Artémis
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».
Née à Délos des amours de Zeus et de Léto, elle est le pendant féminin de son frère jumeau Apollon.
Auguste Artémis, Cléonyme t'a élevé cette grande statue ; en retour, procure-lui une vie abondante par la chasse : tu es, en effet, la déesse qui parcourt d'un pas agile les bois frémissants de la montagne et qui, d'une voix terrible, excite la meute ardente.
Elle n'a que quelques années quand son père promet de lui faire don de treize cités qui porteront son nom ; il lui assure également qu'elle régnera sur d'autres villes, et qu'un peu partout des autels s'élèveront en son honneur ; enfin, Artémis veillera sur les routes et les ports.
Comme son frère, elle va armée d'un arc et de flèches, armes forgées par les Cyclopes à sa demande expresse.
Vêtue d'une courte tunique frangée, et parfois équipée d'une lance, Artémis, parcourt les forêts et montagnes sauvages d'Arcadie, sur son char tiré par quatre cerfs aux ramures d'or ; elle aime se baigner dans les eaux transparentes des fontaines en compagnie de ses nymphes, et s'adonner aux plaisirs de la chasse dont elle est la divinité. Elle vit entourée de soixante Océanides et de vingt nymphes. Elle les dépasse toutes de la tête et du front, de sorte qu'on la reconnaît facilement, bien qu'elles soient toutes belles.
Artémis chasse les bêtes fauves et châtie ceux qui l'ont offensée : périssent Orion et les enfants de Niobé. Elle tue le géant Tityos qui a tenté de violer sa mère Léto. La chasteté est d'une grande valeur aux yeux de cette déesse vierge (et en cela elle s'oppose à la voluptueuse Aphrodite) : elle fait mourir Actéon qui la surprend alors qu'elle se baigne, nue, dans la rivière ; pour la même raison, elle transforme le Crétois Siproïtès en femme. Et même Aphrodite n'a aucun pouvoir sur la déesse aux flèches d'or.
À l'occasion, Artémis se montre redresseuse de torts et n'hésite pas à tourner sa colère contre une cité où les habitants font preuve d'injustice ; les épidémies dévastent alors leurs troupeaux, les parents pleurent la mort subite de leur fils, les mères meurent en enfantant et les enfants naissent mal formés.
Mais Artémis n'apporte pas que le mal. Elle sait apaiser les douleurs humaines, protéger les femmes en couches (singulier pour une vierge farouche) ; elle porte d'ailleurs le surnom d'Ilithyie (accoucheuse) ; n'est-elle pas, alors qu'elle vient de naître, la sage-femme de sa mère Léto qui attend d'être délivrée d'Apollon ? Artémis veille aussi à la première éducation des enfants ; elle sait faire régner la concorde au sein d'une famille. En un mot, elle se montre compatissante.
Comme son frère Apollon, Artémis embrasse la cause des Troyens durant le siège de la ville. Parce qu'Agamemnon a tué une biche sacrée (ou un cerf), et qu'il s'est ensuite vanté de son exploit, prétendant qu'Artémis n'aurait pas mieux tiré, la déesse l'oblige à lui sacrifier sa fille Iphigénie ; Artémis attend l'instant suprême et sauve la jeune femme. Quand Hippolyte refuse de céder aux avances de Phèdre et meurt, victime de sa propre chasteté, Artémis adoucit l'agonie du jeune homme en lui annonçant que, pour sa vertu, les honneurs divins lui seront rendus. On raconte même qu'elle tombe amoureuse d'Endymion, qu'elle embrasse pendant son sommeil.
Voir aussi : Orion (Variante 2), Actéon, Iphigénie, Hippolyte, Endymion
Culte et attributs
En Tauride, on adore une déesse que les Grecs identifient avec Artémis. Portée par un char que tirent deux taureaux, le front ceint d'un croissant de lune, un flambeau à la main, revêtue d'une très longue tunique, cette Artémis est d'une rare cruauté. On lui sacrifie les étrangers dont les navires sont venus s'échouer sur les côtes. Oreste lui-même ne doit son salut qu'à sa sœur Iphigénie, alors prêtresse d'Artémis. Le culte est transporté en Attique, à Brauron, à quelque distance de Marathon, où la déesse est appelée Artémis Brauronia : ses adorateurs se déguisent en ours tandis qu'à son autel sont conduits des jeunes gens de Sparte : ils y sont fouettés jusqu'au sang. À Sparte même, où un sanctuaire lui est consacré, cette Artémis-là porte l'épithète d'Orthia (la « Droite »), et il n'est pas rare que les éphèbes, fouettés lors de la cérémonie, expirent sous les coups au pied de son autel.
L'Artémis d'Éphèse, dont le temple a été construit par les Amazones, est encore tout autre. Déesse de la nature, de la fécondité, de la vie en général, elle est représentée avec une poitrine aux multiples mamelles ; des cerfs et des chiens l'entourent quelquefois. C'est à l'origine une divinité asiatique dont le culte est solidement implanté en Ionie lorsque les Grecs s'y installent.
Artémis est honorée en Grèce dès l'époque mycénienne ; son nom figure dans les tablettes en linéaire B. Il est toutefois possible qu'elle y ait été introduite depuis la Lydie, où une déesse d'un nom similaire existait, ou bien encore depuis l'Illyrie : elle ne serait en ce cas qu'une « déformation » d'Artos, divinité celto-danubienne.
Qu'il soit célébré à Délos, en Tauride, en Attique, en Arcadie, à Sparte, à Éphèse, le culte d'Artémis jouit d'une grande popularité. Le plus célèbre est celui de l'Artémision d'Éphèse, culte orgiastique lié à la fécondité. Le six de chaque mois, une fête se déroule en l'honneur de la déesse, qui rappelle le jour de sa naissance. Lorsque Apollon est identifié avec le Soleil (Hélios), Artémis devient la représentation de la Lune (Séléné). Ses attributs sont la biche, l'ours, l'arc, le carquois et les flèches, et selon certains la perdrix.
Chez les Romains, Artémis est appelée Diane.
Voir aussi : Diane
Variante : La naissance d'Artémis
Dans une pièce qui ne nous est pas parvenue, Eschyle fait d'Artémis la fille de Déméter. D'après Hérodote, il s'inspirait des légendes égyptiennes, qui voulaient qu'Apollon et Artémis soient les enfants de Dionysos et d'Isis.
Hymne à Artémis
Salut, déesse aux mille temples, aux innombrables cités, salut, Artémis Chitoné, toi qui résides à Milet et que Nélée prit pour guide lorsque, de Cécrops, il fit voile vers le large. Artémis du Chésion, Artémis de l'Imbrasos, toi qui as le trône le plus élevé, en ton sanctuaire Agamemnon déposa le gouvernail de son navire, don d'apaisement en échange d'une route favorable ; car les vents, tu les gardais captifs, en ce temps où, irritées contre Hélène de Rhamnonte, les nefs achéennes voguaient pour porter la ruine à la cité des Teucers. Pour toi, Proétos éleva deux temples, l'un d'Artémis Coria, car tu lui ramenas ses « filles » qui erraient par les monts d'Azanie ; et l'autre, à Lousoi, d'Artémis Héméra, car tu les libéras de leur humeur sauvage. Les Amazones, pour voyeuses de guerres, sur le rivage d'Éphèse, au pied d'un tronc de chêne, t'élevèrent jadis une statue, et Hippo, pour toi, accomplit les rites, et les Amazones, autour de ton simulacre, entamèrent la danse armée, la danse des boucliers, puis en cercle leur ample chœur s'ordonna. Et les syrinx, aiguës et mélodieuses, les accompagnaient pour qu'à l'unisson elles frappent la terre, car il n'existait pas, l'os de faon percé de trous, œuvre d'Athéna, cruelle aux cerfs. Du pays des Sardes, l'écho courut jusqu'au territoire des Bérécynthiens. Sans interruption elles faisaient grand vacarme avec leurs ; pieds, et les carquois retentissaient.
Autour de cette statue on construisit plus tard un vaste sanctuaire : jamais le Jour n'en verra un plus digne des dieux, et plus riche. Pytho lui-même ne saurait rivaliser. Le tout-puissant Lygdamis, un jour de démence, menaça de le détruire. Il lança une armée, dense comme le sable, de Cimmériens nourris au lait de jument, qui vivent sur les bords du passage de la Vache, sœur d'Inachos. Ah ! vil souverain, pauvre aveuglement ! Jamais il ne devait revenir au pays des Scythes, ni lui ni aucun de ses hommes qui avaient leurs chars rassemblés dans la prairie du Caÿstre. Car devant Éphèse se dresse toujours la barrière de tes traits.
Ô Déesse, Artémis Mounichia, qui veilles sur les ports, salut déesse de Phères. Que nul n'ose faire outrage à Artémis ! Œnée, qui dédaigna son autel, vit sa cité en proie à de terribles combats. N'entrez pas en compétition avec elle pour chasser le cerf ou pour tirer à l'arc : l'Atride paya chèrement sa vantardise. Ne convoitez pas sa virginité, car elles ne furent pas heureuses, les noces auxquelles prétendirent Otos et Orion. Ne vous dérobez pas à la danse qui revient avec l'année : c'est au prix de bien des larmes qu'Hippo se refusa à la ronde autour de son autel. Salut, souveraine, salut et qu'en toi mon chant trouve le meilleur accueil !
Callimaque