Morphée

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Divinité du rêve.

Fils du Sommeil et de la Nuit, Morphée, le dieu ailé, effleure les mortels de sa fleur de pavot pour les endormir. Il est capable de prendre toutes les apparences humaines. Après la mort de Céyx, Iris, sur l'ordre de Junon, prie le Sommeil d'envoyer à Alcyoné un songe et c'est Morphée qui, sous l'aspect de Céyx, annonce le malheur qui a frappé la jeune épouse.

Morphée est représenté sous les traits d'un vieil homme, couronné de pavots et tenant dans ses mains une Corne d'abondance.

Le Sommeil

Parmi ses mille enfants, le Sommeil choisit Morphée habile à revêtir la forme et les traits des mortels. Nul ne sait mieux que lui prendre leur figure, leur démarche, leur langage, leurs habits, leurs discours familiers. Mais de l'homme seulement Morphée représente l'image. Un autre imite les quadrupèdes, les oiseaux, et des serpents les replis tortueux. Les dieux le nomment Icélos, les mortels Phobétor. Un troisième, c'est Phantasos, emploie des prestiges différents. Il se change en terre, en pierre, en onde, en arbre ; il occupe tous les objets qui sont privés de vie. Ces trois Songes voltigent, pendant la nuit, dans le palais des rois, sous les lambris des grands ; les autres, Songes subalternes, visitent la demeure des vulgaires mortels. Ce n'est point à ces derniers que le Sommeil s'adresse. Il n'appelle que Morphée. Il le charge de remplir les ordres de Junon, et succombant aux langueurs du repos, il retombe sur sa couche, abaisse sa paupière, et s'endort.

Morphée vole à travers les ténèbres. Son aile taciturne ne trouble point le silence de l'air. Dans un instant il arrive aux remparts de Trachine. Il dépose son plumage sombre, prend les traits de Céyx, et, sous cette forme, nu, livide, et glacé, il s'arrête devant le lit de la triste Alcyoné. Sa barbe est humide, et l'onde a mouillé ses cheveux épars. Il se penche sur le lit, et le visage baigné de larmes : « Malheureuse épouse, dit-il, reconnais-tu Céyx ? La mort a-t-elle pu changer mes traits ? Regarde : c'est ton époux, ou plutôt c'est son ombre. Tes vœux, chère Alcyoné, ne m'ont été d'aucun secours. J'ai cessé de vivre. Cesse d'espérer que je puisse être rendu à ton amour. Au sein de la mer Égée, la tempête a surpris mon vaisseau ; bientôt submergé, les vents l'ont englouti dans les ondes. J'appelais en vain Alcyoné lorsque ma bouche a reçu le flot mortel. Tu ne vois point en moi l'auteur suspect d'une fausse nouvelle. Elle ne te parvient point par les bruits vagues de la renommée. C'est moi-même qui viens après mon naufrage te faire connaître mon triste destin. Éveille-toi, lève-toi, donne des larmes à ma mort. Revêts des voiles funèbres, et ne laisse point mon ombre descendre dans les Enfers, sans avoir reçu le tribut de tes larmes. »

Ainsi parle Morphée. Sa voix est celle de l'époux d'Alcyoné. Il paraît verser des larmes véritables. Son geste est semblable au geste de Céyx.

Ovide