aigu.

Du serpent, elles ont l'agilité, et la faculté de se déplacer dans les sables du désert. Nul ne peut les battre à la course, et c'est d'ailleurs ainsi qu'elles peuvent capturer leur proie. Mais pour les hommes, leur proie favorite, elles préfèrent utiliser la ruse, la tromperie, toute entière dans leurs charmes qu'elles savent mettre en valeur, tenant dissimulé le bas de leur corps qui pourrait effrayer. Dès que l'un s'approche, assez près, elles se jettent sur lui ; leur queue serpentiforme se dresse, la tête triangulaire s'ouvre large, puis s'abat dans le cou du malheureux ; les crocs pénètrent puissamment sa chair et, en moins d'une seconde, le terrible venin a paralysé le pauvre. Alors les femmes-serpents se jettent sur le corps immobile, mais encore conscient : car le misérable se voit dévorer. Et il a encore le temps de regretter ce qu'il a fait.

L'extermination manquée

Lassé de ces crimes, un roi de Libye, un jour, prend la décision d'exterminer la race des femmes-serpents. Il rassemble ses meilleurs guerriers, auxquels il joint une troupe de volontaires, et tous marchent vers le rivage des Syrtes. Leur repaire n'est pas difficile à trouver : l'espace, tout à coup, retentit de sifflements aigus et s'est rempli d'une terrible puanteur. Le roi fait encercler la tanière par ses hommes, entasser des branchages, puis ordonne d'allumer un feu. Quelques minutes suffisent pour que les flammes, hautes et puissantes, s'engouffrent dans la caverne, répandant simultanément une épaisse fumée. Les quelques créatures qui parviennent à s'extraire au grand jour sont impitoyablement massacrées à coup de haches et d'épées.

Le soir venu, il ne reste plus rien, semble-t-il, des femmes-serpents. La troupe s'éloigne du rivage, et le roi ordonne de dresser le campement pour la nuit.

Quand les femmes-serpents, qui sont parties à la chasse, sont de retour, qu'elles constatent que leurs soeurs sont toutes mortes, un désir de vengeance s'emparent d'elles. Elles suivent les traces des Libyens, et rejoignent leur campement. En plein cœur de la nuit, alors qu'ils sont tous endormis, les femmes-serpents se jettent sur eux et font un affreux carnage.

On raconte que bien plus tard, passant dans le coin, Héraclès met le feu à la région tout entière, massacrant à coup de massue celles qui osaient l'attaquer en face, décochant ses flèches sur celles qui s'enfuyaient.

Longtemps on a cru cette histoire terminée.

Un jour, pourtant, des cavaliers grecs se déplacent dans le désert, en direction du temple d'Ammon. Ils aperçoivent au loin une femme, qui leur montre ses seins. Ils pensent qu'il ne s'agit là que d'une prostituée, qui désire se joindre à la troupe. Ils continuent donc leur route, sans prêter plus d'attention à la femme. Mais parmi eux, deux jeunes soldats, frappés par la beauté de la femme, se détachent de leurs compagnons et galopent vers l'être si désirable. L'un a été plus rapide que l'autre, et il a été le premier à mourir : la femme-serpent s'empare de lui et l'enfonce tout entier dans le sable. L'autre, à ce spectacle, s'arrête et, après un instant d'hésitation, causée par la frayeur, il appelle ses compagnons au secours. Mais c'est trop tard : la femme-serpent s'est déjà jetée sur lui : le venin coule dans ses veines, son corps est entraîné avec un sifflement aigu quelque part dans le désert.